Ethique négative.


(Walter Sickert 1906)

La réflexion sur le rôle du mal doit s'accentuer dans le projet d'un éthique négative. Les accusations concernant Man Ray (lié au meurtre du Dahlia Noir) et Walter Sickert(Jack the Ripper) doivent être éclaircies dans leurs enjeux. Il en va de toute pensée.

J'annonce que je commence une telle éthique négative ; et l'éthos doit passer aussi par la critique de la métaphysique de la subjectivité.

La chair, la mort et le diable rôdent dans la familiarité de la jouissance, de l'extase et de l'horreur totale. Dans ces ténèbres gisent des leçons de ténèbres.

Faire un faisceau de forces éparses.

(Félicien Rops, le sphinx)


Il est difficile à l'homme jeté dans la forêt obscure de la vie de tresser et forger les forces éparses sur les voies en carrefours.

Les joncs, les fibres d'écorce et de bois sanglants, les puissants tendons, les tiges oubliées des orchidées, les poils animaux, les plumes, le corps convulsé du Serpent, les hurlements du loup peuvent-ils être liés ensemble, la corde ainsi tressée peut-elle fixer, enlacer, capturer un puissant titan enivré de sa force?

La nostalgie divine peut elle s'enraciner dans la boue du désir, et la boue du désir nourrir les fleurs délicates de la neige et de la Lune?

Ainsi voit-on mourir le corbeau dans la neige, atteint d'une flèche acérée, noir des ses cheveux en entrelacs, forgés de fer, rouge comme ses lèvres entrouvertes, calice offert à la puissance, et blanc comme le paysage parfumé que parcourt le visage rêveur de l'amant.

Ainsi voit-on la neige dans les silences et les cavités spirituelles de la nuit, répondre à la neige des étoiles vacillant dans l'abîme, flambeaux du ciel.

L'orbe des ténèbres coule les lacs qui noieront dans l'encre, le fer et le feu le tissage des jours ; nous ne veillerons ni sur des idoles ni sur des attendrissements. Le fer et la pierre seront notre centre d'obscurité ; et jamais nous ne vénérerons l'illusion de l'intensité pour fuir le vide.

Établis ta cause sur rien, et vit la vie du vide pour trouver, comme les lierres du Kraken, la puissance patiente d'étouffer la proie. Un temps et les demeures cyclopéennes des Géants furent cendre ; un temps et les constructions de l'homme sont mangées des vers.

La proie- ou la mort, telle est la loi du carnivore. Je fonde ici l'ordre de la Griffe, en souvenir de l'ombre du Loup céleste, qui poursuivit et dévora le Soleil.

Viva la muerte!

Stefan George, un frère. Du peuple des extrêmes.

(Stefan George avec deux frères Stauffenberg dont Claus, 1924)


Les éditions de la différence ont publié en 2005, donc hier, un superbe recueil de Stefan George (1968-1933), "l'étoile de l'Alliance", dont la traduction rend sensible la splendeur et la profondeur.

L'arbre Stefan George, peu connu, a des fruits superbes, dont tout particulièrement Ernst Kantorowicz , qui a montré par son Fréderic II (Hohenstaufen), enfant d'Apulie, magicien, philosophe, Empereur romain germanique, roi de Jérusalem, et l'Empereur des derniers temps, que l'histoire peut être de faits et de pensée, qu'il y a des sens de l'histoire comme des sens de l'Ecriture. Et donc, soit dit en passant, qu'elle doit être spirituelle pour être intelligible en sa plénitude et en ses déterminations.

Ceux qui connaissent la pensée comprendront les choix. En italique répondent des fragments d'Héraclite, l'ami de l'obscurité.


"Je ne sais si je vous ai dignement célébrés
Toi le Né et toi le Non-encore-né.
Je ne connais qu'un Seul qui croît
Multiple et veut être anéanti
Et revivre chaque fois par une nouvelle flamme
Un d'abord il rempli des formes variées
Surgit de la nuit de la purification le même
Et différent dans une seule magnificence."


L' Un, cet unique sage, en même temps veut et ne veut pas être nommé du nom de Zeus.

Ceux qui ont entendu non moi mais le Logos, sont d'accord que la sagesse, c'est : Un est tout.

La loi, c'est aussi obéir à la volonté de l'Un.

Dieu est jour et nuit, hiver et été, rassasiement et famine. Il change comme [le feu] qui, quand il est mêlé aux parfums, reçoit un nom selon le plaisir de chacun.


"Toi peuple des extrêmes-des écueils venteux
Et jachères enneigées-Et toi peuple du désert brûlant!
Berceau du dieu fantôme...également éloignés
De la mer sereine et de l'Intérieur où la vie
se vit à son terme dans un univers du dieu et de l'image!..
Blonds ou noirs vous êtes issus du même giron
Frères méconnus vous cherchant vous détestant
Toujours errants et donc jamais comblés!"





(http://www.newaeon.de/index.php?act=viewtext&textID=27945. Pour Stefan George - Der Mensch und der Drud)


"Je suis l'Un et les deux
Le procréateur et le giron,
Je suis l'épée et le fourreau
Je suis la victime et le heurt
Je suis la vue et le voyant
Je suis l'arc et la flèche
Je suis l'autel et le suppliant
Je suis le feu et le bois
Je suis le riche et le nu
Je suis le signe et le sens
Je suis l'ombre et le vrai
Je suis une fin et un début."

Ils ne comprennent pas comment ce qui s'oppose s'accorde dans une identité. L'harmonie est changement de côté (acte de tourner, va et vient, ), comme pour l'arc et la lyre.

J'ajoute car j'y pense :

«Je suis ce que j’ai été, ce que je suis et ce que je serai.
J’ai revêtu une multitude d’aspects avant d’acquérir ma forme définitive
Il m’en souvient très clairement.
J’ai été une lance étroite et dorée
J'ai été une goutte de pluie dans les airs,
J'ai été la plus profonde des étoiles,
J'ai été mot parmi les lettres,
J'ai été livre dans l’origine,
J'ai été lumière de la lampe,
J'ai été chemin, j’ai été aigle,
J'ai été bateau de pêcheur sur la mer,
J'ai été goutte de l’averse,
J'ai été une épée dans l’étreinte des mains,
J'ai été bouclier dans la bataille,
J'ai été corde d’une harpe,
J'ai été éponge dans les eaux et dans l’écume,
J’ai été arbre dans les forêts.
Et puis, quand les temps sont venus, j’ai été le héros des prairies sanglantes, au milieu de cent chefs.
Rouge est la pierre qui orne ma ceinture et mon bouclier est bordé d’or. Longs et blancs sont mes doigts. Il y a longtemps que j’étais pasteur sur la montagne. J’ai erré longtemps sur la terre avant d’être habile dans les sciences…»

Taliésin.

A vous, hommes nobles, ces mots de méditation sur la route de la baleine, celle des îles de l'âme, dans vos errances de quête entre le sang et la rose.

Les frères ennemis doivent se réunir en une corde tressée face au péril des eaux ; le fils prodigue fêté par la fleur et par l'épée.

La puissance doit fructifier dans l'acte.

Les possibilités de la discussion philosophique.

(Philippe Burne Jones-la femme vampire)

La discussion philosophique est l'exercice le plus rare et le plus vivant de la philosophie authentique. La discussion réussie porte les mêmes difficultés que la lecture réussie d'une grande œuvre. La discussion philosophique par elle même fait advenir l'Être dans le réel vécu. Rare, car souvent, le penseur ne vit pas en même cycle que son lecteur. Et surtout, parce que les conditions d'une discussion véritable sont très rares.

Pour qu'une discussion véritable s'élabore, les personnes tissées à partir du Verbe doivent s'enraciner dans un Univers commun, ou être curieux d'univers.

Tout d'abord, une indéfinité de textes peut faire légitimement référence au même objet de discussion. Cela peut paraître contradictoire avec des affirmations antérieures ; mais pas vraiment si la polarisation produit des attracteurs, en lesquels des êtres de même espèce se lovent de manière analogue, comme le Serpent, comme un lit peut être habité, dans un hôtel, par mille et mille destins de passage. Disons que le même objet de discussion ne désigne pas un singulier unique, mais une classe de particuliers analogues.

Ensuite, le texte contient de manière implicite et immanente une position quant à la vérité : ainsi cette position sera-t-elle très différente dans un roman et dans un rapport d'enquête. La vérité dans le roman est la cohérence interne et la réalité de l'attribution à l'auteur ; ainsi un texte faux sera un plagiat ou une mauvaise traduction, ou encore le texte authentique mot à mot mais lu, comme au théâtre, de manière fausse, comme quand un musicien joue faux. La vérité dans le rapport est référentielle, peut importe la personne qui l'a écrit. La position quant à la vérité est implicite dans le texte, dans sa forme et sa présentation ; on accepte un roman de présentation fantaisiste, mais une thèse universitaire revendique sa véracité par l'austérité.

Ainsi le tissage du texte produit-il son concept de vérité, et un malentendu sur ce concept est parfaitement vraisemblable. Simone Weil, dans sa "lettre à un religieux", 24 dit que la vérité du Dogme est d'ouvrir les portes du ciel, comme le voile du Temple, qui indique et qui voile ; et que cette vérité là ne doit pas être confondue avec une vérité d'ordre physique, comme "Salazar est vivant", d'autant plus qu'il est mort.

L'usage dogmatique des dogmes revient à l'usage de Tartuffe, de faire du texte mystérique, paradoxal par essence par référence au "bon sens", au sens "objectif", un moyen de pouvoir et de domination. En effet, le paradoxe permet d'ordonner la soumission pure et simple si on le prend comme une vérité physique : je dois croire ce que je ne puis comprendre, car je suis dominé. Je dois perdre confiance dans mes moyens, perdre tout critère, abandonner dans ma raison au sens transcendant, et me remettre pieds et poings liés au magistère ; et seul l'orgueil expliquera et culpabilisera ma perplexité. Le dogme ainsi instrumentalisé comme arme de l'Âge est une figure de la double contrainte. Les dénonciateurs de la religion ne sont le plus souvent que des caricatures de cette caricature d'époque.

Le paradoxe du Dogme est le reflet de son contenu, dynamique et contradictoire, qui doit me pousser à engager le combat spirituel en me faisant sortir des illusions du monde quotidien, normal, et pourtant construit et vidé par la préoccupation vitale ; le dogme est la porte de la gnose. En le posant comme une vérité physique, on me permet en fait de n'habiter que le monde ordinaire et de faire par fêtes une excursion sécurisée dans l'extraordinaire, rendu incompréhensible donc inaccessible, définitivement étranger au monde ordinaire. Il ne reste plus après qu'a le supprimer dans ses symboles et dans ses rites devenus incompréhensibles par ceux là même qui doivent les conserver et les accomplir, sans parler des autres.

Et cet usage du Dogme comme moyen de puissance est un élément du Système ; le lien aux Abîmes se ferme ; l'Âge de fer s'affirme par ses prétendus ennemis que sont les fondamentalistes littéraux. Ceux-ci ferment les voies du Paradis et de l'Enfer, autant que les philosophes matérialistes, et leur œuvre s'en distingue peu.

Car la vérité est que chaque parcelle des mondes est un reflet de l'Être, et porte l'unité, la vérité et la beauté, à l'œil qui sait voir. Et que chaque instant peut être braise, et feu, et non pas cendres, et production et consommation matérielles. La distinction entre le temps ordinaire, le monde ordinaire et le "Grand Temps"n'est que lâcheté indispensable à la survie humaine ; l'exigence absolue envers soi-même est de refuser l'ordinaire, non pour l'extraordinaire, mais pour la cime ou l'abîme-la vie ou la mort.
La méditation quotidienne de la mort, de sa mort, imaginée, vue et vécue dans ses tourments les plus concrets, dans sa face éperdue, paralysée et grimaçante, est ce délice qui cabre la puissance de l'âme, comme une puissante monture des ténèbres, au dessus des espaces terrestres. Le macabre est une discipline de saveur de l'âme.

Deuxième obstacle : un même texte peut avoir plusieurs références, et donc être à la fois vrai et faux selon l'Univers où il s'enracine et prend son sens. Debord dit avec raison que dans le Système, "le vrai est un moment du faux général" ; ou encore, une information exacte peut être l'argument d'un mensonge. Cela est vrai au delà des mots, pour les images, ou mille autres signes de la semiosis générale. Je donnerais comme exemple l'usage mécanique de Thomas d'Aquin, très éloigné de la vérité de l'effort de totalisation d'une vision de Thomas, et qu'il a qualifié lui même de "paille". Utiliser Thomas comme machine à argumenter et à nier est ignorer son entéléchie brûlante, ascendante, et incarnante, ignorer la masse de Thomas, ses affirmations de la conservation terrestre du Paradis terrestre, ou encore que le plaisir de l'amour des sexes était supérieur avant le Péché : ignorer que Thomas est homme de nôtre âge, incarnant la puissance sacrée dans tous les aspects de la vie humaine comme une totalité encyclopédique, un puissant désir de savoir et de totalité, d'assimilation-et l'énormité de son corps n'est pas contingente.

Thomas est le désir terrestre de Dieu ; un fruit de son époque, une époque de moisson, et un automne mélancolique et plantureux des mondes où la quête de la Sagesse, de plus en plus obscure et hors de portée, était, de l'avis unanime des hommes nobles, le destin même de l'homme noble ; et où cet avis créait un marché de la philosophie. Nous autres vivons l'hiver, et sommes bien loin de comprendre la puissance de ces temps pourtant proches.

Il est un autre exemple de ce mal, dans la lecture des textes sacrés ; les savants préoccupés de philologie et d'exactitude physique se croient dédouanés de l'usage des commentaires anciens, et en arrivent à s'aveugler absolument sur le sens du texte dans son Univers de naissance et de croissance. En effet, j'ai lu dans un dictionnaire universitaire éminent, catholique et encyclopédique de la Bible en un très fort volume, et fort récent, que ni le Cantique, ni l'Ecclésiaste, n'avaient vraiment leur place dans le Texte, étant "profanes", et que leur intégration avait des "causes historiques". A ce point, il est clair que la discussion ne peut trouver son sol, ni ses racines.

Enfin la discussion en général, où la lecture, peut s'arrêter à "l'art d'avoir toujours raison." Soit en effet l'auditeur ne conserve que des fragments utiles à renforcer son entéléchie, et croit comprendre et partager ce qu'il entend tout en n'y entendant rien, c'est à dire qu'il démembre et éviscère ce qu'il reçoit et s'en nourrit, soit encore la discussion et ses arguments ne sont que la forme d'un affrontement, qui suit alors les règles de l'affrontement, et non plus les règles de la discussion. Dans ce combat les plus hautes paroles deviennent des moyens des vanités, et toute vie supérieure fait alors défaut.
Le plus souvent on ne parle pas, ou on parle avec soi même ; la haute figure de l'Autre est ainsi un fantôme ténu que l'on évite, un être d'une substance d'obscurité.
Parfois même, comme l'atteste l'autobiographie d'Ignace de Loyola, est-il un démon familier et silencieux, immobile dans les silences et les abîmes de l'âme. On le trouve aussi dans d'autres textes :

"«[…] un démon d’aspect […] infernal était sans cesse à ses côtés sous la forme de son frère.»
James Hogg, Confession du pécheur justifié (Gallimard, coll. L’Imaginaire, 1987), p. 58."


Seul l'être porteur d'abîmes peut réellement ouvrir son âme à l'Autre, car il est lui même puissance, nœud dynamique d'opposés, et donc capable d'assimiler, comme le Serpent Dasypeltis, des formes et des entéléchies étrangères.

Enfin il y a l'objection de Nietzsche, qui est plus ancienne que son nom. On soutient que toute grande pensée est l'expression de la biographie de son auteur, et donc n'est qu'un masque qu'il faut interpréter. Cela clôt la discussion, puisqu'on ne peut parler alors des mêmes objets ; on prend de plus une position de supériorité avec aisance, le grand style psychanalytique. Cette objection est à rejeter pour le texte comme pour la musique ; chaque morceau s'enracine dans une idiographie mais s'exprime par des structures qui ne sont possédées ni produites par âme qui vive. Reste une passion de la pensée, un désir, une chair qui font le style.

A ce titre cependant je ne dirais qu'une chose, c'est que le phylum qui me porte porte aussi les contradictions des combats et des cendres, que j'ai entendu les combats et les cendres, et que je n'ai su quoi faire de toute cette douleur. Je n'ai su que faire de ces danses macabres des rives odorantes de la mer aux forêts de l'Est. Il me reste le mythe d'Odin, éborgné, une nuit infinie pendu sous Yggdrasil comme forme implicite de l'amour de Dieu. Il me reste que l'homme ignore la justice, connaît la douleur, le deuil et l'amertume mais ne doit pas renoncer ; que quand la guerre à mort surplombe une époque, la ligne de démarcation n'est pas entre les combattants, mais entre les combattants et les autres ; que le passé est cendres, qu'il ne mérite ni pitié ni tendresse.

Celui qui m'a bien compris sait alors que nos textes ne sont pas incompatibles. Le texte est entouré, déterminé, porté par tout ce qui n'est pas lui et plus que lui. Le texte ne reflète que spéculairement, et non face à face, l'objet de ses soins, de son désir et de sa mélancolie. Par analogie, le spectacle est vide à qui vit la vie dans les mondes. L'effort pour saisir l'objet, cette lutte avec l'Ange, aussi dure que les luttes humaines, est plus que le texte. Le texte est cet étrange labyrinthe de cendres, issues des hautes cimes de l'esprit. Le mémorial de Pascal est moins que le Feu qui l'habita.

A titre de joute, de jeu qu'on ne saurait négliger sans excès de sérieux, j'ajoute que de manière analogue l'être n'est que cendres par rapport à ce volcan dont veut rendre compte le nom de Tout-Puissant.

L'objet de mes soins est la guerre métaphysique. Et cela est comme les longs fleuves de l'amour, un réseau qui ne peut finir. J'y reviendrais.

Le jeu comme symbole du monde.


(http://www.bloghotel.org/Errance/Peinture/)


"Sans jouissance rien ne subsiste. Sans jouissance rien ne dure,
Dieu doit jouir de soi ;
Sinon son essence comme l'herbe sécherait"


"Dieu joue avec le créé
Tout est un jeu que la Déité se donne ;
La créature, elle l'a conçue pour son plaisir"


"Je ne suis hors de Dieu, ni Dieu n'est hors de moi ;
Je suis son lustre, sa lumière,
Il est ma gloire."

Citations d'Angelus Silesius, (cité sur http://isabelledescharbinieres.hautetfort.com/archive/2008/11/26/reactions-a-la-metaphysique-de-la-virtualite.html#comments)


La pensée conçue comme poiésis est une activité de création, à l'image de la création première ; à ce titre cette pensée est amie du chaos et des ténèbres, de ces ténèbres à la surface de l'Abîme. Elle n'est pas ouverture et contemplation, et la contemplation ne peut être pour elle que le repos après les jours, les cycles de séparation des eaux. Non que le chaos et les ténèbres ne soient bons en soi, mais parce que l'oiseau des tempêtes ne peut étendre sa puissance que dans les labyrinthes des mers et des vents rugissants, là où tout autre éprouve l'angoisse de l'égarement.

L'activité de création est désir, désir des luminaires du ciel, désir des fruits et des fleurs et des semences, désirs d'ordonner et non désir d'ordre, désir du mâle et de la femelle, désir gnostique de la science du Bien et du Mal, désir de parcourir les cycles, et élevation par la splendeur des mondes hiérarchiques : Dieu vit que cela était bon.

Or cette activité divine, cette in-formation de la puissance, est jeu et jouissance, et gloire et lumière. Elle est déploiement de la puissance, de la lumière et de la force. Le jeu se déploie par la fixation de règles sur un horizon de contingence ; il est jouissance de la fondation et de la législation. Il est aussi jouissance de la possession par la nomination des créatures, jouissance de la maîtrise ; il est ivresse de la souveraineté. Il est aussi co-détermination de l'identité personnelle, c'est à dire sculpture de soi, transformation de soi, selon l'appel même d'Origène. Mais tout cela ne se fait que relativement, par image et par miroir ; la folie est de se croire tout puissant. En étant comme, je ne peut m'identifier ; la ressemblance sépare le ressemblant. Cette puissance et cette liberté passent par l'obéissance et la soumission. Il n'est force qu'à ce prix.

Le jeu fait de l'imagination une réalité ; il fait advenir, il est une théurgie. Le jeu est figuré par la musique, qui se joue, et qui se joue des conventions de mots pour dire l'âme et l'esprit. Le jeu est Janus, il est également éclosion et oubli, création et destruction, et innocence, légèreté et gravité. Le jeu enfin peut être guerrier, avoir des enjeux destructeurs. Ce jeu, cette lilà divine, est une figure de la splendeur et de l'effroi, du sens multiple et de l'incompréhension. La beauté qui n'est pas dans l'oeil de celui qui regarde ne se manifeste pas.

La posture du joueur ne peut être univoque ; il joue sérieusement sa vie, sait que le jeu est contingent, et ne peut afficher cette contingence ; le joueur est rusé comme le Serpent et candide comme la colombe, il est entre lumières et ténèbres, il aime la mort et aime la vie, aime les cimes et se place face à l'abîme.

C'est bien sa vie l'enjeu, comme dans Faust ; Faust est essentiellement un joueur. Et ce n'est pas seulement le journal du séducteur, qu'il développe, mais aussi celui du joueur, du danseur de mort. Danser avec la douleur et la mort, porter le raffinement là où l'homme craint d'aller : ainsi le visage du penseur comme artiste de la vie est-il celui du Dandy. Mais en tant que joueur, ce visage ne peut être qu'un masque. Ainsi le joueur est-il masque de masque, et joue-t-il avec le feu des pensées qui lui brûlent l'âme. Il joue et se brûle ; un jeu sans danger est pour nous sans saveur, sans sagesse. Il joue sur les sentiers vertigineux de la folie. Il joue avec les textes de géants, comme un oiseau avec les dentelles et les tissus de l'art, pour y faire un nid. Il joue comme le coucou, il joue en pratiquant le mimétisme, il joue avec les récits de l'histoire du monde.

A tout il peut redonner la légèreté de la danse, et trouver des arrangements nouveaux. Pascal, dans le discours sur les passions de l'amour, montre le rôle propédeutique de l'amour et de l'ambition. A ces jeux l'âme apprend la grandeur.

Tout la puissance qui engage en ces jeux est la nostalgie. C'est dans le jeu de la tragédie que les grecs ont su le dire ; cette puissance de désir, c'est la douleur issue du passé, le souvenir de la grâce, et ce qui est perdu ne peut être retrouvé. Aussi le jeu est-il forme de la quête en sa sincérité.

Viva la muerte!


La constitution de l'image de soi dans l'image de l'ennemi ; ou exégèse sur le principe de l'amour des ennemis.


(Ce texte est une discussion d'un texte de Zak portant sur sa réponse à Juan Asensio ; lien sur le titre).

Je connais tes œuvres, — tu n’es ni froid ni bouillant. Je voudrais que tu fusses ou froid ou bouillant !Que n’es-tu froid ou bouillant ! Mais tu es tiède, et parce que tu es tiède, je vais te vomir par ma bouche.

Quiconque s'arrête à lire cette pensée, et j'espère à la ruminer, doit se rappeler qu'elle est un commentaire de la parole du Maître. Un commentaire mêlant, comme en un creuset de chair, la rage, l'incompréhension, le vertige de la folie, la peur, la violence des passions, l'amour, la pitié, l'envie, l'avarice, la jalousie, la cruauté, tous ces entrelacs de pics et d'abîmes qui font de nous des hommes. Mais un commentaire. La base en est une compréhension du signe de Jonas.

Ensuite, le lecteur doit savoir que si je prend tant de temps et de force à écrire une réponse qui est assimilation et rejet des textes de Zak, c'est que je me reconnais profondément dans sa démarche, tout en m'en démarquant. La discussion part de bases communes, et avoir des bases communes dans les domaines de pensée est rare. A ce titre je reprend des citations de son texte pour les questionner. L'introduction est finie.

Le champ sémantique de la constitution d'une description est tissé de différences. Différences, c'est à dire opposition. De manière générale, dans la construction du récit de soi , dans la construction de la mondéité et de l'universalité que porte l'idéologie, le portrait de l'ennemi est un négatif de l'idéal du moi personnel ou collectif.
C'est à dire que l'appréhension de l'autre se fait par rapport à soi, et par condamnation et rejet comme démarche de nature face au non soi, issu pourtant du même principe que le soi. Quand l'ennemi est identifié comme tel, sa description découle de ce jugement ; c'est à dire qu'aucune qualité positive de ma totalité idéologique ne peut lui être appliqué sans scandale. A ce modèle correspond l'image sémantique du totalitarisme nazi dans l'idéologie du Système. Précisons que cette position de l'image n'est pas une connaissance, c'est à dire que la thèse soutenue n'est en aucun cas assimilable à une défense du totalitarisme, ni même à un savoir quelconque sur lui, mais ne porte que sur le rôle fonctionnel de « totalitarisme » dans le sous système idéologique.

L'ennemi n'est pas en effet l'adversaire. L'adversaire est une symétrie et une figure d'identification ; quelque part il est mon égal. C'est pourquoi l'affrontement à l'adversaire ouvre-t-il la possibilité du jeu, c'est à dire d'un affrontement médiatisé par des règles communes, et laissant continuer l'honneur et la vie de l'honorable vaincu. La guerre ancienne a connu l'adversaire sous la figure de la guerre chevaleresque, fondement du concept de lois de la guerre. Mais aujourd'hui la voie de l'ennemi l'emporte.

Autant l'adversaire valorise ma victoire, autant le combat contre l'ennemi prend-il la figure d'une guerre d'extermination où les règles morales humaines n'ont plus à être respectées. L'ennemi ne peut être pensé comme un être humain, objet d'identification, de pitié et d'amour.

L'ennemi est une négation absolue ; une vermine, un parasite ; une chose ignoble, qui doit être détruite pour le triomphe du bien. Dans l'optique de l'ennemi, aucune protection juridique ne doit être accordée au vaincu ; il n'est que proie vouée à la destruction. C'est dans cette optique que naît le refus de toute protection au vaincu, la torture, le génocide, les viols des femmes. Une fois un ennemi vaincu et détruit, je garde en moi la structure de l'ennemi, et je me trouve de nouveaux ennemis-car je ne peux être cela que je suis sans ennemi. Aussi mes efforts de victoire aggravent-ils ma servitude ; et je prends l'habitude de la cruauté insouciante. La voie de l'ennemi est un naufrage pour le vainqueur comme pour le vaincu, malgré son caractère quasi inévitable en guerre. Voyez les fruits de la « guerre contre le terrorisme ». Cette voie n'est pas une haute voie spirituelle, et la guerre Sainte ne peut s'y identifier. Les paroles rapportées du Maître contiennent à ce sujet des avertissements très clairs. Entre autres :

« Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, ne la vois-tu pas ?»Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et que tu ne connais pas que, toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu »
«Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »

Voyons maintenant le passage du texte de Zak qui m'amène à ces réflexions :
« A ce sujet, Augustin d’Hippone expliqua clairement que la « Question » porte sur la notion des "deux cités", des deux principes antagonistes depuis la Chute, dans la mesure où le monde est le lieu où se déroule depuis l’origine une incessante lutte entre deux volontés, deux projets antagonistes, où s’affrontent deux « voies », deux orientations aux perspectives radicalement différentes. Telle est l’authentique division toutes les autres étant factices et superficielles. C’est pourquoi, celui qui a compris que la seule extériorité critique est uniquement de nature spirituelle et qu’il n’y a pas, fondamentalement, de différence, de clan, de tendance dans la cité de la terre puisque toutes les forces possèdent la même et identique racine de désorientation viciée et corrompue, doit, alors qu’il est placé au cœur d’une confrontation métaphysique gigantesque qui voit s’affronter deux puissances irréconciliables, se positionner clairement en faveur de l’une ou l’autre des deux Cités, l’amenant, certes, à relativiser les gloires et puissances terrestres, mais surtout regarder les fausses luttes politiques ou idéologiques d’ici-bas comme vaines et stériles, dans la mesure où le combat véritable, l’unique combat, se mène contre « l’Adversaire », et non contre des mirages passagers au nom d’orientations politiques intramondaines. »

Radek a douté que je puisse parler de dualisme, en rappelant l'orientation manichéenne de la jeunesse de St Augustin. Pourtant...je vois là non pas un monisme, mais bien les risques d'un dualisme principiel.

« il (l'homme) est placé au cœur d’une confrontation métaphysique gigantesque qui voit s’affronter deux puissances irréconciliables »

Voilà le développement d'une autre tradition culturelle, issue pourtant du Néoplatonisme et de l'évangile.
Le monde réel est tissé de différences multiples issues de l'Un ; l'arbre est un symbole du monde autant que de la connaissance. L'identité se construit en tissant les oppositions ; et l'identité positive en désignant l'ennemi, le Mal dans un Univers. Tout est issu de l'Un et retourne à l'Un ; et la pensée de l'Un est la pensée de l'Unité. Ainsi, le Mal est un produit du Bien, comme une ombre. Il n'y a pas place dans cette perspective à une distinction entre distinction authentique et distinction factice, mais une division première fondatrice à laquelle les autres divisions s'analoguent à l'indéfini.

FAUST : Donc es-tu?
MEPHISTOPHELES : Une partie de cette force qui éternellement veut le mal, et qui éternellement fait le bien. Goethe, Faust.
Choisi en frontispice du « Maître et Marguerite » de Boulgakov.

Le Sage le plus haut, contrairement aux autres hommes, n'est pas obligé de combattre le Mal, car du combat contre le Mal, posé comme voie de l'ennemi à exterminer, naît sans cesse du Mal. Ainsi la guerre contre le terrorisme multiplie les crimes,le sang et les larmes...contrairement à Zak :

«(il doit...)se positionner clairement en faveur de l’une ou l’autre des deux Cités »

Je dis moi, que le penseur supérieur n'a pas d'opinion, et n'a pas à se positionner, car il cherche la matrice des opinions, et que plus il s'en rapproche, et plus il est apte à percevoir les limites des positionnements et à en rendre compte. Et une très ancienne tradition spirituelle porte cet avis.

Là où les hommes reçoivent l'ordre de combattre pour se purifier, le Sage reçoit l'ordre de la pitié. C'est le signe de Jonas. Je veux citer ici une étrange et lointaine parole de Clément d'Alexandrie (Stromates VII ch II, 10)

« C'est pourquoi les commandements sous la Loi, et aussi avant la Loi-car la Loi n'est pas pour le juste-ont établi que le choix de vie fasse recevoir un lot éternel et bienheureux, mais ont laissé avec l'objet de son choix celui qui a préféré le mal » « car c'est d'après la condition que je vous trouverez que vous serez jugé », rappel de « c'est à la mesure dont vous jugerez que vous serez jugés ».

On trouve dans le « Livre des Haltes » d'Abd El Kader la même consultation sophiologique.

Je peux maintenant revenir sur le signe de Jonas.

La parole de l’Éternel fut adressée à Jonas une seconde fois, en ces mots :

"Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et proclames-y la publication que je t’ordonne ! Et Jonas se leva, et alla à Ninive, selon la parole de l’Éternel. Or Ninive était une très grande ville, de trois jours de marche. Jonas fit d’abord dans la ville une journée de marche ; il criait et disait : Encore quarante jours, et Ninive est détruite !

Dieu l'affirme, Ninive est mauvaise et condamnée. C'est une Vérité.

Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas. Jonas en fut irrité.

Dieu porte en lui ce que la créature, ce fragment de miroir, pense comme la contradiction. Cette contradiction est temporelle dans le récit mais le Centre absolu des mondes ne peut être que le point de rencontre des opposés. Cette contradiction place le repentir, le retour en Dieu même.
Cette irritation, ou colère, montre le point de vue unilatéral de Jonas : Jonas est sur la voie de l'ennemi ; il se renforce illégitimement de ses condamnations, pourtant légitimes.

Il implora l’Éternel, et il dit : Ah ! Éternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal.

Le mal est en Dieu même si le repentir est en Dieu même.

Maintenant, Éternel, prends-moi donc la vie, car la mort m’est préférable à la vie. L’Éternel répondit : Fais-tu bien de t’irriter ?

Jonas a annoncé des vérités divines, et Dieu se contredit. Il en est irrité, malheureux jusqu'à la mort. Sa personne est bâtie sur sa réprobation, et sa réprobation est devenue une question de survie. Il veut la mort des ninivites pour sa survie, pour se glorifier de son rôle de théophore. Quelle peut être la probité de son jugement? La réponse est une question qui ne porte pas sur le jugement moral, mais sur l'émotion que provoque la condamnation et la réprobation morale. Zak, Juan, faites vous bien de vous irriter contre des hommes qui ne connaissent ni leur droite ni leur gauche?

Et Jonas sortit de la ville, et s’assit à l’orient de la ville, Là il se fit une cabane, et s’y tint à l’ombre, jusqu’à ce qu’il vît ce qui arriverait dans la ville. L’Éternel Dieu fit croître un ricin, qui s’éleva au-dessus de Jonas, pour donner de l’ombre sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas éprouva une grande joie à cause de ce ricin.

L'homme qui se met à l'Orient, vers Dieu, a besoin de cette cabane, de cette part d'ombre. Il ne peut vivre en plein midi sans folie caniculaire, sans démesure. C'est Dieu lui même qui lui donne cette part d'ombre.

Mais le lendemain, à l’aurore, Dieu fit venir un ver qui piqua le ricin, et le ricin sécha.

Il y a un ver dans la satisfaction morale ; il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.

Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent chaud d’orient, et le soleil frappa la tête de Jonas, au point qu’il tomba en défaillance. Il demanda la mort, et dit : La mort m’est préférable à la vie.

Jonas ne peut affronter sans ténèbres le souffle de l'Esprit et la Lumière céleste. La puissance de Dieu est souffrance pour l'être fini. Jonas souffre de la puissance de Dieu, qui vient d'Orient comme Esprit et Lumière. Le théophore souffre de la lumière et cherche la protection des ténèbres !

Dieu dit à Jonas : Fais-tu bien de t’irriter à cause du ricin ? Il répondit : Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort. Et l’Éternel dit : Tu as pitié du ricin qui ne t’a coûté aucune peine et que tu n’as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit.

Le rapport entre le « ricin » et la nuit, et la nuit et le temps est souligné.

Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre !

Et si moi j'ai eu pitié de quelque hommes musulmans, Dieu ne pourrait avoir pitié de tous?

Tout système est une image de la totalité, en ce qu'il porte une clôture ; mais il est image, car il n'est pas la totalité. La totalité échappe à tous comme à Jonas. Quoi? Pierre n'a pas renié le Christ? Et les paroles « qui n'est pas contre moi est pour moi » «Loin de moi, vous qui commettez l'iniquité! » « Que n'est -tu froid ou bouillant! » n'ont pas été dites? L'expérience de la totalité est la négation de la négation.

La constitution de l'identité personnelle étant liée à la constitution d'un monde, il s'ensuit que la conscience en soi de la totalité est fermée à la conscience personnelle. Plus encore, les efforts que fait l'homme, cette essence de verre pour être consistant, pour être plus qu'une flamme éphémère, sont autant de déformations nécessaires de l'accès à l'Être. Plus il se détermine, plus il détermine les mondes, et ferme des portes et des possibles. Plus il enténèbre des jours qui auraient pu être. Aveuglé par ce qu'il gagne, il tourne le dos à ce qu'il perd, et ne peut être compté.

Face à St Augustin , je veux invoquer l'autorité d' Héraclite, d'Origène, de Denys et de Jean Scot ; celle aussi de Nicolas de Cues : la création fait intégralement retour au Principe, la complexité infinie de l'émanation étant figurée par l'arabesque. L'arabesque est structurellement comparable à l'emblème du Tao. Lumières et Ténèbres s'entrelacent d'une manière inextricable. Le labyrinthe est symbole du monde, comme les sous bois obscurs envahis par les ronces, comme les arbres qui mêlent la puissance solaire à l'obscure nourriture des ténèbres terrestres, dans une poussée verticale ascendante, théophanique, qui résonne dans l'esprit contemplatif. Les fleurs naissent du fumier. J'exalte l'âpre saveur de la vie, l'odeur mêlée du sang et des roses. L'apocastase est alliance du temps et de l'éternité ; comme la chute et comme la grâce elle est toujours déjà réalisée, et c'est pourquoi le sage est exempté de lutter contre le Mal, pour chercher l'Un. Dans la Geste, cette exemption justifie l'acte de l'ermite qui porte secours à Tristan et Iseult et qui leur permet la réintégration du monde humain.

Hors de la voie de l'ennemi, la vie est un cercle : on sort du Suprême, et on retourne vers le Suprême. Quand tu te rapproches du Suprême, tu t'en éloignes aussi. Le chemin vers le haut et le chemin vers le bas est le même. Tu ne sors de cette contradiction que dans le Suprême. La contradiction naît de l'émanation, du temps et du point de perspective.Le Suprême sort du Suprême. Le Suprême s'éloigne du Suprême et revient vers le Suprême. Le Suprême se forme, se corporifie, et pâtit. Le Suprême souffre, pleure, désire. Le Suprême s'incarne et meurt, descend aux enfers.

Le Suprême est tout, mais tout n'est pas le Suprême. Tout n'est pas le Suprême, contre Eckhart : « l'être est Dieu. Dieu est l'être, mais l'être n'est pas Dieu. Le suprême est tous les noms divins, mais tous les noms divins ne sont pas le Suprême. Tout les reflets sur la mer sont le soleil, mais le soleil n'est pas tous les reflets sur la mer. Et le Suprême est insaisissable ne peut être contenu par rien, comme celui qui voudrait saisir la mer entre ses mains.

Tout sort du Suprême et vit la vie du suprême. « De même que tu vis en Christ, Christ vit en toit »sous l'écorce des ténèbres. Le Suprême vit dans les vivants mais tous les vivants ne sont pas le Suprême. Toute vie est la vie du Suprême, mais toute la vie n'est pas le Suprême. En toi Christ est crucifié, entre centre et dispersion, haut et bas, Ciel et Enfer ; entre l'Esprit qui réunit et flue vers le Père, et le Verbe qui s'engendre du Père et est comme une épée, qui sépare et pose.

L'ascèse est nécessaire et amère comme la mort à celui qui comme Jonas, porte la condamnation du Siècle. Et cette condamnation est juste. Mais à celui qui voit que méditer sur la vie et méditer sur la mort sont un, la mort est une science de la vie divine, comme le printemps est une science du printemps divin. C'est pourquoi la Loi, qui sépare et pose, n'est pas pour les justes, les spirituels qui réunissent, et donc ne jugent ni ne condamnent.

Il existe, frère, une dextre et une sénestre du Père, une main gauche et une main droite, et nul sinon le fils ne peut se prévaloir de connaître toutes les voies. L'homme ignore la Justice. « il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père ». Dire cela n'est pas nier les contradictions, ce que fait le syncrétisme ; les contradictions du monde ne peuvent être résolues, avant comme après Babel. Clément le rappelle dans ses Stromates VII, ch 2, 6 : « Car les Anges ont été répartis entre les peuples par une décision très ancienne (deut 32,8) » Les contradictions du monde sont bonnes ; la guerre est père des mondes.

« Il n'y a d'extériorité critique en ce monde que spirituelle »

C'est un jugement qui peut avoir deux sens. Soit c'est un truisme, car la critique ne peut naître que d'une comparaison de l'être actuel avec de l'être non actuellement réel dans le monde critiqué ; et donc ne peut naître que de ce qui excède l'être actuel par le possible, par le désir, par la volonté de puissance, et est, par cet excès, de nature hiérarchiquement supérieure à la substance du monde vécu, c'est à dire de nature spirituelle, étant entendu que le spirituel est relatif au monde considéré.

Soit on veut dire par là que seuls les spirituels peuvent, par leur science de ce qui excède les limites étroites des siècles modernes, adopter à son égard l'attitude critique qui repose en dernière analyse sur leur altérité définitive à ce monde. Cela me semble largement vrai, les idéologies modernes me paraissant être des variations autour de fondements métaphysiques communs, ces fondements implicites étant hors d'accès de la critique pour ceux qui voient le monde dans le système. Ces fondements sont conçus comme des caractères objectifs de l'Être. Le « caractère objectif » signifie qu'ils sont hors de discussion, fondement des discussions possibles, légitimes, et non des décisions idéologiques, ce qu'ils sont. Si je veux discuter ces fondements idéologiques, je suis vite classé comme ayant un principe de réalité déficient, un insensé susceptible de prise en charge juridique ou médicale. Ainsi, l'idée que ce qui est par excellence est quelque chose, a le caractère de la res, est réel ; et que ce qui n'est pas quelque chose, ce qui est irréel, comme une relation, un nombre, n'a pas vraiment d'être. L'irréel est assimilé au néant pur et simple. Par exemple, ce fondement sert à poser que « la crise financière »est extérieure à « l'économie réelle »

Cela, ce privilège critique des spirituels, n'est pas à mes yeux une situation structurelle mais une situation conjoncturelle, cyclique due à la puissance de propagande et d'assimilation de la « totalité » dominante. Mais la totalité dominante est elle même négativement une réalité spirituelle, et aussi une réalité concrète qui ne peut être balayé d'un revers de main conceptuel. Il faut prendre au sérieux cette idée qu'un être doit parcourir la somme de ses possibilités, y compris inférieures, pour se réaliser.

Le point de vue moral est un point de vue unilatéral, qui ne peut prendre en charge la totalité. Le point de vue moniste est un point de vue unilatéral, qui ne peut prendre en charge la totalité. Je justifie cette dernière thèse en rappelant que le monisme est structurellement réducteur : il affirme l'unité d'une substance et nie les polarités. Pour le monisme, la substance est réelle, et les oppositions sont factices ; et je dis moi qu'elles sont les conditions de toute phénoménalité.

L'autodestruction du Système par lui même est à la fois un mal et un bien. La cité de Dieu veut être, et la cité terrestre veut être ; « il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. ». L'émanation est par nature une négation du Principe, et cette négation est bonne. « Dieu vit que cela était bon ». Et cette négation réside non pas dans un des pôles, mais dans la division. Et la réconciliation n'est pas la destruction d'un pôle, mais leur réunion polaire.

Appuyer une époque de rénovation des mondes sur la pensée de Heidegger est un risque, le risque de se désarmer à l'heure du péril. Car cette pensée est la pensée de l'interrogation fondamentale, de la fondation et de la contemplation ; et à l'heure de la rénovation, il faut non seulement une pensée fondamentale, mais aussi une pensée fondatrice ; non seulement une pensée de l'être, mais aussi du possible, de la volonté et de la puissance. Le Maître n'a pas seulement dit et contemplé ; il a voulu des pêcheurs d'hommes, il a institué des pratiques, il a fait siffler le fouet de cordes sur les marchands. A l'heure du péril, il ne suffira pas de réciter Holderlin pour faire croître ce qui sauve. Ce n'est pas étonnant à mes yeux que nos discussions reviennent sur Fénélon : car l'attitude passive, féminine, est comparable. La philosophie ne peut être théorie pure et l'art art pour l'art ; la fin de la philosophie et la fin de l'art est la vie. La philosophie authentique est mode de vie, et l'art authentique la vie poétique. Le feu héraclitéen, le feu du mémorial de Pascal excède de partout l'ontologie fondamentale. La volonté de puissance excède l'Être. Sans milieu de vie, sans rites, sans calendrier, la vie spirituelle est un désert vain. La philosophie et l'art doivent de nouveau être vécus. Et la cité terrestre est mutilée si elle ne peut s'efforcer d'être une image de la cité céleste, séparée mais visible en elle.

Voilà, les amis, les fruits de mes efforts. N'y voyez pas condamnation. Mais l'action est à la portée de la critique, et doit être défendue parce qu'elle est un devoir, en tout moment cyclique.

Fragments d'un traité de guerre métaphysique : le contexte cyclique.


La crise métaphysique du monde est dans une certaine mesure un miroir de la crise matérielle. Et la crise politique est profonde même si peu la saisissent dans son contexte.

Le cercle de causes qui crée "la croissance économique"est simple dans son principe : la conséquence de la croissance est aussi cause de la croissance ; et cause et conséquence sont proportionnels. Si les conséquences de la croissance connaissent une croissance quantitative, alors les causes la connaissent aussi, et l'ensemble monte en puissance comme il le fait globalement depuis au moins deux siècles. Seulement, si le cercle s'inverse, la cause systémique de la prospérité devient la cause systémique du lent effondrement de l'intérieur du système. Cette implosion semble en cours, et ceux qui prévoient la fin de la crise pour 2010 risque d'être aussi ridicules que ceux qui la voyaient derrière nous... comme un ours grizzli. La croissance devient récession, l' autorégulation devient destruction.

Reste à analyser si les causes du renversement sont profondes, dites structurelles, susceptibles de se répéter durablement, ou au contraire accidentelles, aléatoires, déjà balayées par le vent, comme les personnes. Dans ce texte je donne les arguments qui me paraissent conduire à privilégier la première hypothèse, et de rappeler que le monde n'est sorti de 1929 qu'en 1939.

La crise financière, je crois l'avoir indiqué, n'est qu'un symptôme. L'économie américaine est en récession depuis le début 2008, ce qui signifie clairement que la crise a commencé avant la crise boursière. Le système médiatique a simplement montré son impuissance à identifier et à faire part d'une tendance lourde mais lente. La crise industrielle, par exemple dans l'automobile, fer de lance du modèle de croissance du XXème siècle, cœur du modèle de croissance, est aussi un indicateur en faveur d'une crise systémique.

Comme en 1929, la crise résulte essentiellement du décrochage entre la production et la consommation, causée par le décrochage entre les salaires et les profits. Le gonflement phénoménal des profits attestés par tous les indicateurs conduit à une crise d'hyperinvestissement toxique.

La capacité d'investissement pousse à une recherche de profitabilité optimale et donc à un hyperinvestissement managérial, qui conduit à une multiplication des restructurations et des délocalisations, et donc à une baisse de la part des salaires dans la redistribution de la richesse produite ; à des investissements massifs dans les communications et les télécommunications ; et cet hyperinvestissement est l'un des moteurs de la mondialisation, qui est le projet de faire du monde terrestre un espace unique de production et d'échange, et aussi un marché du travail unique.

Les énormes profits créent des masses de capitaux cherchant de haut niveau de profit. On assiste à de lourds investissements, voire à une spéculation, sur les produits de rente. Les caractéristiques de ces produits sont leur caractère indispensable au consommateur et le haut niveau d'investissement que requiert leur distribution, ce qui crée des situations d'oligopole, voire de monopole, et permet des marges très élevées, car le consommateur ne peut s'en passer. En contrepartie, les investissements dans leurs réseaux nécessitent des connivences politiques. On compte ainsi les produits alimentaires, énergétiques, les telécoms et les transports. Cette pression du capital se traduit par les vastes privatisations, qui illustrent la complicité des investisseurs et des politiques.

La pression démographique sur le marché du travail et l'hyperinvestissement toxique cumulés entraînent la part des salaires à la baisse, et donc la consommation, les profits, et aggrave en réponse l'hyperinvestissement.

On assiste à un recul massif du modèle des Trente Glorieuses. Dans ce modèle, les produits sont d'abord de luxe, puis deviennent des objets de consommation de masse grâce à la baisse des prix permises par l'investissement, et à la hausse régulière des salaires permise par la hausse de la productivité. Il n'y a qu'un marché en évolution à l'ensemble de la société. Mais maintenant la hausse de la productivité va principalement au profit.

La société de consommation en croissance se maintient dans la production et le commerce de luxe, basée sur le désir illimité des franges de la population qui accumulent les profits de la croissance ; et parallèlement se développe une production low cost, où les gains de productivité se traduisent en baisse des prix, et qui propose des équivalents, des imitations à bas prix des produits de luxe pour la masse, qui prend comme modèle la vie médiatisée des plus riches. On assiste à une croissance vertigineuse des inégalités réelles.

L'exacerbation de "la lutte contre les discriminations"montre à la fois la nécessité de lancer un écran de fumée sur la réalité des inégalités réelles, à la mesure de la mesure de la réalité dans la société réelle, qui est l'argent, et aussi le durcissement des luttes de pouvoir au sein de l'oligarchie dominante. Dans l'oligarchie du spectacle, on se doit de ne pas se montrer comme oligarque mais comme représentant d'une catégorie d'opprimés. Cette appartenance spectaculaire est un atout déterminant pour se pousser et pousser les autres qui n'ont pas ces atouts, à l'intérieur de l'oligarchie ; mais celle-ci ignore trop souvent que ce n'est pas le cas à l'extérieur, c'est à dire qu'être pauvre et discriminé n'est pas là un avantage réel, mais un stigmate réel.

Là encore, dans cette inversion, nous avons un signe de la séparation profonde des deux systèmes sociaux, oligarchique et populaire. Cette séparation est rendue peu visible par la présentation de l'oligarchie au bon peuple comme miroir mimétique, elle n'en est pas moins réelle : les règles de l'oligarchie ne sont pas celles de la population extérieure.

Ainsi l'oligarchie s'aveugle profondément, car elle croit être populaire avec la "lutte contre les discriminations", dans un pays où un tiers des électeurs a pu voter pour le Front National. Cette séparation, c'est là dessus que ce sont appuyés ceux qui ont permis à tant d'ouvriers de voter pour la droite, contrairement à un modèle de décision rationnelle basée sur les intérêts. Et quand l'oligarchie bien pensante comprend cette séparation, elle ne pense qu'à "éduquer le peuple", nullement à comprendre ses valeurs.

Le peuple est xénophobe parce qu'il se veut communautaire et solidaire sur un modèle familial. La famille, le groupe sur qui on peut s'appuyer inconditionnellement, c'est un des piliers de la dignité de celui qui n'a pas de biens. Cette xénophobie concerne aussi les français d'origine étrangère. Et le peuple est homophobe, parce que la force physique et l'affirmation machiste est un autre pilier de la dignité de ceux qui n'ont ni biens, ni diplômes, ni éducation valorisante. Voyez les valeurs des supporters de foot, ce sont celles là, l'affirmation virile et la loyauté à l'équipe, ce qui comprend le rejet violent et actif des autres équipes.

La xénophobie n'est pas un privilège de blancs, mais un phénomène universel ; simplement, les pauvres ont une mondéité proche aux limites étroites, et voient bien que l'élargissement du marché du travail se fait au détriment de leur dignité, et accroit leur faiblesse face aux riches. Ils voient, et est-ce à tort, la main d'œuvre étrangère comme une concurrence. La xénophobie des riches est à la mesure de leur monde, et se masque de grands principes, se masque de toute idéologie condamnable comme le racisme. La xénophobie des riches se fait contre les gens qui ont des coutumes contraires à leur principes, qui sont donc de fourbes et méchants sauvages, à éduquer selon la gauche, ou à détruire selon Bush-c'est bien la seule différence entre Bush, Tony Blair, et le PS.

Dans le cadre culturel de l'oligarchie, surtout l'oligarchie de gauche, ces hommes pauvres, culturellement déprivés, xénophobes et machistes sont en trop et ont le droit de se taire et d'être l'objet de la répression. Faire appel à leur voix et à leurs valeurs, c'est ça le populisme. La xénophobie des riches se base sur l'exclusion idéologique ; aussi la bourgeoisie socialiste va-t-elle montrer le plus profond mépris pour le pauvre blanc rural, chasseur et machiste, l'électeur de bush et de Sarah Palin, qui rejette l'éducation bien intentionné des militants antiracistes. Cette xénophobie le rabaisse au niveau de "plouc taré", et refuse toute possibilité de le comprendre. Je ne parle pas des sectes de l'ultra-gauche, qui en rêveraient bien l'extermination. Les oligarques sont xénophobes par générosité et par humanisme, par droit d'ingérence ; au point de couvrir de bombes et d'occuper des pays entiers, de manière absolument désintéressée.

La crise des partis de gauche est celle de l'appartenance de leurs cadres et de leurs militants à l'oligarchie et à ceux qui rêvent d'en faire partie ; être "de gauche" est en ces milieux tellement politiquement correct que cela se porte comme un vêtement Dior. Le peuple réel au fond les effraye ou leur répugne. C'était la supériorité d'un Tapie.

Un dirigeant populaire, qui ferait une place aux valeurs populaires, ne peut émerger à gauche de ce fait ; voyez tant la réussite électorale de Fabius appelant à voter non ou la réussite de Ségolène avec sa symbolique maternelle catholique, et le blocage et l'incompréhension rencontrés dans le parti à leur encontre. Le P.S ne peut plus représenter le peuple, ou plutôt il le peut dans le théatre médiatique avec ses connivences, mais il ne le peut sur le théatre éléctoral, sauf par hasard. Et au fond ses dirigeants ne veulent guère plus que ce qu'ils ont, le confort de leurs revenus et de l'opposition.

Autre stratégie concernant le vote populaire, celle du Front National mérite d'être examinée. Cette stratégie a pu lui permettre d'avoir le poids électoral que l'on sait mais ne doit pas masquer ses évidentes faiblesses.

Le F.N aurait pu être ce grand parti populaire d'opposition à l'oligarchie médiacratique, et c'est je crois l'espoir qu'il a pu donner à un Dieudonné. Il ne l'a pas été. Le FN a conduit sa stratégie sur la dignité nationale et la xénophobie des blancs pauvres, déclassés par le délitement de l'Etat Nation et l'ouverture du marché du travail, et aussi par l'hyperinvestissement toxique. Accabler "les étrangers" est symptomatique des limites de la mondéité propre de ces hommes, peu capables d'interpréter leur déclassement comme une évolution globale organisée par l'oligarchie à son profit.

Pour conduire cette stratégie le F.N a réuni des gens d'horizons divers unis par leur rejet de l'idéologie de l'oligarchie. Un chef charismatique faisait l'union. Le retrait du chef et le recul du parti font aujourd'hui la désunion et la chute du parti. La volonté de s'allier à l'oligarchie pour conquérir une place au soleil donne à Marine le Pen un profil comparable à celui de Dominique Voynet pour les Verts, une liquidatrice au profit de l'oligarchie dominante d'un mouvement né dans les marges extérieures et d'abord concurrent de celle-ci.

L'échec du F.N s'éclaire de la réussite de la campagne de N. Sarkozy. Le populisme moderne ne peut se passer d'une ouverture à la pluralité des fiertés identitaires et des xénophobies ; les populations humiliées issues de l'immigration peuvent parfaitement rallier un mouvement populaire puissant. N'oublions pas que la reconnaissance de leur dignité ne s'est faite qu'au niveau du spectacle ; une reconnaissance réelle aurait plus de poids.

Un rénovation de la politique à l'heure de la crise ne passe pas par la culture des divisions mais par l'union. Au début du siècle précédent le Cercle Proudhon a réuni des intellectuels marxistes, anarchistes et syndicalistes, des monarchistes catholiques, des nationalistes pour l'élaboration d'une pensée qui a menacé la suprématie des libéraux, voix des intérêts du capital, et des communistes, voix des intérêts des salariés, intérêts dont l'opposition ne doit pas masquer la connivence profonde dans l'Âge de fer, pour la maximisation du déploiement de la puissance matérielle et la fermeture des mondes spirituels.

Là encore, la synthèse de la pensée traditionaliste avec la théorie critique et dialectique, présentée sous une forme d'argumentation postmoderne pour laquelle l'Âge de fer n'est pas immunisé, peut être le levier du monde et la fin du cycle.

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova