A l'Orient d'Eden.



(Caïn et Abel, fils du Serpent)


 Ou l'Amor Fati de Caïn.


Caïn fut le premier fils d'Adam, analogue à Lucifer qui fut le premier Ange de Dieu.

« L'homme s'était uni à Ève, sa femme. Elle conçut et enfanta Caïn, en disant: "J'ai fait naître un homme, conjointement avec l'Éternel!" Elle enfanta ensuite son frère, Abel. Abel devint pasteur de menu bétail, et Caïn cultiva la terre. Au bout d'un certain temps, Caïn présenta, du produit de la terre, une offrande au Seigneur; et Abel offrit, de son côté, des premiers-nés de son bétail, de leurs parties grasses. Le Seigneur se montra favorable à Abel et à son offrande, mais à Caïn et à son offrande il ne fut pas favorable; Caïn en conçut un grand chagrin, et son visage fut abattu. Le Seigneur dit à Caïn; "Pourquoi es-tu chagrin, et pourquoi ton visage est-il abattu ? » (...)

Caïn parla à son frère Abel; mais il advint, comme ils étaient aux champs, que Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua. L'Éternel dit à Caïn: "Où est Abel ton frère?" Il répondit: "Je ne sais; suis-je le gardien de mon frère?" Dieu dit: "Qu'as-tu fait! Le cri du sang de ton frère s'élève, jusqu'à moi, de la terre. Eh bien! tu es maudit à cause de cette terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère!" Lorsque tu cultiveras la terre, elle cessera de te faire part de sa fécondité; tu seras errant et fugitif par le monde." Caïn dit à l'Éternel: "Mon crime est trop grand pour qu'on me supporte. Vois, tu me proscris aujourd'hui de dessus la face de la terre; mais puis-je me dérober à ta face? Je vais errer et fuir par le monde, mais le premier qui me trouvera me tuera." L'Éternel lui dit: "Aussi, quiconque tuera Caïn sera puni au septuple." Et l'Éternel le marqua d'un signe, pour que personne, le rencontrant, ne le frappât.

Caïn se retira de devant l'Éternel, et séjourna dans le pays de Nôd, à l'orient d'Éden. Caïn connut sa femme; elle conçut et enfanta Hénoc. Caïn bâtissait alors une ville, qu'il désigna du nom de son fils Hénoc. Hénoc devint père d'Iràd; celui-ci engendra Mehouyaél, Mehouyaél qui engendra Metouchael qui engendra Lamec. Lamec prit deux femmes, la première nommée Ada, et la seconde Cilla. Ada enfanta Jabal, souche de ceux qui habitent sous des tentes et conduisent des troupeaux. Le nom de son frère était Jubal: celui ci fut la souche de ceux qui manient la harpe et la lyre. Cilla, de son côté, enfanta Tubalcaïn, qui façonna toute sorte d'instruments de cuivre et de fer, et qui eut pour sœur Naama. Lamec dit à ses femmes"Ada et Cilla, écoutez ma voix! Femmes de Lamec, prêtez l'oreille à ma parole! J'ai tué un homme parce qu'il m'avait frappé, et un jeune homme à cause de ma blessure : Si Caïn doit être vengé sept fois, Lamec le sera soixante-dix fois sept fois."

Adam connut de nouveau sa femme; elle enfanta un fils, et lui donna pour nom Seth: "Parce que Dieu m'a accordé une nouvelle postérité au lieu d'Abel, Caïn l'ayant tué." A Seth, lui aussi, il naquit un fils; il lui donna pour nom Énos. Alors on commença d'invoquer le nom de l'Éternel. »


Je le dis avec fierté, devant l’Éternel.
Je suis venu pour témoigner en faveur des fils de Caïn, des Fidèles d'Amour.

Comme Adam, nous avons perdu l’Éden. Comme Caïn, son fils, nous avons mangé la chair, versé le sang pour faire nos offrandes. Car en effet Caïn est d'abord agriculteur, mais Dieu refuse son offrande, et en fait un éleveur nomade, un maître du Taureau Noir. Ces deux jumeaux opposés se détruisent et deviennent l'autre. Caïn devient l'ancêtre, l'origine de « la souche de ceux qui habitent sous des tentes et conduisent des troupeaux ». Le Coran dit que Caïn appris à enterrer les morts à l'aide du Corbeau.

L'homme est image de Dieu ; il n'est rien, il est image, c'est à dire que sans le regard de reconnaissance de Dieu, il est rien, infiniment néant, un vide terrifiant, la terreur de la nuit, à peine pensable sous une forme intellectuelle, non sensible, à l'homme qui, comme Seth et ses descendants, est porteur de bénédiction. Et la puissance d'amener à l'être, de co-naître, ce regard est donné à Eve, Felix Caeli Porta, et à toutes les femmes par Eve : j'ai fait naître un homme conjointement avec l'éternel. La joie, le gai savoir, sont filles des terreurs de la nuit. Le vide terrifiant, la nostalgie de l'éternité, est le signe d’élection – le signe de Caïn. Et c'est pourquoi les fils de Dieu trouvèrent que les filles de l'homme étaient belles, à cause de la puissance de reconnaissance et de recommencement du monde de leur regard, alors même qu'ils avaient perdu la miséricorde de Dieu.

Les fils de Dieu parurent sur terre à cette époque, et aussi depuis, lorsque les fils de Dieu se mêlaient aux filles de l'homme et qu'elles leur donnaient des enfants. Ce furent les héros d'autrefois, ces forts si renommés.

Par amour, par cet infini désir de reconnaissance par Lui qui porte à la folie, nous avons tué nos frères et perdu la terre fixe, le sol des autres hommes, leurs murs et leurs haies. Nous avons beaucoup aimé...et nous nous sommes retirés devant Dieu et devant la Loi. Nous sommes brumes, incertitudes, insaisissables, perpétuelle évasion de prisons perpétuelles, et pourtant porteurs de signes. Nous sommes foi, certitude, et Janus, foi de la main gauche et impies de la main droite. Dieu à accordé à Caïn un signe de protection et un pardon indéfini, soixante dix fois sept fois. Une Alliance, l'alliance de Caïn, l'alliance des hommes maudits, mais non damnés - L'amour donné ne peut être retiré.

Le Maître parle de ces grâces : Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. » (Matthieu 18, 21-35)

Les fils de Dieu qui aimèrent les femmes des hommes vinrent parmi nous ; plus exactement, sont nous. Et aussi la race des poètes, la souche de ceux qui manient la harpe et la lyre. Et enfin les hommes du feu, du fer et des armes : Tubalcaïn, qui façonna toute sorte d'instruments de cuivre et de fer. Car la musique, la poésie de la tristesse comme les chants de sang et les satires cruelles, ou encore comme la guerre, la colère du feu et de l'épée, sont nées du désespoir absolu, de la Nuit obscure des fils de Caïn, de leur exil indéfini, de leurs errances.

Nous ne nous excuserons pas. Nous faisons retour, nous revenons à Dieu, nous errons et pèlerinons par les montagnes de l'horizon ; par les vases d'huile parfumée, vases cassés au sol et huile et parfums étendus dans les cheveux et sur la peau. Quel gaspillage, cela aurait pu être donné aux pauvres, non ? Qu'importe, en vérité ! Nous revenons par les filles des hommes, dont le désir fit Lucifer. Nous revenons par le désespoir.

Nous ne nous excusons pas. Jusqu'à la mort, simplement pour ne pas demander pardon aux autres hommes d'être ce que le destin, la roue écrasante des temps a fait de nous depuis l’Éden. Nous n'obéissons pas à l’Église, aux prêtres, sauf secrètement auprès des plus sages, qui savent qu'Il nous protège et nous aime. C'est ainsi que l'Ermite de la forêt de Morrois accueille et protège Tristan et Iseult, adultères, révoltés, et homicides. Nous aimons à rire publiquement des vices des prêtres et des moines, et la plupart aujourd'hui sont défroqués et marchands de morale, comme le Maître aimait à s'en moquer, ceux qui ont des franges à leur manteau et remercient Dieu de n'être pas mauvais comme les autres hommes, alors qu'ils sont tellement, tellement odieux.

Le Cantique est parcourus de symboles des fidèles d'amour, de paroles qui ne prennent sens que par eux, comme les propos du Maître.

"Le Cantique des Cantiques, composé par Salomon. 

Qu'il me prodigue les baisers de sa bouche! Car tes caresses sont plus délicieuses que le vin. Tes parfums sont suaves à respirer; une huile aromatique qui se répand, tel est ton nom. C'est pourquoi les jeunes filles sont éprises de toi. Entraîne-moi à ta suite, courons! Le roi m'a conduite dans ses appartements, mais c'est en toi que nous cherchons joie et allégresse; nous prisons tes caresses plus que le vin: on a raison de t'aimer. Je suis noircie, ô filles de Jérusalem, gracieuse pourtant, comme les tentes de Kêdar, comme les pavillons de Salomon. Ne me regardez pas avec dédain parce que je suis noirâtre; c'est que le soleil m'a hâlée. Les fils de ma mère étaient en colère contre moi: ils m'ont fait garder les vignobles, et mon vignoble à moi, je ne l'ai point gardé! Indique-moi, toi que chérit mon âme, où tu mènes paître [ton troupeau], où tu le fais reposer à l'heure de midi. Pourquoi serais-je comme une femme voilée auprès des troupeaux de tes compagnons ? 

Si tu ne le sais pas, ô la plus belle des femmes, suis donc les traces des brebis, et fais paître tes chevreaux près des huttes des bergers."

C'est vers les fils de Caïn, les hommes des troupeaux et des tentes, les hommes qui ne gardent pas les vignes et les haies que va la Sulamite, loin du dédain et de la colère des autres hommes, loin du Roi qui est l'ordre et la loi du monde des hommes. Le noir du Corbeau est sa couleur. Sa couche est un lit de verdure, les solives de sa maison sont de cèdre, les lambris sont de cyprès : elle est une fille de la forêt obscure et de l'extérieur du monde, elle est parmi les arbres de la forêt, les montagnes de l'horizon, le désert et ses terreurs nocturnes.

Avant que ne fraîchisse le jour, que s'effacent les ombres, rebrousse chemin, et sois pareil, mon bien aimé, au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes déchiquetées...

La main gauche rebrousse chemin, marche dans un monde à l'envers, quitte le monde de la ville, le monde de l'ordre des hommes : je résolus de (…) parcourir la ville (…) pour chercher celui dont mon âme est éprise : je l'ai cherché et ne l'ai pas trouvé. A ceux qui gardent la ville, j'ai demandé (…) à peine les eus-je dépassés que je trouvais celui que mon cœur aime.

Et de même qu'elle est sœur des gens des tentes et des troupeaux, elle est sœur des héros, les fils des Anges déchus.

Voyez, c'est la litière de Salomon ! Elle est entourée de soixante braves, parmi les héros d'Israël ; ils sont tous armés du glaive, experts dans les combats ; chacun porte le glaive au flanc, à cause des terreurs de la nuit.
(…) ton cou est comme la tour de David, bâtie pour des trophées d'armes, mille boucliers y sont pendus, tous écus de héros !

Caïn est issu du défi d'Adam à Dieu, défi soutenu par le serpent sous le pommier : vous serez comme des Dieux, connaissant la science du Bien et du Mal, du Bonheur et du Malheur :

C'est sous ce pommier que j'ai éveillé ton amour, là où ta mère te mit au monde, là où ta mère te donna le jour. Place-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras, car l'amour est fort comme la mort, la passion terrible comme l'Enfer; ses traits sont des traits de feu, une flamme divine.

Comment la racine unique du monde est-elle devenue deux forces qui s'affrontent, comment comme Janus deux frères se sont tués et sont devenus autres, comment Abel vit à nouveau en Seth et en Noé,

Adam connut de nouveau sa femme; elle enfanta un fils, et lui donna pour nom Seth: "Parce que Dieu m'a accordé une nouvelle postérité au lieu d'Abel, Caïn l'ayant tué." A Seth, lui aussi, il naquit un fils...

Comment deux voies sont apparues pour le repentir – et seules, les âmes repenties trouvent à nouveau, éternellement, la réconciliation des frères séparés par la mort et le meurtre, par ce qu'aucun homme ne peut réparer. Et cela est aussi cette chimère de l'homme, entre la terreur nocturne et l'amour de la chair et de la guerre, et le soleil invaincu et l'amour de Dieu – alors on commença à invoquer le Nom de l’Éternel.

Car tout ce qui est déchiré dans le monde est aussi déchiré dans l'âme. La guerre dans le monde est toujours l'image ternie de la grande guerre dans le ciel.

Mais entre le Soleil de Dieu et la glace du meurtrier errant accomplissant le retour dans l'amour et la guerre, le Maître n'a jamais ni ignoré ni choisi, pas plus que les sages des Temps. Car l'amour n'est pas le déchirement, mais la réconciliation, sur les rives des crépuscules des mondes.

Car le miroir le plus secret de l'ordre du monde n'est pas la reconnaissance de l'ami et de l'ennemi, mais la reconnaissance de l'ami dans l'ennemi et de l'ennemi en soi-même – et de cet ennemi, il faut faire un ami et de cet amour de l'ennemi une puissance – une gloire de la terre. Voilà l'Empire : le lieu de la réconciliation des opposés, le lieu de la guerre et le lieu de la Paix. Le siège de la Gloire, miroir des cieux.

Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté.

Que n'est tu froid ou bouillant ! Mais tu es tiède, et parce que tu es tiède, je te vomirais par ma bouche.

Il lui sera beaucoup pardonné car elle a beaucoup aimé.

Le chemin vers le haut et le chemin vers le bas, un et même.

Il est dit que le haut et le bas finissent par se ressembler.

Vive la mort ! 


La montagne d'Orient.



Il n'y a pas de meilleurs mots que le silence, et pourtant nous nous mourrons du silence comme d'une anguille s'entrelaçant glacée dans nos poumons. 

C'est dans le silence que la Haine et l'Amour se manifestent.

- Plus que jamais la vérité est la nuit obscure de toutes nos paroles.

- Oui. Pourtant, je pense à toi. 
Pardon. Pardon.

- "Je suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin". La glace est le feu sous un certain rapport, car ce qui est la fin est, éternellement, le commencement.

- Le Roi le présente aux monts de l'Occident
Ainsi il se tourne vers la montagne d'Orient.


Involution nocturne du dragon.


Oh Seigneur

Quelle étrange peine, quel étrange destin est le mien !

Je me meurs d'angoisses et de folies
Et je me nourris de ma mort comme le vampire
De mon propre sang

Mes dents éclatent comme le raisin mur en mordant des braises
Et cela est douleur et eau limpide de la source scellée et larmes

J'ai pris au sérieux cette parole : sur la terre comme au ciel.

Mes ongles enfoncés dans la terre, entre les racines, j'ai connu le vertige de tomber dans l'abîme du ciel,

Le couchant rougir sous mes pieds

Chuter infiniment entre les bras brûlants de la déesse du Soleil

J'ai vu les grands poissons nager dans l'or liquide des réverbères

J'ai entendu la peine des hommes morts murmurée dans le vent nocturne
Entre les monts odorants

J'ai lu les milliers et les milliers d'étés 
Dans l’œil pensif de l'iguane et tellement d'amours et tellement de haines

J'ai été feu et folie entre les arbres
Porteur de mort dans les marais
Les longues graminées ont ployé sous les pins
Les arbres s'unissent d'amour et se sont fait
La grande guerre
Que de sang qui tourne comme les étoiles
S'écoule comme le lait 
Entre les racines

Et je vis encore

Comme un naufragé sur une rive à jamais oubliée
Comme un phare qui pleure sur la mer

Scrutant l'abysse
Le soleil nouveau jaillissant des flots blancs
Oh mon amour mon si bel amour
Tu es vie
Et je suis mort



Orient sur les fleuves des yeux.





Et que serait l'amour, s'il n'y avait le déchirement et l'exil

Ô mon bel amour du Haut tant désiré
Mon bel amour de loin

Voyageur à jamais étranger
Lisant sur la peau humaine
Les présages des hommes des aubes

Je jette les tiges d'achillée

S'écoule la perle d'Orient sur les fleuves des yeux

Comme un souffle errant appelle
L'esprit des morts
Que je meure si je t'oublie

Chasseur des ténèbres de l'
Étoile noire de la Nuit.

Universelle Araigne
Dessinant l'astre dans ses lacs

Vent vanité
Souffle
Insaisissable sont l'âme
Insaisissable le monde

Exilé
Je jette les tiges d'achillée

Des montagnes de l'horizon s'en vient
La brise parfumée
De ton souffle - ou un rêve

Ou de sang peut être

Oh mon amie, mon amie...pourquoi est-il si difficile de vivre, que parfois la douleur donne une voix et un appel au vide ?

Et pourtant il faut aimer le destin
Je jette les tiges d'achillée

Réflexions sur la fonction amoureuse de la mort, I.

(Araki). Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.


L'incapacité des vieilles générations à passer la main est une marque de l'interruption de la tradition, une incapacité à éduquer réellement et sincèrement, car éduquer réellement ses enfants est les éduquer patiemment à sa propre mort, et donc s'éduquer soi-même à mourir d'une bonne mort. La mort est l'essence de la transmission. La transmission est mort du messager, vie du message de la Tradition qui porte la résurrection de l'étincelle la plus haute du messager. La Tradition comporte, comme l'Ecclésiaste, de très clairs messages à ce sujet : « il y a un temps pour naître...et un temps pour mourir... ». La vie et la mort du Maître sont l'archétype de la transmission.

Les générations qui s'accrochent s'accrochent pour jouir, et au fond pour jouir de leurs propres enfants. Comme Saturne, nos vieux veulent dévorer leurs enfants, jouir des routes en camping-car en flânant au ralenti à l'heure du travail ; jouir de la sécurité, quitte à promouvoir la prison lors des élections ; jouir de retraites élevées, quitte à licencier massivement et à pressurer les salariés, par les fonds de pension, à "libéraliser" le marché du travail. Pour rien dans les mondes les vieux de l'âge moderne ne veulent renoncer, accepter la mort, faire de la place à leurs enfants . Et peu veulent vraiment des enfants, tous sont prêts à détruire la politique familiale pour payer les retraites, car ils savent obscurément le lien entre la mort et l'enfantement ; l'enfantement fait apparaître la mort comme Justice et comme Paix. La mort permet la réconciliation entre générations que les conflits vitaux rendent impossible, pollués par la nécessité et par l'intérêt.

Aussi les vieux mourants de l'époque, ces agonisants entassés dans de luxueuses maisons de retraite, ces mourants terrifiés consomment pour vivre de misérables jours de ténèbres en plus de quoi faire vivre tant d'hommes jeunes mourant de faim, et enfermés dans le cercles de fer du besoin, l'enfer sur terre . Ces millions de vieux mourants, ces quatre-vingt-dix pour cent de femmes de plus d'un siècle atteintes d'Alzheimer, préférant six ans d'agonie, de démence baveuse, à la mort digne des ancêtres de la forêt, au renoncement rituel , à la prise d'habit ultime, tous ces gens montrent que leur vieillissement les a laissés verts et pourrissants : il n'ont jamais mûri pour aucune récolte, ils ne passent pour aucune promesse.

Les types de liens entre les sexes sont liés aux classes d'âge et à la domination ; et en tout les jeunes gens sont de la baise, comme le dauphin Charles de Galles, maintenu indéfiniment dans la minorité royale à plus de soixante ans. Les grandes révoltes du dernier siècle furent aussi des révoltes de générations sacrifiées par leurs vieux, sacrifiées aux grandes guerres, sacrifiées à « la crise économique », à tout ce qui peut justifier le sacrifice.

L'âge et le vieillissement sont déjà des problèmes politiques, ils sont aussi porteurs de maladies spirituelles.

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova