(Saint Denis Céphalophore) |
Saint Denis.
Tout être humain qui se
rend aujourd'hui à Saint Denis ne peut que constater la violence des
contrastes urbains qui frappent cette ville de banlieue.
La basilique de Saint Denis
est peu indiquée. Les directions Basilique peuvent aussi bien
concerner le parking souterrain Basilique, géré par Vinci, que le
centre commercial basilique, géré par Carrefour. La Basilique elle
même est invisible de la sortie du métro, ou du parking.
La place de la Mairie est
une énorme masse de béton fermée sur elle même, et fermée à la
ville ancienne. Cette fermeture est symbolique, et ne peut pas avoir
été sans intention. La basilique est rayée du paysage urbain.
Cette oblitération est
analogue aux gestes révolutionnaires. Les ossements des rois avaient
été exhumés par la révolution. Des enfants avaient joué avec la
tête de Henri IV ; les ossements des rois avaient été mis dans une
fosse commune. Si la basilique n'a pas été rasée, c'est sans
doute que cette opération était trop difficile à réaliser.
C'est la même révolution
qui a fait du Mont Saint Michel et de Citeaux, l'abbaye du grand
Saint Bernard, des prisons.
Dans la basilique toute la
puissance d'une vision sacrale de la politique étendue sur des
siècles est encore manifeste. On y retrouve pourtant des contrastes
modernes. Dans la Crypte, un énorme plafond de béton armé peint en
noir est le couvercle de fouilles archéologiques, menées avec une
certaine violence.
Un énorme monte charge de
métal brillant posé devant un vitrail articulé vers l'extérieur
permet de faire entrer les handicapés par la fenêtre – une œuvre
symbolique de la bonté et du civisme des organisateurs du musée -
comme si des dispositifs sécurisés de portage humain étaient
impensables. Mais de tels dispositifs manuels pensent des hommes
effectivement solidaires et efficaces, tout l'inverse des hommes
modernes. L'inflation technique et juridique en charge du handicap ne
montre pas une sensibilité moderne, mais bien la nécessité de
dispositifs sécurisés, et manœuvrables par l'handicapé lui-même,
afin qu'il puisse être laissé à lui-même comme tous les autres
pour économiser le personnel et la formation de celui-ci.
Mais dans la puissance de
l'intériorité, ces éléments restent des détails. Le poids
vertical du passé et de l'histoire se manifeste dans la lumière
flamboyante des vitraux. L'œuvre des rois mérovingiens et
carolingiens autour de la mémoire de Saint Denys, la protection de
Charles le Chauve pour Jean Scot Erigène, les splendeurs de Suger,
la renaissance et l'âge classique se mêlent aux souvenirs tous
jeunes des derniers siècles. La valeur sacrée de l'oriflamme, le
sens de la continuité et du sacrifice, la fidélité dynastique
éclatent aux yeux méditatifs. Venir à Saint Denis avant les
grandes batailles est faire de ces batailles des guerres du
seigneur, des jugements de Dieu, et marquent le devoir pour le Roi
se convaincre de la justice de sa cause. Cette symbolique est en soi
un contre-pouvoir contre la démesure et la tyrannie, et la marque
d'une culture puissante et raffinée aujourd'hui profondément
absente de tout espace public.
La grandeur évidente de
cette politique sacrée, et la laideur oppressante, bureaucratique de
la Mairie – « l'insécurité » enfin - de Saint Denis,
marché du crack me dit-on, font un contraste des plus étranges.
Cette laideur étouffante
est celle même de notre cycle. S'y ajoute la force de reniement du
passé que porte le monde moderne, également évidente à Saint
Denis. Le stade de France, symbole du règne de l'oppression
commerciale de masse, des tours portant d'immenses publicités
tournantes, des voies de circulation dévorantes et saturées et à
leurs pieds, sous les ponts, des bidonvilles, certains roms, d'autres
mêlés, d'une saleté et d'une tristesse indicible forment un
tableau aberrant de ce monde moderne, une vision accablante,
comparable à celle de la Chine chez les meilleurs artistes chinois.
Il y a aujourd'hui autour de
Paris une floraison de bidonvilles qui reste absente du Spectacle. Et
le sentiment d'isolement de l'être humain seul face à des groupes
nombreux et parfois méfiants, le fameux sentiment d'insécurité,
s'y ajoute. L'échec du paradis capitaliste de la société
multiculturelle est visible : la société multiculturelle des
modernes, c'est un mythe de la propagande ; c'est le brassage des
pauvres déracinés entre les multinationales.
Marx avait eu raison de le
faire remarquer: les cultures ont un soubassement matériel et
social. Une culture, c'est le mode global d'organisation d'un monde
humain habitable par les hommes. Il n'y a pas, il n'a jamais existé,
de culture autonome de l'économie et du politique : la laïcité
pensée comme un espace de liberté absolue, ou la neutralité
culturelle du capitalisme sont des farces modernes. Il s'ensuit
logiquement que le brassage des populations n'est pas équivalent au
brassage des cultures. Ce dernier brassage nécessite des conditions
beaucoup plus complexes que le mélange d'êtres humains issus de
traditions culturelles différentes. Le brassage des cultures est un
dialogue symbolique, un apprentissage de mondes, non simplement le
partage d'un espace matériel dominant, gris et écrasant. Un espace
qui est tout sauf une agora, un espace public de discussion et de
loisir, étant par définition, dans son usage de banlieue, un lieu
de circulation et d'enfermement. Car c'est cela, fonctionnellement,
une banlieue.
Un homme issu d'une culture
traditionnelle, qui devient salarié de services à Saint Denis, ne
conserve pas sa culture d'origine, sinon en apparence. De nombreux
enfants déracinés sont de faux bilingues, il ne parlent plus de
façon intelligible ni leur langue d'origine, ni leur langue
d'accueil. Le brassage des déracinés n'est pas le brassage des
cultures.
La culture symbolique qui
émerge dans les banlieues est une culture de masse produite par
l'industrie culturelle capitaliste, et une contre-culture populaire
très valable en soi, mais impuissante par sa nature même à
reconstruire un monde.
La contre-culture populaire
peut être le terreau d'une culture révolutionnaire, mais elle
permet surtout de rendre vivable le monde inhumain crée par le cycle
moderne. Elle peut alors être récupérable, devenir matière
première nouvelle pour le Spectacle. D'autant plus que certains de
ses représentants n'accèdent pas à une vision claire de la
puissance et de la complexité des sous-systèmes de contrôle, qui
les dévorent et les détruisent insidieusement, par le succès
commercial même. Des gens de très grand talent ont été détruits
ainsi, nous le savons tous.
Elle est profondément
vivante, mais ne suffit pas à créer une renaissance. Je ne le dis
pas théoriquement, mais par constat. Il n'est pas impossible que les
conditions changent.
Le monde multiculturel est
un mythe de la propagande, en l'état. La laideur et le nihilisme qui
transparaissent autour de la basilique de Saint Denis ne sont pas les
signes d'un monde habité par la culture de l'homme, mais des
vestiges et de la contre-culture dans un monde déraciné dans son
espace même. Les cités dortoirs peuplées d'immigrés ont vidé –
c'est un fait - les villages qui leur servaient de centre. Les
étrangers déracinés ont fait des villageois des étrangers dans
leur propre pays. Il y a eu des haines, qui étaient attendues et
récupérées. Les responsables n'étaient ni les blancs ni les gris
ni les noirs, mais le fonctionnement du capitalisme.
La laideur géographique,
urbaine et humaine du résultat est de peu de doute. Les rappeurs ne
sont pas dupes de la laideur et de l'enfermement de leurs cités. Un
chef de gang noir de Los Angeles, devenu chef de communauté, plaide
pour la séparation des Noirs et des Blancs, pour obtenir la paix et
l'humanité. Les petits bourgeois front national exècrent ces
banlieues et leurs habitants. Il n'y a que les cadres hypersocialisés
pour vendre de la société multiculturelle sur le marché de l'idée.
Mais ces mêmes cadres haïssent l'Islam avec une xénophobie qui
contraste de manière assez ridicule avec leurs prétentions à la
tolérance.
Comment la présence de
l'Islam ou d'Israël en Europe, dans notre Europe, peut-elle paraître
un problème ? Voilà ce qui je le crois est le problème essentiel.
Dans l'Europe médiévale, par exemple aux yeux de l'Empereur
Frédéric II Hohenstaufen, cette diversité réelle n'était pas
vraiment un problème, mais une chance, comme dans tous les Empires,
y compris musulman. Pourquoi un problème ?
Il existe un écart
déterminant entre la pensée impériale et la pensée moderne de la
différence culturelle, un écart décisif. La pensée impériale est
entièrement contenue dans l'œuvre de Saint Denys, en particulier
dans la Hiérarchie Céleste. Ce livre expose les principes
d'ordre de la hiérarchie angélique ; mais la hiérarchie terrestre
parfaite est une analogie de la hiérarchie angélique, selon la
formule du Pater sur la terre comme au Ciel. Le Roi qui est le garant de cette
analogie. C'est dans le souvenir de Saint Denis que se trouve une
clef de la pauvreté de notre monde, de sa pauvreté à penser la
différence des cultures du monde.
Les fondements de la
hiérarchie céleste sont les suivants : la diversité hiérarchique
est en soi bonne, est effusion de l'Un dans le divers des mondes ; chaque
degré est l'image du précédent, et donc de la Lumière des
Lumières ; chaque degré supérieur est penché vers l'Inférieur
pour lui porter sa force et sa lumière, selon l'ordre de la charité,
l'épanchement vers la chair ; en soi chaque étant à une dignité
pleine et entière dans son ordre, aux yeux de l'Un, et une dignité
déterminée par la Hiérarchie complète. Il y a égalité et
inégalité ordonnées en harmonie. Il y a inégalité, mais la
supériorité du supérieur à l'inférieur s'annule devant son
incommensurabilité à la Puissance première, tout comme le Roi de
France se devait de laver les pieds des pauvres et de s'humilier
devant sa propre mort et les tombeaux de ses ancêtres. Il y a
égalité, mais l'inférieur doit se tourner vers le supérieur comme
vers Dieu, avec une confiance absolue. Car le devoir du supérieur
est de préserver la vie et la dignité de l'inférieur, comme le Roi
faisait serment de respecter l'infinie complexité des ordres et des
honneurs de son royaume.
La trahison de cette
confiance par le supérieur est un crime frappé d'ignominie. La
monarchie condamnait fermement la tyrannie. Le lien du parent à l'enfant est l'image humaine d'un lien hiérarchique non basé sur la violence et l'exploitation.
Le principe de la hiérarchie
– de hiéros, sacré, saint, et archos, principe – est le
principe de la sainteté du divers des mondes, de la création dans
l'indéfinie variété de ses manifestations, et peut être résumé
par ces mots : chaque être a sa place, et elle lui est parfaite.
L'Un répond au multiple, et le multiple à l'un, comme la rosée
dans la prairie sous la lune renvoie une infinité d'images de la
Lune. Les hommes qui développèrent cette pensée de la sainteté du
divers pensaient à l'harmonie de la musique et des nombres, selon
l'ordre des traditions pythagoriciennes et platoniciennes. Ils
étaient aussi chanteurs et musiciens, et encore architectes. L'étude
théorique de la musique faisait partie, avec les mathématiques, de
leurs cycles d'études. L'œuvre splendide et puissante de Jean Scot
Erigène, Périphyseon, est une description de la nature dans
la perspective de la sainteté de la diversité naturelle, et de
l'unité centrale de l'Un et du multiple qui l'explication du monde,
son dépliage, l'Un étant l'intériorité du monde, son implication
secrète.
Denys est le seul théoricien
de la diversité qui la présente comme bonne, et comme constituée
de parties qui se doivent charité et amour. La tradition dionysiaque
la plus secrète a toujours compté le Diable dans cette charité et
cet amour. Le présenter comme l'ancêtre des pensées totalitaires,
sans cesse préoccupées d'exterminer ceux qui sont en trop, est à
la fois une incompréhension, une bêtise et l'effet de la haine
moderne pour une pensée puissamment empreinte de sacré. Car rien
n'est plus étranger à cette pensée qu'il y ait des gens en trop –
cette idée, cette obsession moderne. Rien n'est sans raison – rien
n'est en trop, personne n'est en trop, y compris Satan lui-même. Traduite en termes
politique, la pensée impériale est celle de la bonté fondamentale
de la diversité des religions extérieures, et de leur unité
cachée. Abd-El Kader dit : nul ne peut prier un autre que
l'Unique. C'est
pourquoi le grand Ibn Arabi peut prier avec le Rabbin, le musulman et
le chrétien, en respectant scrupuleusement les termes de la loi
musulmane.
C'est
la reconnaissance des communautés qui leur permet d'exister en tant
que communauté de lien, de production de richesses, d'ordre
juridique, et donc en tant que culture, en tant que vie et adoration.
Si la diversité est bonne, l'ordre politique doit organiser la
diversité et permettre sa vie dans de bonnes conditions. Dans une
société traditionnelle, un chef aurait reçu les anciens des Roms,
et aurait passé avec eux des pactes reconnaissant leur vie
particulière, même de prostituées ou de mendiants, en échange du
respect de lois. Ces règles de relations entre la communauté Rom et
le Roi auraient été nommées les privilèges
des Roms, les lois spéciales s'appliquant à leur état propre. Les
privilèges, c'est la reconnaissance indéfinie de la diversité
indéfinie.
La pensée moderne de la diversité proclame la bonté de la
diversité, mais au fond s'en accommode fort mal. La vérité
pratique, politique du monde moderne, est le désir d'assimilation
systématique du divers, et au fond l'intolérance la plus visible
proclamée au nom de la tolérance. Tout comme la dynamique du monde
capitaliste est l'homogénéité sous l'apparence de la diversité –
voyez la ressemblance frappante des produits industriels analogues
dit personnalisables – et la destruction de la diversité
naturelle, par exemple dans l'agriculture. Tous ces signes ne peuvent
tromper sur la direction réelle du monde.
La pensée moderne qui adore le divers est porteuse d'une profonde
contradiction logique, contradiction qui en fait non une pensée,
mais une idéologie trompeuse. Cette contradiction est éclatante
dans la french theory, en particulier chez Deleuze, autorité
internationale en la matière. Au début de mille plateaux –
relisez ce passage d'un point de vue logique – il est
longuement recherché une pensée rhizome, une classification qui ne
classe pas ; et cette « classification » improbable,
malgré toutes les nuances subtiles du texte, est présentée comme
effectivement possible. Ce premier paradoxe est suivi d'un autre
infiniment plus grave : cette classification qui ne classe pas, qui
refuse la hiérarchisation pensée comme fasciste, réactionnaire et
bourgeoise, est posée comme étant l'unique classification
supérieure-progressiste, donc comme hiérarchiquement supérieure à
toutes les autres.
Si l'on sort de la cohérence logique et que l'on glorifie la
schizophrénie et le paradoxe comme mode de construction d'une
pensée, c'est à dire d'un monde, il ne reste que le principe
d'autorité, magistral dans l'amphithéâtre que Deleuze feint de
regretter en ne le quittant jamais, pour fixer un ordre, en dehors de
toute culture de la discussion. Dans le monde moderne, ce principe
d'autorité est de fait les directions « spontanées »
des masses, qui parlent par sondages et élections encadrées et
manipulées. Autant dire que de cela il ne peut rien sortir en fait
de puissance d'une pensée de renouvellement du monde. Passons et
revenons à la contradiction d'une classification refusant la
classification posée supérieure à toutes les autres classifications. De ce fait, les modernes croient souvent qu'ils sont supérieurs aux autres cultures, qu'ils n'ont pas de classifications, pas d'idéologie - ils parlent pour eux de la fin des idéologies, du progrès, et de tout ces mythes fondateurs.
Toute la tolérance intolérante des modernes est là : ils ont une
classification qui refuse toutes les classifications – une culture
qui refuse toutes les autres, en cela exactement comme les plus bêtes
des autres, comme les catholiques bornés qui posent que seule la
tradition catholique a accès à la vérité et au salut, comme les
musulmans intégristes qui n'en pensent pas moins contre leur propre
prophète – et ils croient que leur classification est une absence
de classification, donc qu'ils sont les seuls à être éclairés,
raisonnables, innocents, désintéressés et bons – c'est ce que
racontent leurs histoires – et que tous les autres sont des
méchants fanatiques machistes terroristes fascistes bornés qui leur
en veulent sans aucune raison humainement compréhensible. Tout cela
alors même que leur ignorance et leur fanatisme rendent toute
discussion impossible avec la plupart d'entre eux. En vérité, le refus des classifications n'est que l'affirmation du désordre libéral comme ordre social imposé à tous, y compris par la violence - très souvent par la violence.
Prenons deux exemples. Si l'on est réellement, effectivement
favorable à la diversité, il n'est pas possible d'être contre ses
conditions, qui sont la reconnaissance de termes juridiques
différents entre les communautés, par exemple dans le droit
civil, ce qui été le cas de toutes les civilisations de l'histoire,
royaume de France compris. Le droit du mariage et de la filiation,
ainsi que celui de tous les liens coutumiers, le calendrier et les
fêtes, etc...qui définissent des liens entre des personnes et des
familles, peuvent être laissés à la coutume des communautés. Il est
clair que tout ne peut être accepté, mais cela ressort d'une
négociation avec les représentants des communautés, basée sur le
principe du respect dans la limite du possible, selon l'ordre
hiérarchique des droits, du droit civil et des droits fondamentaux
garantis à tous. L'excision doit être refusée au nom du principe
du respect de l'intégrité physique de la personne ; la circoncision
ne remet pas en cause fondamentalement cette intégrité, et ne peut
être interdite, comme l'Allemagne a failli le faire.
Peut-être faudrait-il refuser à un enfant le contact d'une langue
jusqu'à sa majorité, pour qu'il puisse choisir ?
Ensuite, la diversité est variable. Des communautés peuvent naître.
d'autres disparaître. L'homosexualité a permis l'existence, dans de
nombreuses civilisations, d'une pluralité réelle de modèles
d'organisation sexuelle. Le sexe homosexuel était reconnu sur des
modes différents du sexe impliquant filiation, et de même le sexe
hétérosexuel connaissant plusieurs modes. Ce type d'organisation
est celui qu'il faudrait je crois défendre, plutôt que l'imposition
légale, forcée de fait, du modèle monogame occidental à
l'ensemble des sexualités. La tendance lourde est le rejet ou
l'interdiction des autres sexualités. Les prostituées médiévales
avaient statuts et confréries ; les homosexuels grecs étaient
reconnus, sans que la question du mariage ne se pose ; et je ne vois
aucune raison valable d'interdire polygamie et polyandries consenties
entre adultes par un contrat légalement valable – n'a t'on pas
enquêté récemment sur des monstres publiquement accusés, dans
notre monde obsédé par la tolérance, l'un d'être polygame, et un
autre partouzeur ?
L'aveugle polémique sur le mariage homosexuel illustre cette
incapacité à penser la diversité, puisqu'il s'agit d'un débat sur
l'imposition d'un modèle, sans aucune ouverture effective.
Cette absence d'ouverture est encore visible sur les jugements sur
notre banlieue, sur Saint Denis par exemple. La réacosphère se juge
faite d'« hommes blancs » se sentant isolés dans des
masses d'Africains, incapables de penser la noblesse de l'Afrique ou
de l'Islam, le partage d'humanité, et proclame sa compréhension de
tueurs. Dans une vision impériale, l'existence des hommes noirs et
blancs est une bénédiction de Dieu, et nous en sommes infiniment
éloignés. Cette réacosphère n'a de réaction que narcissique,
sans aucune ouverture critique aux causes de ces brassages de
peuples. Le racisme est l'image de la haine des déracinés, elle
aussi réelle ; cette situation est vide et mauvaise. Pour tout dire,
les hommes de la réacosphère se vivent de la modernité, et en
vivent, dans la plus volontaire ignorance critique du monde global
qui fonde cette société et cette laideur, monde fondé et dirigé
par des « hommes blancs », au moins dans leur esprit .
Les hommes hypersocialisés proclament leur tolérance en bafouant
tout les jours la diversité réelle, aggravant le choc des
civilisations - volontairement parfois, nous en avons été témoins.
Des « intellectuels » condamnent « l'Islam »,
dans une bêtise affligeante.
Tous, « droite » comme « gauche » veulent
tout interdire au nom du respect de la diversité et de la laïcité
: la kippa, le voile, les coutumes, les vêtements, les prières. Au
fond la sottise dominante chez les occidentaux est l'image de la
sottise dominante dans l'Islam, et réciproquement.
Les sages sont réduits au silence. La laideur du monde moderne n'est
pas près de s'éteindre. Mais tout cela est bruit et écume, et rien
qui puisse durer, rien qui puisse faire vivre.
Rien n'est sans raison. Tout être à sa place, et elle lui est
parfaite. Aux yeux du sage suprême, tout est signe visible de la
Splendeur, même l'affliction. Jamais un Denys n'aurait pu concevoir
les logiques exterminatrices que ressassent les modernes, et qu'ils
ne cessent depuis longtemps de mettre en pratique, en Espagne comme
en Syrie. Mais l'espoir ne s'extermine pas, la sagesse, la vie ne
s'exterminent pas, même par des flots de sang et de laideur.
La laideur nous mord aux tripes. Le béton est triste. Mais même
dans béton et les bidonvilles, des enfants jouent avec des mondes,
des fleurs peuvent pousser, des sages peuvent naître. Telle est la
certitude.
Vive la mort !
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2 commentaires:
Et parfois, tu vas voir aussi la mer, la forêt? :)
Tous les jours dans mon coeur, Caroline amie.
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