Hymne orphique à Khezr le Vert.

(Khezr)


Par la terre
Chair des mes ancêtres
J'y plongeais mes doigts tel l'enfant et
J'y retourne
La terre rouge
La terre odorante
La terre nourricière des forêts des fleurs des parfums
La terre des métaux et du sang versé
La terre de toutes les guerres
Les plus nobles et les plus folles
Par l'espoir fou comme le désir vibrant au soleil vertical
Par les pas des maudits
Par la marche de l'exil
Par la chair, terre des hommes
Somptueuse comme une vallée au soleil et
Puits de l'angoisse, de la douleur et de la mort
Fissure entre les roches où erre et hurle mon âme
Par la terre des racines
La terre des morts et des souvenirs
0ù coulent nos larmes
Où roulent nos rires
Les eaux du Déluge
Et les cris des enfants et des
Animaux
Par la tristesse des bêtes
La fleur d'or et le pas du Satan

Par l'eau
Rosée sur la Rose
Sang coulant dans les veines
Vapeur sur les lèvres au vent d'hiver
Eau sur ton sexe et eau fertile
S'écoulant sur ta cuisse
Par le vin et le jus des grenades
Eaux de nos baisers de feu
Par les eaux du ciel
Tu es un jardin des délices, une fleur sur un champ de blé.
Et tu marche sur mes yeux remplis par la mer.
Un roi est enchaîné par ces flots

Par les eaux du haut et les eaux du bas
Humeurs des mourants et
Dernier hurlement des noyés
Par le sang des menstrues
Nourriture des sorcières
Par le souvenir des océans en forme de roue
Routes de la baleine et mers du Sud
Îles de l'or d'où revenir
Roi pour que tu me regardes
Et que je regarde aussi
Une fois dans le miroir du lac

L'Autre est Abîme, vallée au fond de mon cœur.
Je m'y écoule, je y deviens eau claire, air imperceptible.
Ruisseau clair au fond des vallées,
Voie du Saumon
A contre courant
Toujours
Tu as dis, il y à très longtemps – plutôt mourir
Comme un voile de brume.


Par le feu
Par le feu face parfumée du Temps
Le Temps qui roussit les forêts et
Burine les faces comme les montagnes
Par le feu dévorant de tristesse
Par les chemins qui m’éloignent de mon amour
Avec une force impossible à surmonter
Sans combats, sans ruses et sans rage
Par le feu d'Ariane
Phare sur la mer d'obscurité
Par le courage et les dents serrées face à la brûlure de la mort
Face au feu dans les membres du guerrier vaincu
Au feu de la fièvre sur la couche moite
Par le feu qui prend les plaies et les rempli de pourpre
Par le feu noir du cancer,
Le crabe qui pince la chair à la mort
Par l'agon face à la mort
Par la rage qui fait aller vers le pays de l'horizon
Par le feu qui brûle le corps, le cœur, les tripes
Que tu sois feu
Que tes mots soient feu
Et pierre de feu, laves,
Calme bloc ici bas chu d'un obscur désastre
Par l'amour de feu
Par le feu au coin de l'hiver quand souffle le blizzard et bruisse la chevauchée des morts
Par l'épée de la forge,
Vieil Héphaïstos abandonné de tous
Il n'est plus d'hommes de guerre
Plus d'homme d'honneur
Ni de chevalerie

Mais tu peux encore être bon
Férir les esprits mauvais au dessus des eaux
Et voir l'étranger venir de l'horizon
Au flanc de la montagne
Ouvre lui les bras
Sans lui demander son nom
Et le nom de son origine
Au nom du ciel et de la terre
Au nom du feu et de l'eau
Au nom de la Pierre du milieu
Au nom de la très sainte et indivisible Trinité.

Par l'air
Par le vol de l'Aigle devant le Soleil Invaincu
Par la langue des oiseaux
Sous la voûte du Ciel
Toujours tu iras en homme libre
Sans autre chemin que le chemin des étoiles
Tu marcheras sur les lois des hommes
Tu ne le diras pas
Et ne décourageras pas les autres hommes
De se soumettre à la terre
Mais tu ne n'obéiras pas.
Tu obéiras au Ciel étoilé dans ton cœur.
Ils ne te verront pas désobéir
Les hommes de la lettre et du collier
Ceux de la canicule
La folie de l'heure du chien
Car l'homme ne voit que ce qu'il lui est autorisé à voir
Le signe, et non l'abîme
Pourtant le signe est pour l'abîme
Comme le tournesol est pour le soleil.
Et quel est le plus grand signe, sinon l'homme ?
Aussi l'ombre mystique de tout homme est Abîme
L’Abîme te suis comme un vieil familier
Tu sens son regard noir sur ton dos nu
Toujours déjà présent
Tu le verras parfois
Dans le miroir d'une épée
Parce que tu as l'or cerclé dans les yeux
Et l'émeraude sertie sur le front, dans le sang
L'émeraude d'air
Sur le front de Lucifer brillante
Parmi les cavales des nuages
L'or des étoiles et le chant de la lune.
Tu ne tueras point, non, et tu n'auras pas de haine
Mais tu n'obéiras définitivement à personne
Sur ta vie
Sur ta peur
Sur ta terreur même

Tu n'obéiras pas à l'éphémère
Sinon à l'axe éternel des Temps
Tu seras serviteur
Serviteur de la Roue
Serviteur de l'Empire et
Non du royaume des hommes
L'homme est comme l'empreinte d'un pas des dieux sur la glaise des mondes
Un creux, une absence
Tu seras une absence présente pour le monde des absents
Et présent absent dans les mondes
Tu seras un pont entre les falaises
Tu mêleras le sang des hommes au souffle antique
Tu souffleras dans la terre
Comme le souffle des animaux
Le sang d'argile versé dans le poème
Dans le feu de tes paroles
Sera un repas
Pour l'infinie solitude des dieux
Et parfois pour la tienne
Et celle de ton amour
Au Crépuscule des mondes
Tu ne tueras point, non
Mais tu seras insaisissable
Saumon de la Voie lactée
Sur les airs de la Musique que nul ne peut effleurer

A contre courant
Toujours
En mémoire
En souvenir
Image
Et ressemblance
De ton amour

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Nu

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Zinaida Serebriakova