(Anna Akhmatova en acrobate.) |
Je ne peux continuer d'écrire longuement . Les textes devront se raccourcir, devenir secs, essentiels, peut -être obscurs ou cassants . Tant pis .
L'Empereur est une figure de la compréhension du monde . Dans romanzo criminale, un film noir et puissant qui contient des motifs de pensée, le Libanais meurt de n'avoir pas réglé une dette de jeu . Il dit les gens comme lui me dégoûtent, en parlant de l'homme à qui il refuse sa dette, qui a trahi son premier maître pour lui, le Libanais, l'Empereur .
Alors l'homme le suit et le poignarde, en disant : ici tout le monde paie ses dettes...et le Libanais dit, avant de mourir : sauf les empereurs .
Quelle est cette pensée ? Elle est l'image du monde et de la fortune . L'homme est fait de liens, comme un arbre qui ne peut tenir sans racines ; l'homme est une vacuité, un passage de la puissance à travers lui . L'homme est fait de liens, et les liens sont tissés de dettes symboliques .
Dette du père au fils, à la fille, dette des enfants envers leurs parents et leurs ancêtres, anciennes dettes de sang et d'honneur . La communauté de sang qui naît de la naissance et confluent des océans dans la conque du sexe fonde la communauté la plus puissante, celle de la chair et du sang .
L'homme et la femme quitteront leur père et leur mère et il ne feront qu'une seule chair...tu es la chair de ma chair, le sang de mon sang...
Nous ne comprenons plus la puissance des ces mots, le sang répandu à terre qui crie vengeance chez Homère non plus . Mais le sang, la sève et le souffle issu de la poitrine sont cela même que Dieu a insufflé dans Adam le rouge, dans l'argile pour le faire vivre . Ce que transmet le baiser qui fait un seul souffle et une seule chair, c'est le parfum de l'Eden, dans toute sa puissance d'aurore .
Celui qui répand le sang ou le sperme commet ainsi un péché, comme Onan ; non parce qu'il jouit de se frotter le ventre, mais parce qu'il répand ce qui doit être transmis, parce qu'il jette le ciel dans la poussière. Cela n'a rien à voir avec la masturbation, mais plutôt avec le narcissisme. Il en est de même du meurtrier : Caïn tue son frère pour attirer le regard de Dieu sur lui - cet âpre et infini désir de reconnaissance qui se creuse en l'homme, en tant qu'image, en tant que flamme fragile dans le reflet - Caïn tente de s'approprier l'inappropriable, le souffle de la grâce .
Cette dette du sang est celle du vassal au seigneur, et pour les fidèles d'amour, qui sont des hommes de l'honneur et de la fidélité à l'Aîmée, cette dette est celle du fidèle à l'amante . Les hommes qui ont engagé leur vie pour cette fidélité, comme Antigone, savent la vérité de cette parole du Hagakure : quand le choix est entre vivre infidèle et mourir, il est préférable de mourir. Cette infidélité n'est pas l'infidélité chrétienne, elle est l'infidélité au sang, à la sève et au souffle.
La règle des fidèles et des seigneurs - la règle du lien - n'est décidée par personne. Qui décide du droit à la vie? Personne ne décide. Dans une forêt au printemps, personne ne décide de la poussée des mondes. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu'elle fleurit. On ne décide pas de jouir non plus, ou d'être heureux. Ce n'est pas une question de droit, les fleurs comme les hommes, mais une condition du droit : une souveraineté. Personne ne peut décider du droit à la vie liée par la puissance, car il n'est pas de souveraineté supérieure.
Il est de nombreuses choses qui ne dépendent pas de nous, et qui sont des fondements de notre liberté. Là ma liberté, mon droit, mon choix ne s'exercent pas. Parle-t-on de mon droit sur l'inertie ou la mort ? Sur la respiration ou sur les battements du coeur qui pulsent le sang rouge? Si déjà je ne prends pas l'être, le corps, le genre pour un domaine de "mon droit", je ne suis pas heureux, mais j'écarte des questions et des soucis puérils. Je peux vouloir maîtriser le monde, mais je ne me trouverais pas "moi-même". Pour l'être de liens, il n'y a rien à trouver d'autre que la vacuité de soi-même et la puissance de la vie.
Les liens sont l'essence même de l'être de l'homme, la relation est ce qui le fonde et le nourrit de Terre et de Ciel.
Mais il y a l'empereur. L'empereur est la clef de voute des liens, mais lui même va sans liens, comme le renonçant qui va ivre de Dieu. L'Empereur, l'homme puissant, est frère de l'ermite. Dans le monde lié des hommes - cette notion qui se nomme karma ailleurs - l'Empereur est garant et témoin des liens, et n'est pas lié. Il est ainsi l'image de la toute puissance.
Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix. Mais tu ne sais d'où il vient ni où il va. Il en est de même de ceux qui sont nés de l'Esprit.
Celui qui a la grâce n'est pas lié au lois des hommes, ni aux dettes des hommes. Il est une force qui va. Ainsi Tristan et Iseult sont-ils par la force d'amour de la liberté des empereurs. Le lien le plus puissant, le plus radical est alors celui de la liberté la plus radicale : la rédemption. Et la rédemption naît du souffle du baiser.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire