Passage de la tentation au désert – seule l'éternité pèse .

Dieter Appelt, 'Filmstill de Ezra Pound', 1981



Les meilleurs choisissent un seul bien en échange de tous les autres, la gloire éternelle en échange des choses mortelles. La multitude se rassasie comme des troupeaux.

Quant tu es venu vers moi, mon ami, mon cœur était déjà prévenu en ta faveur ; tes mots étaient ceux d'un frère, et depuis tout confirme cette fraternité, et cette fraternité de combat et d'étoiles . Nous avons vu, souvent, des étincelles – mais nos poches sont vides, et nous sommes condamnés à des tâches qui ne sont pas les nôtres – qui seraient d'écrire les mots qui appelleront Typhon sur ce monde . Pourquoi pas écrire des besognes alimentaires, pourquoi pas des romans faciles, pourquoi pas céder, abandonner ?

Parfois la soif fait naître, à l'horizon du désert, de pulpeuses cités entourées de lacs d'eaux lumineuses, versicolores – cités qui t'ouvriront les bras comme une femme . Le monde, ce monde vide – le désert t'ouvrirait les bras, comme un nid de serpents constricteurs .

Un monde qui t'ouvre les bras...et combien le monde reste fermé en réalité . Et voilà les mots que la Ville déverse en silence, sans trêve, comme les vagues usent indéfiniment le récif : Que ne tentes tu pas de te transformer, de t'adapter pour que le monde t'ouvre les bras ?

Le principe directeur a répondu : ce monde est l'ennemi non de ce que tu fais, mais de ce que tu es . Comprends tu cela, ta naïveté ? Il ne t'ouvrira les bras que si tu es ton propre Judas, ta propre crucifixion...ta propre mort . Il ne t'ouvrira les bras qu'une fois mort, c'est à dire qu'il ne te sera plus froidement hostile – mais rien de plus . Et toi, que seras–tu à toi même ?




***


Parfois tu voudrais être moins contrariant, moins dur, moins cruel dans tes paroles – afin que d'autres hommes puissent te lire, et ne détournent pas les yeux avec horreur de ce que tu écris, comme si tu leur annonçait leur mort . Il semble que tes écrits grincent, comme la charrette de l'Ankou, annonciateur de mauvais rêves . Il semble que tes mots ne puissent naître que dans les sueurs froides du demi-sommeil, dans les torsions du corps parmi les draps moites . La haine et les cauchemars, la sueur de la nuit...

Le repos, la nuit, l'oubli appellent ce corps fonctionnel, pauvre viande épuisée par le travail, mais l'étincelle de l'âme invaincue, ranimée et balayée par la tempête levée par le souffle des démons, ou par ton souffle, le taraude de cauchemars, comme si la porte verrouillé de son logement ne suffisait pas à le protéger du monde . Verrouillé sur lui même, par un écran du Spectacle, qui lui répète qu'il est libre, maître du monde...producteur, consommateur...celui qui se lève tôt ! Qui a besoin de dormir ! Qui doit rester endormi jour et nuit, du sommeil du système...Et toi, toi l'écrivain, le poète qui devrait le délasser, tu creuses comme les vers dans le linceul blanc, l'écran de projection de ce mort ! Tu gâches le spectacle, tu dissèques...tu égrènes encore et encore...Hiroshima mon amour, Tchernobyl, Fukushima...et la vérité béatifique de l'amour, l'horreur des maisons fermées sur elles-même, l'horreur de la vie de l'esclave, l'horreur des grandes cités mortes...la mort, l'illusion de l'anesthésie, l'illusion de l'avenir radieux...

Je te parle, ô homme moyen du Système : tu œuvres, tu t'épuises, carcasse, et tu écoutes la propagande – confiture hier, confiture demain, jamais confiture aujourd'hui...et tu aimes la propagande, tu aimes ton linceul d'écrans et de mots – tu veux la vérité de la propagande – tu es complice de ton aveuglement - même si en ton âme tu sais, insidieusement, tu sais de plus en plus comme s'étend une nappe noire de pétrole sur la mer de l'illusion – que la propagande ment, qu'une vie de centenaire, riche comme pauvre, misérable est un esclavage atroce – une condamnation perpétuelle à n'être rien, du vide qui se vit de vide – une souffrance qui ne peut se dire, et se la joue en joie, comme les jeux tristes des pauvres, ou les propos qui remontent le moral, mais que tous – ceux qui parlent et ceux qui écoutent, savent désormais faux . Comme en Allemagne fin 1944, nous savons que l'Empire du progrès a perdu à terme, que toute cette croissance radieuse va soit produire une société monstrueuse, inhumaine, soit s'effondrer comme un corps mort . Que ta vie est honteuse, horriblement désertique, méprisable – le Somewhere de Sofia Coppola . Mais on ne peut pas vivre avec ça bien en vue devant les yeux . Le déni est là . Le déni est puissant, et dure jusqu'à la mort . Ou encore cela tombe comme une pierre sous l'eau de la conscience, et l'on n'en parle plus . On recherche les divertissements, l'indignation, la rage puritaine, le féminisme, l'antispécisme, qu'importe . Comme un crime voilé par le silence d'une famille .

Pourtant, cela a eu lieu . Cela a lieu . La société moderne secrète le mensonge comme la canne le sucre .

Les mondes de la Justice, de la Démocratie, de la Morale, des Libérations – ce monde lumineux et salvateur à la saveur d'enfance, le vert paradis du développement durable et de la morale – seraient des représentations données pour notre sommeil par des monstres informes...des tentations à notre désir de justice, pour assoir l'illusion qui voile un pouvoir rapace, cruel, et un processus sans sujet, absurde, peut être plus ancien que l'homme ? Ces mondes si valorisés de la philosophie des valeurs seraient des fantômes fonctionnels à une oppression ? Comme chaque mot ainsi posé révolte le noble cœur, comme chaque mot ainsi posé ne peut être écouté sans nausée, sans sentiment d'injustice et d'excès idéologique, de noirceur provocatrice...et d'abord d'injustice envers soi-même, envers son propre désir de Justice et de Liberté...l'impression d'une souillure...Mais qui peut nier que les sentiments les plus nobles, que des pensées élevées de la perte du spirituel ont été instrumentalisées tant dans la Révolution russe que dans l'Allemagne Nazie ?

Les paroles, les proclamations, les gestes sont le Spectacle . L'être dans le Système est la fonction . Rien de plus . Les poètes de la révolution, comme Heidegger dans le Nazisme, ont eu une fonction temporaire . Le suicide est alors normal quand la conscience vient, tout comme la vie isolée, petit homme perdu dans le Système, se survivant dans les interstices, l'étroit sous-sol du Maître et de Marguerite, le souterrain . Le lieu où l'on respire, le lieu caché, où la vie se vit des grands vents du monde, devenus invisibles dans le tapage des images . N'ai-je pas ainsi essayé de rendre justice à la sincérité, n'ai-je pas souligné que la puissance des fantômes dévorait même l'énergie des grandes aspirations, des nobles désirs de l'homme ?

Chante, ô aède, la fureur d'Achille ! Pour déterminer notre voie dans ce sentiment double, d'étouffement d'abord, d'impasse ensuite, je reviens sur ce que je disais toute à l'heure .

Pourquoi cherchons nous par la parole, par des médiations, à retrouver la réalité, la vie – sinon parce que nous avons commencé à comprendre que tout l'être était éloigné dans la représentation pour notre vie même – que c'était notre vie même qui se produisait, notre propre sang qui s'écoulait dans le vide sans fenêtre du spectacle ? Auparavant, la réalité puissante, omniprésente, dominait la fantomatique fiction ; maintenant, la fiction omniprésente rend réelle sa propre réalité – et la réalité sombre dans l'oubli, ou sert par fragments d'arguments de réalité pour le Spectacle . Ce qui n'est pas de la fiction – voilà les vestiges de la réalité qui nous sont offerts . La vie humaine devient fantomatique .

L'étouffement est la racine primordiale de notre révolte contre le monde moderne . La condamnation à l'isolement et au silence, et la poursuite du besoin est conséquente d'un refus fondamental de la règle du jeu du Système . Nous ne voulons pas accepter les règles du jeu, et donc nous mettons en cause la légitimité de ceux qui posent et garantissent ces règles . Les règles du Système peuvent être comprises comme la gestion bureaucratique de la culture, et la réduction de la culture à un secteur fonctionnel du Système général – un sous–système . Ce sous-système, pur être fonctionnel, doit neutraliser tout ce qui ne peut être administré par le Système, et le Système administre le monde comme un tas quantifiable de choses . Tout ce qui n'est pas une chose doit être nié, annihilé . Tout ce qui est fonctionnel est nihiliste . La voie de la sagesse, ou philosophie, les arts des mots, qui ne produisent ni événement susceptible de créer ou de valoriser une sociabilité élitiste, ni spectacle populaire, ni objet fétiche de marché, ni normativité ronflante, instrument de pouvoir, sont condamnés au ridicule et à l'insignifiance . Comme conférant une légitimité personnelle à la grandeur, ils peuvent être instrumentalisés par quelques oligarques, qui publient de ronflantes pièces, ou se disent amateurs . Mais nous sommes très loin de la possibilité d'être poète professionnel, d'être troubadour ou poète de la Révolution . Le poète est difficilement administrable, c'est un fait .

Pourtant le monde moderne est vide, aussi vide que le miroir d'un roman de Houellebecq . La règle du jeu qui nous pose problème est la règle du Spectacle, telle qu'elle est formulée par Debord : tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation . Le passé de cette phrase se discute, mais le processus est visible dans les spires de la sémiosis moderne . C'est là le point d'Archimède de notre attaque de la légitimité des discours modernes, le point qui fait que la main d'un vieil homme peut soulever le monde .




***


Il est trois voies principales d'acquisition de sagesse, trois voies qui ouvrent au savoir . Si l'augmentation du savoir augmente la peine, selon l'Ecclésiaste, le savoir est aussi puissance, et puissance de l'art . L'art divin des mondes est l'archétype de l'art humain de construction de la polarité de soi et de son monde, ou culture ; et le savoir dont je parle est aussi celui de l'intensification des puissances de l'existence, de la saveur de la vie – et la vie est comme le vin, aussi amère qu'enivrante .

La première est l'expérience brute, évidente, au delà de toute discussion – le travail à l'usine étendu sur des années vides, la vie morne d'un quartier isolé, l'humiliation du père par la police devant soi petit enfant, la guerre dont parle Norton Cru, la torture, la déportation, l'amour absolu, la rencontre de l'Ange de la face, la connaissance intime de la mort... pour ceux qui l'ont vécu . Les Anciens, note Vico avec génie dans la Science Nouvelle, parlent de la sagesse comme sapere, saveur, âpre saveur de la vie : goûts, parfums, odeurs, sensations tactiles, émotions, et la dure expérience de la douleur, du manque, de la défaite .

Je nomme cela expérience, dont l'étymologie est éprouver, avoir éprouvé – je dirais aussi s'éprouver . La preuve est d'abord la prouesse, le fait d'éprouver le monde . Dans Beowulf, le loup-abeille, roman d'apprentissage du VII ème siècle, on trouve ces mots décisifs, dans une discussion, entre guerriers saxons, lors d'un banquet :

comme tu y va, ami Unferth, au sujet de Breca, et quel flot de paroles ! La bière te porte à l'éloquence . (…) la rumeur ne m'est pas venue encore d'embûches, de périls et d'effrois (…) que tu aurais accomplis, ô Unferth ! (…) et tu as tué ton frère, ton proche le plus cher, toi . En raison de quoi l'enfer t'es promis, malgré ton bagout retors .

Voilà, issue de temps très ancien, l'idée de la supériorité de ce qui est directement vécu, opposée à ce qui s'éloigne dans la représentation – les mots que les actes dénient . De manière analogue, le Hagakure est entièrement le creusement de supériorité déterminante de la vie, de l'expérience, et de la détermination à éprouver – il n'est rien de l'ordre du mal à ce qui peut être enduré . C'est dans un tel monde hiérarchisé par l'épreuve que sont nés les pensées antiques, que trop souvent commentent des bureaucrates, malgré les travaux de Pierre Hadot . Que s'enracine évidemment la crucifixion du Christ . Que se comprend un titre comme la Vita Nuova de Dante .

La primordialité hiérarchique de l'expérience ne relève pas d'un positivisme étroit, mais de l'urgence de vivre, du refus de l'éloignement, du corps à corps avec le monde dont l'archétype est la lutte de Jacob avec l'Ange . La lutte est l'horizon et la racine de la pensée humaine, en tant que vivant un monde, être partiel englobé dans une totalité, se heurtant sans cesse autour de lui, se déterminant, se dérobant, se lovant, se trouvant, se sculptant par la lutte comme le fleuve sculpte les paysages . La guerre, mère du monde . La souffrance est le résultat des sens et de la nature incomplète et avide de l'homme, et elle est une puissance de puissance, puissance d'endurcissement, de quête, de sortie, de combat . La personnalité, l'ego, se déterminent face aux résistances, au choc et au combats – moult a appris qui beaucoup ahan .

La tendance moderne à la sur-protection des individus dans les pôles oligarchiques du monde organisé par le Système produit un type humain à personnalité faible, peu structurée – un aspect de l'homme moyen du Système . Le développement de l'anesthésie est parallèle au développement du narcissisme et de la toute puissance illusoire de l'ego à l'âge moderne, à la généralisation de l'inconsistance du bloom . L'inconsistance des êtres humains modernes, leur hypersensibilité au chocs née de l'anesthésie quotidienne, leur malléabilité, s'enracine dans l'absence de déterminations par l'expérience que procure la vie moderne - cela les rend extrêmement dépendants, et soucieux de leur sécurité personnelle, le nom donné à la phobie du contact rugueux de l'homme à l'autre homme . L'inconsistance et la dépendance les rendent aussi pathologiquement sensibles à tout ce qui ressemble à une victime – incapables de comprendre et d'assumer que c'est l'exploitation de l'homme et de la nature qui leur a donné, et leur donne encore, les conditions matérielles de leur vie dépendante, qui leur permet de développer leur pensée errante, et le ressentiment né leur impuissance, qu'ils voudraient étendre aux autres hommes . Au présent cycle, plus que jamais, l'homme noble doit réaffirmer le primat hiérarchique de l'expérience dans la vie, dans la construction de l'homme, dans la culture au sens éminent du terme .

Ce sont les Voies spirituelles qui ont le plus codifié cette suprématie hiérarchique de l'expérience vis a vis de l'ordre des signes . Voyez cette réponse de Sri Ramana Maharishi : le Maharishi enseigne-t-il la pensée de Shankaracharya ? - le Maharishi enseigne sa propre expérience . Ce sont les autres qui après, font des rapprochements avec Shankaracharya . Dans l'ordre logique, il faut marteler, à la suite de Karl Popper par exemple, que si l'on oppose à mon expérience vécue les généralités les plus vénérables, ce n'en ne constitue jamais un argument recevable contre le singulier, mais une falsification de la généralité . L'expérience primordiale est hiérarchiquement supérieure à toute parole . L'expérience primordiale est la plus puissante légitimation de la parole . Il est légitime d'être fanatique sur la base de son expérience, à condition de ne pas se la raconter, et d'interpoler des généralités arbitraires d'une expérience singulière et aux limites du dicible . Le témoignage oral, vivant, d'un déporté, par exemple, dans son caractère partiel et concret, possède une puissance de remémoration qu'aucun livre général ne peut atteindre . Il n'en reste pas moins que la question que je veux poser, faire poser, toujours, à celui qui parle, qui parle avec prétention à l'autorité d'érotique, de lutte, de la mort, d'expérience du sacré...pour peser sa légitimité est celle là : et quelle est ton expérience, ta propre expérience, camarade ?

La deuxième voie est aussi une expérience, mais une expérience des signes, de la sémiosis . L'expérience humaine du monde se fait dans la sémiosis, entièrement baignée par le langage, et la distinction entre expérience immédiate et expérience des signes est tout sauf évidente dans la réflexion sur toute sorte de situations ; elle n'en est pas moins rectrice au plan hiérarchique . Il y a les signes, les systèmes de signes qui essaient de rendre compte de ces expériences primordiales . En soi la rencontre des signes est bien une expérience, et peut être une grande expérience dans la réalité – les délices des poèmes d'amour, ou les horreurs des récits de déportation, ou les récits d'expériences intérieures...comme le fleuve d'un grand roman, mémorial béni des siècles et des âmes . Cette expérience peut être analogue à l'expérience primordiale, mais aussi très déformée . Elle est un témoignage, mais un témoignage que l'idéologie peut instrumentaliser . Le livre d'un déporté n'est pas son témoignage oral, face à face . L'interdiction de l'écriture, fréquente dans les traditions des peuples, relève peut être de cette déperdition de l'expérience dans le signe, voire de sa disparition dans le passage à un ordre de domination de la logique des signes, comme dans les pratiques formelles, telles que la logique .

Ce qui est clair, c'est qu'elle n'est pas identique à la première, et qu'elle n'est pas nécessairement une voie vers l'expérience primordiale . Nicolas de Cues dit, je le répète : le nom de la Ville n'est pas le chemin vers la Ville . Et il n'est que trop courant, et pas seulement dans cette manifestation complète qu'est le jeu vidéo, que l'homme du Système ne finisse par vivre une partie de sa vie par procuration . Un autre modèle de la vie par procuration est la pornographie ; il se produit une sexualité par procuration, avec même des objets – et une telle vie est mort . Énormément d'éléments du Spectacle relèvent de cette procuration de la vie : le people est ainsi une forme de procuration, tout comme les sports de masse, qui permettent à tant d'hommes moyens du Système, humiliés au quotidien, de se dire « on a gagné... » ! La vie par procuration qu'offre le Spectacle est l'opium du peuple dans le Système ; elle est extrêmement répandue, et s'insinue partout . Au présent cycle, là encore, une discipline spirituelle essentielle est de refuser de vivre par procuration .

Car il est une troisième expérience, une connaissance supérieure, surplombant les deux premières, qui résulte aussi d'une expérience : celle de l'abîme entre l'expérience du monde et l'expérience des signes, qui ouvre à la recherche, au creusement indéfini vers la question de l'immédiateté, c'est à dire de la Voie authentiquement vécue . Dans la Voie des fidèles d'amour, cette expérience de l'abîme est aisée à comprendre, pour ceux qui savent .

Le fidèle d'amour qui chante l'amour de loin fait justement cette expérience, expérience de l'abîme : il sait par l'âpre saveur de la vie que touts les signes de l'aimée peuvent être réunis, une lettre, le son de sa parole, une mèche de cheveux, son image – que rien de la présence ne lui est présent . Il en est de même de l'expérience de la mort d'autrui . Cette expérience de l'inexorable impossibilité de la représentation à se substituer à la réalité est, comme travail de l'âme, une puissance et une arme contre le Spectacle .

Une telle expérience de la souffrance ouvre de nouveaux systèmes de signes, ceux qui rendent compte de l'abîme indicible de l'absence – ceux qui cherchent obstinément à dire ce qui ne peut être dit . La théologie mystique et l'expérience d'amour se conjoignent pour parler de ce retrait de la lumière de l'être dans le monde vécu . Il est possible de formuler l'expérience de fermer les yeux devant la splendeur radieuse du visible – parce qu'en soi l'aspiration puissante de la splendeur intérieure rend insignifiante et ténébreuse la splendeur visible . Avant cet instant d'Aube de l'âme, au delà de toute parole, l'expérience de la splendeur visible pouvait être une jouissance esthétique ; être le signe de la splendeur invisible, selon une foi et d'un savoir non réalisés . La formulation de l'expérience nourrit la foi de celui qui cherche – mais celui qui ferme les yeux n'a plus besoin de la foi . Il vit ; il n'a plus besoin de croire, de se diriger ; il sait, et ne croit plus .

La plénitude de la présence de l'aimée, le souffle qui se transmet en un baiser étendu sur les mondes – le fidèle d'Amour sait cela ; il sait que l'expérience de cela n'est pas les mots qui la racontent où la chantent – ces mots naissent au contraire à la fois de la joie – la joie du savoir de la plénitude comme réalité vécue, ici et maintenant – et de la douleur de la perte, de la révocation de cet état . Unis sont tout et non tout, convergent et divergent, consonant et dissonant; de toutes choses procède l’Un et de l'Un toutes choses . Le chant d'amour est extase et nostalgie en tant que la symbolisation du poète est comme la création du monde, séparation et puissance de ré-union, de ré -volte, cercle du départ et du retour, Un et multiple . Il faut donc aimer nos blessures pour la puissance qu'elles nous donnent ; aimer le péché pour la soif de grâce qu'il nous donne ; aimer le siècle et l'obscurité pour la conscience de la Lumière qu'ils nous donnent . Aimer le mal à cause du bien, et le bien à cause du mal ; car toutes les divisions sont relatives, voire illusoires . Dans le chant se mêlent indissolublement la consommation des temps et la séparation, la Splendeur et l'inachèvement, l'assouvissement de la haute soif et l'inassouvissement essentiel à la créature séparée – l'odeur mêlée du sang et des roses . Les signes ne sont que par l'absence toujours renouvelée de la plénitude – le poème s'enracine dans le non-être et le souvenir de l'être .

L'expérience de l'abîme entre l'être et le signe est immédiate dans la Voie des fidèles d'amour – l'expérience de la douleur de l'absence qui porte au chant, aux signes . Je le répète, c'est essentiel, l'expérience donnée par les signes n'est pas l'expérience vécue . Lire un texte, aussi puissant soit-il, qui décrit un parfum sublime n'est pas sentir ce parfum . Sentir un flacon précieux n'est pas sentir ce parfum sur la peau de l'aimée . Le chant d'amour le plus sublime exprime une expérience passée, et les délices et la souffrance de l'absence . Une indéfinité de signes peut signifier et voiler ainsi des saveurs, des expériences analogues . L'expérience des signes isolée de l'expérience primordiale donne des situations où les signes sont séparés de ce à quoi ils se réfèrent,et sont donc in-interprétables, autant qu'une écriture non déchiffrée . Les maîtres parfumeurs peuvent se comprendre par la parole à partir de leur expérience réelle des senteurs . Mais celui qui n'a jamais rien senti ne peut qu'y voir une sémantique formelle . Il est possible, pour un interprète ainsi dépourvu, de faire des catégories tout à fait étrangères à l'analogie de la saveur de l'expérience vécue . Ainsi l'érudit ne peut-il se prévaloir d'aucun savoir de sapience, sapere, de la saveur de la vie . Et surtout, l'érudit peut se tromper lourdement dans l’interprétation des signes, sans pouvoir le reconnaître de lui-même . Dit autrement : l'expérience primordiale d'une situation est un élément déterminant de l'interprétation juste des signes qui cherchent à rendre compte de cette expérience .

Il est banal de voir des érudits, sans la moindre expérience, inférer l'historicité de l'amour, ou de la sagesse divine, de l'historicité des sémiotiques qui les expriment . Les sémiotiques passent comme des fleuves, les langues, les symboles passent – mais ce dont ils sont signe est insaisissable par les signes, et souvent les auteurs utilisent les mots de manière symbolique, ou métaphorique, ou encore par paraboles, ou par énigmes, comme Dante . Et les érudits qui étudient les textes n'ont même pas la sagesse de reconnaître leurs limites, et d'en tirer les conséquences . J'ai entendu parler de l'historicité de l'amour, ou proférer que les expériences d'amour de Dante et de Boccace étaient radicalement différentes – position déterminée par le régime d'évocation des noms de l'aimée chez chacun de ces hommes . De telles perspectives sont les perspectives idéologiques des érudits modernes projetées sur des sémiosis qui leur échappent largement, faute d'une participation à leurs saveurs primordiales . L'interprétation par un athée d'un texte mystique est toujours la projection d'une ignorance qui s'ignore elle-même sur des symboles qui lui échappent . Trop souvent paraissent des études sur des phénomènes dont les auteurs pensent d'abord qu'ils n'existent pas, et dont les les mêmes auteurs modernes méprisent avec supériorité les textes qui en parlent comme de faits . Le résultat est incohérent dès l'origine : un récit de bataille est un fait pour le chroniqueur comme pour l'érudit, un récit de sorcellerie par le même auteur, dans la même chronique, un fait dans son ordre de réalité pour le chroniqueur, une représentation, du merveilleux pour l'érudit . C'est le simple arbitraire de conservation inexorable des a-priori modernes dans la lecture, une attitude bornée posée comme référence herméneutique . Ce qui se manifeste dans le Livre est à la hauteur de celui qui le lit . La légitimité de la parole érudite sans expérience s'arrête à l'apparence des signes – et c'est tout .

L'érudition ne peut enseigner la vie . Elle est le privilège des morts . Héraclite dit : L'étendue des connaissances n'enseigne pas à avoir l'Esprit ; sans quoi elle l'aurait enseigné à Hésiode et Pythagore, et encore à Xénophane et Hécatalos . L'érudit vit dans ce péril, d'ignorer son ignorance essentielle de la saveur des mondes, de la puissance des fleuves qui te roulent dans leurs eaux – et donc de ne plus savoir contempler, écouter, comprendre, plier le genou et la tête . Plier le genou et la tête est essentiel pour savoir écouter . Il ne sied pas que le sot parle après le Maître . L'érudit moderne combine prétention, infantilisme lié à l'inexpérience, ignorance . L'assouvissement de la Gnose n'est pas l'accumulation d'un savoir, mais une expérience, une vie, un parfum qui tue le mort en soi et emporte par delà les mondes .

L'érudition est un vice moderne, lié à l'éloignement du vécu vers la représentation – et l'éloignement de la vie qui en résulte, qui se lie fonctionnellement à la structure puritaine de la personnalité, seule forme de consistance fanatique encore possible pour le bloom qui souffre de son manque de colonne vertébrale psychique . Remarquons en passant que la structure-racine de l'érudition, la mise à distance de l'expérience primordiale, est analogue à celle de la monotonie sectaire de l'idéologue, qui en général n'a qu'une expérience vécue d'une confondante pauvreté, et déroule une matrice idéologique mécanique, articulée sur une centration narcissique infantile qui se pose en juge suprême du monde, et qui dénie tout intérêt aux autre vies, et aux autres mondes humains . Le cas des gender studies est particulièrement caractéristique de ce genre de structure idéologique de personnalité, de cette variété aiguë du bloom . L'idéologue, comme l'érudit, montre l'inversion hiérarchique moderne entre l'expérience primordiale et la logique autopoiétique de la sémiosis . L'érudition est liée aussi à la valorisation de l'accumulation, analogue au capital dans le Système – accumulation présentée comme culture dans les écoles, et par exemple comme tas hétéroclite, cabinet de curiosités branché qu'est le Musée du quai Branly .

L'érudition n'est pas une voie . La propagande présente l'inassouvissement de l'homme comme un accident révocable par l'accumulation, celle du savoir érudit, ou celle d'une production de richesses, parce que l'homme, illusoirement, passe de désirs en désirs, et se figure à chaque fois qu'un livre, le grand livre, ou qu'un objet va assouvir son désir indéfini . Mais le désir se consomme dans les délices de l'instant, et ne passe pas . L'état de satiété est un état de mort ; une société qui vise la satiété universelle est une société de morts . Jamais, quelle que soit sa vie, un homme ne doit penser avoir atteint la hauteur vers laquelle il tend . L'homme est par essence inassouvissement ; aucune érudition, aucun niveau de production de richesse ne peut assouvir la soif du haut désir – ce qui est en puissance de l'insaisissable d'un simple baiser des six premiers jours .

Le haut désir de complétude est une cause noble de l'érudition ; mais l'érudition est aussi une valeur issue de l'organisation moderne des Universités, où chacun défend son territoire en accumulant des connaissances spécialisées qui en font une citadelle imprenable ; et c'est ainsi que la systémique transversale, née pour corriger l'enfermement aveugle de l'hyper-spécialisation, peut devenir une spécialité fermée – fait dont l'absurdité ne peut être perçue dans le Système . Le Hagakure dit : un homme dont les compétences dans les arts sont reconnues de tous n'est en fait qu'un sot . Il possède cette forme de sottise qui consiste à ne s'intéresser qu'à une seule chose, à ne penser qu'à cette chose pour devenir plus compétent . Il n'est qu'un homme de peu de valeur .





***

Le fidèle d'Amour a vécu les trois expériences : l'expérience immédiate, le chant de l'expérience (voir le titre de Blake, chants de l'innocence et de l'expérience ), et l'abîme qui les sépare, l'impuissance des mots à donner l'être . Aussi son chant est-il à la fois chant d'amour, ouvert, et trobar clus – chant fermé, énigmatique, dont le principal interprétant est la vie, l'expérience partagée du service d'amour .

J'ai une amie, je ne sais qui,
Car je ne l'ai jamais vue
Elle n'a rien qui me plaise ou pèse
Et ça m'est égal (...)

Je ne l'ai vue et je l'aime fort
Et je n'ai rien eu d'elle, elle ne m'a fait aucun tort
Si je ne la vois pas je m'en trouve bien
Tout ça ne vaut pas un coq
J'en connais une noble et une plus belle et qui veut plus.

Je ne sais le lieu où elle vit,
Si c'est en montagne ou en plaine
Je n'ose dire combien elle me blesse
Et je m'en tais.

Je m'attriste qu'elle reste ici
Quand je m'en vais.
(…)

Le savoir voilé du fidèle d'amour est glissé entre ces lignes comme le serpent sous la pierre : Celle qui ne pèse pas, celle qui ne fait aucun tort – est un jeu qui ne vaut pas un coq . L'amour véritable est mystère, sans lieu, blessure et silence . La puissance du chevalier séducteur s'efface, et sa faconde aussi, ses rodomontades, ses « J'en ai moins souci que fourmi, par Saint Martial !» - comme un masque qui tombe – qui tombe sur l'impuissance des mots à dire la puissance réservée aux élus, qui ne la choisissent ni ne la veulent, mais sont ainsi :

Je ferais un vers de pur rien
Il ne sera ni de moi ni d'autres gens
Il ne sera ni d'amour ni de jeunesse
Ni de rien d'autre (…)

Je ne sais quelle heure je suis né
Je ne suis ni joyeux ni triste
Je ne suis ni sauvage ni familier
Et je ne sais être autrement
Je fut doué la nuit par une fée
Sur un mont haut.

Je n'ose dire combien elle me blesse
Et je m'en tais (…)

Voilà la vérité derrière la virilité du grand seigneur, et ses grands mots brillants comme des pièces d'or ; la solitude, la conscience de l'isolement, la tristesse et la douleur, l'impuissance à être réellement autre – la blessure encore plus nue d'être cachée par son propre rire – et cette blessure des mots, des mots qui ne peuvent ni donner la vie, qui s'écoule comme le sang dans la poussière des temps, ni faire revivre et conserver intacte la puissance du baiser – le baiser ne se peut exprimer, sinon par le silence, sinon par l'ivresse étincelante du souffle, comme une pluie d'étoiles .

Le chant le plus haut est celui qui cherche à percer les murailles du dicible, a donner à nouveau la vie déjà vécue comme Aube et comme illumination – avec pleine conscience de son impuissance, avec nostalgie essentielle – et cette impuissance n'est pas le résultat d'une faiblesse, ou d'un manque de courage, mais au contraire d'une guerre intérieure amenée à la consommation de sa radicalité, sans humanité ni concession quelconque et d'abord envers soi-même . C'est le bucher des vanités de l'ego .

Cette impuissance n'est pas générale, étendue à une personnalité ; elle est l'impuissance de l'homme en tant qu'homme à exprimer son monde ; et c'est sa grandeur de l'identifier et de la reconnaître, l'effet le plus haut de sa puissance, et de sa lucidité . L'homme vil ne peut ainsi chanter son délaissement et sa douleur en tant que Prince – il se ment à lui même, il se la raconte . Le poète ne peut se nourrir de l'illusion d'offrir des mondes, quand il n'en offre que des reflets, des cendres . Saint Thomas d'Aquin l'a dit lui-même à la fin de sa vie : ses œuvres philosophiques sont "comme de la paille en comparaison de ce qu'il a vu" . La paille qui, au mieux, permet d'allumer l'incendie . Les braises et les cendres des grands incendies, comme les volcans éteints, n'en sont pas moins de grands monuments minéraux dotés d'une vie propre, tellement plus longue que l'homme, analogue de l'éternité dans le temps . Guillaume IX d'Aquitaine, le prince à la tour abolie, devient prince du Trobar en nommant la nudité de son silence au milieu des sinistres bons mots du chevalier viril . Ainsi parmi la dureté de ses serviteurs, parlait-il à voix basse à ceux qui pouvaient l'entendre, et l'aimer davantage pour sa peine que pour sa forfanterie héroïque . C'est pourquoi dans les gammes de chant des bardes celtes, le mode de tristesse était le plus juste, le plus haut, le plus noble .

Les hommes nobles savent les masques, le masque du Prince arrogant par exemple, et l'indéfinie réplication des masques comme une profondeur – les vérités de la métaphysique sont la vérité des masques, a dit Oscar Wilde . Ce que le spectacle s'efforce de cacher, d'occulter comme une faute .

Pour le fidèle d'Amour, tout souffle est baiser – et la puissance du baiser ne peut se dire . Telle est la percée, et la muraille des mots : la frontière des mondes est entre ce qui est dicible,ce qui peut se dire par la grammaire, la syntaxe, la sémantique, mais aussi par les attentes, la correction, la morale, tout ce qui est masques – et ce qui ne se peut exprimer . Les mots de la Tribu sont les pierres de nos prisons – et les pierres servent à percer les murs, à desceller les pierres...les pierres de fondation de la prison invisible qui ne peut être ni montrée ni dite, puisqu'elle est en moi et qu'elle porte l'ego . Tout souffle est baiser, et tempête – de ces tempêtes qui emportent les pierres dans leurs lames et leurs hurlements – et souviens toi de quelles profondeurs viennent les hurlements . Les mots peuvent être à leur intensité d'être ultime en étant les réceptacles du souffle, de la rosée céleste .

Seule l'éternité pèse sur l'insoutenable légèreté de l'être. Seule elle vaut . Et elle est absente, absente au monde, et absente à toute pesanteur - et pourtant, il n'est rien d'autre . Comme le soleil, qui rend toute couleurs visibles, l'éternité est ici et maintenant, partout et nulle part, le corps noir d'un serpent luisant dans l'obscurité . L'homme est comme le soleil : sans lui, il n'est ni couleur ni saveurs de la vie - mais cette puissance ne lui est de rien dans le siècle, parce qu'elle n'offre que de l'insaisissable, et que le Siècle ne reconnaît que le saisissable, le commercialisable .

Cette puissance ne lui est de rien, mais si elle manque, l'homme est comme le poisson au fond d'une barque - il étouffe, il meurt, ses yeux se voilent . Le Roi pêcheur est au service de l'insaisissable... la surface des eaux terrestres est le miroir où tout peut se refléter, et tout apparaître de la transparence de l'abîme . Ce qui met en mouvement, l'axe du monde, l'âme, âme du corps chaud sur la couche, et âme du monde, est léger et insaisissable, et l'immense pesanteur de la roue des mondes tourne autour de lui . L'axe est vide, il n'est pas un objet - il pèse infiniment et ne pèse rien . Aussi le serviteur de la Roue n'est-il rien de le siècle, et pourtant voie et vie . Peut être est-ce là la leçon : l'éternité ne sera jamais une puissance du monde - et les puissances du monde ne peuvent rien contre elle .

Je te donne la consultation du Hagakure : la tendance qui prévaut aujourd'hui ne peut être inversée . La corruption gagne de plus en plus notre société, et nous rapproche inexorablement du jugement dernier, ce qui est dans la nature des choses .

Mais l'année comporte des saisons différentes, et n'est pas constituée uniquement d'un printemps et d'un été qui se la disputeraient ; il en va de même de la journée, où des cycles se déroulent à chaque instant . (…) Ce fait nous conduit à tenter de nous améliorer, en prenant en compte les tendances toujours changeantes du temps qui passe . C'est en cela que les hommes qui considèrent le passé avec nostalgie se trompent, car ils ne comprennent pas le caractère particulier du changement . D'au autre côté, ceux qui ne voient que par le présent ont tendance à négliger leur devoir et manquent de prudence en adoptant une attitude superficielle
.

Nous sommes des gardiens de la suprématie de l'expérience primordiale : c'est notre devoir que de maintenir cet ordre hiérarchique, de refuser la légitimité des érudits, des idéologues, des producteurs de l'industrie de la vie par procuration – comme l'homme qui voulait vivre sa vie en roman à succès, car tant d'hommes veulent la vivre, en vain . L'expérience primordiale est certes étrangère au monde moderne, mais elle demeure une puissance éternelle . Il serait superficiel de vouloir être accepté par le monde, d'abandonner le plus précieux pour du vent . Mais nous pouvons, effectivement, utiliser toute la sémiotique moderne, l'image, la vidéo, les arts plastiques, ne pas considérer avec une nostalgie paralysante le temps du règne de l'écrit isolé . Je crois que nous devons nous organiser, et creuser vers la production de situations d'expérience primordiale, vers des situations d'intensification de l'existence – ce que d'aucuns nomment parfois T.A.Z . Parfois même, comme dit Debord, à travers des œuvres d'art .

J'ai posé l'Aube dans la coupe de mes mains, et j'en ai fait couler le sang sur tes vallées - nous fûmes phénix, braises transparentes - monde . Nous fûmes l'Aube . Nous fûmes la Ville . Les Aubes des temps anciens, digérées par l'énorme ville . Le temps s'en est allé dans la spirale du soleil . Les nuages aux doigts de rose sont le fumée des brasiers à venir .

Vive la mort !


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Nu

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Zinaida Serebriakova