WILLIAM BLAKE, un frère visionnaire . « Tout ce que nous avons vu n'était dû qu'à ta métaphysique(...) » . A l'occasion d'une exposition.

(masque de William Blake)


(Note : toutes les citations en italique sont de Blake, issues de la traduction excellente citée dans le développement)
Le Maître parle, la foudre tombe . La vérité n'est pas à démontrer, la vérité est ce que dit le Maître, comme expression de l'être . C'est la splendeur du Verbe qui indique le Maître . La lumière visible est analogue à la lumière du Verbe . Il y a une splendeur du Verbe comme il y a une splendeur du visible . Il y a arts visuels en énigme de la poiésis du Verbe . La métaphore n'est pas un jeu verbal, mais construction de mondes . Voilà la pensée comme prophétique, sophiologique . Voilà les bases d'une compréhension sérieuse d'un visionnaire comme Blake .

Si Ève vue par Blake vous évoque la lubricité, la porcherie d'Épicure, si vous avez lu le dernier post de ce blog comme une variante de Michel Onfray, n'oubliez pas que la beauté est dans l'œil de celui qui regarde - La beauté étant l'éclat de l'étant, de l'être de l'étant, c'est à dire en énigme et par participation, de l'Être . Dit d'après William Shakespeare, qui fut non seulement un des plus grands poètes modernes, parfaitement inconnu en tant qu'homme selon la justice, mais aussi et nécessairement un homme empli d'esprit de sagesse . Ainsi la réception en France de William Blake révèle-t-elle les idéologies dominantes de la critique, et leur faiblesse intime .

Le visionnaire ne crée pas ses visions, il voit. Il voit Ève, la femme nue avant le péché, et voit et montre que la différence sexuelle, et donc la séduction, l'amour, sont originaires, et non pas conséquences de la chute . Et donc, il voit que ceci était bon, très bon, et donc puissance de grâce . Il écrit : « la nudité de la femme est l'œuvre de Dieu » . Étouffant dans l'hypocrisie puritaine de la morale moderne, la nôtre, amis ! Il ajoute « l'orgueil du paon est la gloire de Dieu . La lubricité du bouc est la générosité de Dieu » . Tel est la voie de la main gauche, the Marriage of Heaven and Hell .

Thomas d'Aquin, dans la Somme théologique, question 98, réponses, aborde la question de la jouissance sexuelle avant la Chute :

« Mais, dans l'état d'innocence, il n'y aurait rien eu dans ce domaine(celui de la génération) qui n'eût été réglé par la raison; non pas, comme le disent certains, que le plaisir sensible eût été moindre. Car le plaisir sensible eût été d'autant plus grand que la nature était plus pure et le corps plus délicat. Mais l'appétit concupiscible ne se serait pas élevé avec un tel désordre au-dessus du plaisir réglé par la raison. Car celle-ci n'est pas chargée de diminuer le plaisir sensible, mais d'empêcher l'appétit concupiscible de s'attacher immodérément au plaisir. Et je dis " immodérément " par rapport à la mesure de la raison. C'est ainsi que l'homme sobre ne trouve pas moins de plaisir que le glouton dans la nourriture qu'il prend avec mesure, mais son appétit concupiscible se repose moins dans ce genre de plaisir. C'est bien ce que suggèrent les paroles de S. Augustin: elles n'excluent pas de l'état d'innocence l'intensité du plaisir, mais l'ardeur de la convoitise et l'agitation de l'âme. C'est pourquoi la continence n'eût pas mérité d'éloges dans l'état d'innocence, et si elle en mérite dans le temps actuel, ce n'est pas parce qu'elle restreint la fécondité, mais parce qu’elle écarte la convoitise désordonnée. »
(http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/sommes/1sommetheologique1apars.htm#_Toc83400782)


Sa réponse est en deux temps : il répond d'abord que la jouissance existait avant la chute ; et il ajoute que celle-ci était plus forte dans l'état primordial : d'autant plus grand que la nature était plus pure et le corps plus délicat. Ceci est le fondement du dandysme métaphysique . De telles positions philosophiques ne sont pas fantaisistes ; notre rejet de leur sérieux ne montre que notre incapacité moderne à penser la différence des sexes en dehors du puritanisme moderne, aussi « hédoniste » fut-il . Car les « hédonistes » éprouvent le besoin de rabaisser ontologiquement l'homme, ce qu'ils appellent « matérialisme » pour croire exalter le plaisir, le désir syntone à la raison et à la volonté, là où ils n'exaltent que la pulsion, manipulée et causée, aveugle, ce qui asservit l'homme .

Si nous méditons sur cette différence entre le péché et la conscience du péché, entre l'ascèse, qui est liberté spirituelle, et le puritanisme, qui condamne aveuglément la joie et la jouissance au service temporaire de l'Entéléchie moderne (v. Weber, éthique...), nous pouvons avancer dans des chemins de traverse, très loin de la sottise moderne, identique à celle qui après avoir rejeté Blake avec des sourires entendus, l'accueille aujourd'hui en grande pompe, mais n'y comprend goutte . Blake a écrit le mariage du Ciel et de l'Enfer et a été traduit par Gide ; il est donc un lecteur d'Onfray .

Ce que dénoncent les « hédonistes » modernes est le puritanisme, car il est à leur niveau, à leur image et ressemblance : il est même leur frère, purement et simplement . La tyrannie puritaine est passé en tyrannie du plaisir ; mais les « hédonistes » ne comprennent rien à la liberté, pas plus que les puritains ne comprennent rien à l'amour . Pour les puritains, tout est obscène, parce que tout l'est par principe à leurs yeux, c'est leurs vices propres qu'ils voient dans les mondes . C'est le sens de la parole de la paille et de la poutre . Les polémistes modernes construisent une religion exténuée, unidimensionnelle, à leur image, pour pouvoir avoir la puissance de la comprendre et de l'atteindre . Leur incompréhension d'un Erigène, d'un Eckhart, d'un Blake relève de l'aveuglement, voire de la bêtise pure et simple . Vaneigem (le mouvement du libre Esprit) montre des malades narcissiques comme des Libres esprits spirituels, et voit en des déclarations tout à fait valides de spirituels des motifs d'athéisme, d'épicurisme ou d'hédonisme .

J'en donnerais un exemple par le consternant article de wikipedia sur J. Scot Erigène, il est vrai largement modifié, (http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Scot_Érigène) où l'affirmation de l'Erigène que l'Enfer, comme tout lieu spirituel, n'est pas un lieu matériel, selon le rapport d'analogie et donc de différence de l'espace matériel à « l'espace », analogon spirituel de l'espace, est reçue comme une affirmation d'inexistence de l'Enfer et donc une invitation à « l'hédonisme » .

Pour comprendre, rappelons que l'espace comme le temps, en tant que principes d'individuation sont la condition de manifestation du monde individuel ; par exemple, un nombre, le nombre 3, n'est pas un être individuel, il n'est pas situé dans le temps, ni dans l'espace . Si la fleur que je porte ne peut être celle que tu portes, le nombre 3 que j'évoque est identique au tien, est le tien . L'addition 2+3 est la même pour tous, en tout moment et en tout lieu, même si, comme tout objet, elle peut être pensée de manières très différentes . – pour autant, le nombre 3 existe bien en tant que nombre .


Je cite le Projet de déclaration des devoirs envers l'être humain :
« Les nombres sont, mais ne sont pas des choses. Les nombres sont, car leurs relations ne sont pas arbitraires, comme celles de fantômes purement imaginaires issus d'âmes en faillite morale. 2+2=4 n'est pas un rêve et se vérifie. Pourtant les nombres n'existent pas comme des choses .
Le nombre 3 par exemple n'a ni lieu ni temps ; ici, maintenant dans cette page futile, et dans les graves calculs d'un chef donné par la Providence pour notre Évaluation, il est le même.
Le nombre 3 est tout à fait étranger à nos sens . Les notations « 3 » ou « III » ne sont pas le nombre 3, pas plus que la notation « chien » n'aboie, ne mord, ou ne console de la frustration sexuelle . Notez bien en outre que la notation « chien » est propre et ne coûte rien .)




Blake dit, selon le principe de l'analogie, à l'Ange :

« Ici est ton destin, en cet espace (…) si on peut appeler ça un espace. »

Le problème des puritains comme Vaneigem est de ne pas comprendre le caractère carcéral de leur monde unidimensionnel, de ramener des penseurs de la pluralité des mondes à leur monde unique et plat, et de se croire très fort en étant à côté de la plaque . « La route de l'excès conduit au palais de la sagesse » . C'est une parole de la voie de la main gauche . Si l'excès n'est pas une route vers la sagesse, une échelle de Jacob pour aller n'importe où hors du monde, il n'est que l'acte de l'idéologie du Système, la consommation . Le moyen accidentel devient la fin : aveuglement . Telle est l'idéologie moderne quand elle aborde Blake . « L'Aigle ne perdit jamais autant de temps que quand il se résigna à écouter le corbeau »



(l'échelle de Jacob- W.Blake)




Comprendre Blake, ce n'est pas avoir le sourire graveleux du faux libertin moderne, ni la consternante supériorité morale du sot, (je cite le monde du 17 avril, « cet homme était cinglé ») c'est le prendre au sérieux, en tant que visionnaire . Relisons le Monde : « soucieux d'économiser les frais de typographie nécessaire pour ses poèmes illustrés, il écoute les conseils techniques de son frère Robert et les applique à une forme de technique inconnue à ce jour . Problème : Robert est mort en 1787, et c'est son fantôme qui dicte à William Blake (1757 – 1827) la meilleure manière de pratiquer l'impression à l'eau forte en relief .»

Comparons avec la notice biographique du mariage du Ciel et de l'Enfer, un bon travail d' Alain Suied chez Arfuyen : « il (Blake, à cause de ses idées téméraires et de son caractère ombrageux) n'aura d'autres ressources pour ses livres suivants que d'être son propre éditeur : il gravera l'illustration de ses poèmes. Le poète attribuera à un rêve – dans lequel son frère Robert lui apparaissait – l'invention d'une nouvelle technique : l'illuminated printing, qui lui permet d'associer dessin et poème. »

Partant d'une poignante situation humaine de l'artiste, la difficulté de publier son œuvre dans le monde moderne sans affronter la consternante supériorité morale du journaliste, et la solitude du visionnaire coupé de sa famille et qui perd son frère, son proche le plus cher, le Monde nous présente avec talent un cinglé, (selon la brutalité gracieuse des élites modernes) non pas parce que comme nous tous lecteurs du monde, patrons et cadres de l'ordre libéral, représentants des convenances et du bon sens, il est « soucieux d'économiser les frais », ( normal pour un anglais) ce qui nous permet de ressentir une fraternité et une normalité avec lui, mais parce qu'il écoute le fantôme de son frère (qu'il est bête, qu'ils sont cons ces artistes, heureusement qu'on est là pour « être concrets », « être actifs, dynamiques »! se réjouissent les Bouvard et Pécuchet modernes, qui ainsi rassurés dans leur « estime de soi » resteront clients du Monde.). Chers amis, soyez bien convaincus d'une chose : ce qui est cinglé, c'est de vouloir économiser les frais posé non comme moyen, mais comme finalité, ce qui est le cas moderne - « comptes, poids et mesure, ne les sort qu'en cas de disette ! » et pas d'avoir des songes, et pas d'imaginer, ni d'inventer pour montrer ses visions à ses frères .

Ainsi le Monde montre une incompréhension prétentieuse et supérieure, posant comme motivation de Blake l'économie, la gestion individuelle de l'intérêt selon son idéologie de l'action humaine, là où la finalité est de permettre à son œuvre d'exister, et la situation réelle la pauvreté ordinaire du spirituel dans le Système : on vérifie tous les jours la fin des idéologies, n'est-ce pas ? -Ajoutons, pour l'édification du lecteur, que le plus convenable Descartes -était-il cinglé pour M Harry Beliet, auteur de l'article ? – a lui même choisi la philosophie à la suite d'un Songe...

Blake a une foi, est un homme de foi, ni d'Église, ni de Loi . « Une seule Loi pour le lion et pour le bœuf, voilà l'oppression » . C'est un gnostique de l'ère chrétienne . Donner sa foi n'est pas croire, et encore moins croire en ignorant . La foi du fidèle d'amour n'est pas une croyance, c'est un engagement, dans le sens de la foi du vassal pour son Seigneur . Sans cette foi, la science, la vision ne peut suffire . Une telle foi n'est pas le désir, ou la volonté dogmatique de croire, d'arrêter le cycle de l'énigmatique essentiel, mais le don de soi, une fidélité personnelle – une figure de l'héroïsme . Le caractère inconditionné de cette fidélité personnelle se marque par le culte de la mort, mort d'Iseult, mort de Roland, selon la parole du Hagakure : « la mort est l'essence du bushido ». « Roulent ta charrette et ta herse sur les os des morts ! ».

Le visionnaire n'a pas besoin de croire au sens des modernes, d'apprendre et d'être capable de réciter des formules dogmatiques et d'y conformer ses jugements et sa vie . Le visionnaire ne croit pas en ce sens, car il sait, il sait l'énigmatique essentiel, il sait la pauvreté, la misère des hommes, et il sait la Splendeur, la splendeur bouleversante d'un rayon de soleil sur un vase de cuivre, la splendeur du Livre, la splendeur du deuxième livre, qui est la nature . Son regard retourne vers l'Aurore, il est une restauration infime, ineffable, de l'état primordial, toujours déjà présent ; sa vision est étoile du berger pour les hommes égarés : « Le visage qui ne donne pas de lumière ne deviendra pas étoile ».William Blake est de la race de Jacob Böhme, tant dans la splendeur qui se dégage de ses mots confus, ou de ses oeuvres, que dans l'isolement et la condamnation des hommes .

La gnose de William Blake est étoile sur un ciel d'abîme, et parler aux fantômes une voie pour saisir le caractère carcéral de l'Âge de fer . Sans lumière, les ténèbres restent jour et normalité ordinaire des hommes .

La pensée n'est pas un ensemble fermé sur soi d'objets abstraits, dont les liens se déterminent selon les règles de la syntaxe, de la sémantique et de la pragmatique ; la pensée n'est pas une réalité linguistique structurale auto-suffisante, un dictionnaire, et même pas une encyclopédie indéfinie . La pensée est une partie fonctionnelle du cosmos humain, et nul homme ne peut vivre en dehors de ce cosmos .

Selon la première conception, la conception de l'idéologie racine moderne, la pensée est un microcosme représentant – mal - le cosmos, ses éléments représentant les objets, et les liens entre ses éléments représentant les liens entre objets . « Ce chien est à Bill ». En réalité, la pensée est partie fonctionnelle du cosmos humain, c'est à dire forme générale des relations entre les hommes, et entre les hommes et tout objet possible . La pensée, linguistique et extra-linguistique, est la matrice d'organisation des liens ; et dans une civilisation, les liens entre les hommes, comme les liens entre les hommes et les choses, et donc l'ensemble de la vie pratique est informé, ordonné, par la pensée de cette civilisation . L'ontologie est axiologie .
La pensée est information et ordonnancement de la totalité humaine . La conception moderne de la pensée comme représentation n'est autre que la position de la pensée dans le cosmos informé par l'idéologie-racine . Elle est donc hiérarchiquement exténuée . Elle se justifie cependant sur une réalité, c'est que toute partie fonctionnelle d'un Système est informée du Système entier, contient la réplique analogique des structures cosmiques globales .

La pensée est partie fonctionnelle du cosmos humain, parce que l'art, la production matérielle, l'organisation de la vie humaine, en sont aussi des parties fonctionnelles ; et j'en tairais d'autres. La figure symbolique de cet ordre (dans cette perspective) est le cercle, et non la pyramide hiérarchique, l'arbre des espèces et des genres ; c'est pourquoi je dit « partie fonctionnelle rectrice » et non « principe directeur » .

La pensée dans une civilisation est le logos commun, elle est unique, et matrice de formes, ou structures, de pensée qui peuvent être très opposées : mais leur opposition se constitue toujours sur un horizon de principes communs, sans lequel cette opposition ne saurait ni être posée ni être pensée . On ne s'oppose d'une certaine manière, qu'à l'intérieur de soi . Les pensées « personnelles » sont une écume . La pensée la plus universelle est la plus indéterminée . Dès que la pensée se forme, une séparation s'établit .

Plus encore, c'est dans la pensée, dans l'ontologie, un des fondements principiels de toute pensée, que se constitue les étants ; soit pour nous, dans notre ontologie, les individus, les choses, les objets, et leurs exister possibles . L'identité personnelle si cruciale dans le monde moderne est constituée par l'ontologie-racine . La pensée, ou l'ontologie seule est le possible au sein d'une civilisation ; la pensée plus des signes visibles dans le monde forment le « réel » de cette civilisation . En clair, l'ontologie donne le cadre herméneutique des mondes naturels . Dans une pensée, on ne peut déclarer réel que ce qui prédéfini par l'ontologie . On ne peut voir que ce qui est prédéfini par l'ontologie ou détruire l'ontologie en étant visionnaire : « la prudence est une vieille fille, riche et laide, courtisée par l'incapacité » – ce qui nous ramène à Blake, qui ouvre ainsi une fenêtre dans une civilisation carcérale : « de l'air! De l'air! » (Nietzsche.)

Dans une civilisation, on voit donc des démons, des esprits frappeurs, des fantômes de manière quotidienne sans être cinglé ; voyez la littérature du bas Empire romain . On ne doute pas de l'existence de la sorcellerie puisque l'ontologie principielle le permet : et cela est vrai dans l'Europe de la Renaissance comme dans l'Afrique contemporaine . Lucien Fèbvre a montré avec talent que l'athéisme de Rabelais n'était pas possible en son temps, comme l'athéisme de l'Erigène relu par les post-situ . Voilà que nous avons d'énormes quantités de documents officiels, le témoignage de savants comme Jean Bodin, que l'on veut ensuite enrôler comme précurseur de notre aveuglement, qui a écrit « de la démonomanie des sorciers » ; le vaste et savant malleus maleficorum . Si tous ces documents portaient sur quelque chose qui soit possible dans notre ontologie, comme une épidémie de peste, ils ne nous poseraient aucun problème et seraient une autorité authentique au sens littéral ; mais comme il portent sur ce qui n'est pas possible dans notre ontologie, ils doivent être interprétés .

Interprétés au sens moderne, exténués, c'est à dire soit ramenés à quelque chose de possible dans notre ontologie (ici des manifestations psychopathologiques – des cinglés !) soit niés (des fables, des mythes, des superstitions...), soit détruits (cas des destructions massives de lieux de culte en France (1793 et suivantes), en URSS, sans parler de la destruction de la liturgie...) . Ainsi Blake fut-il peu connu en son temps, et traité de « pauvre fou » et d' « aliéné » .




Aujourd'hui on privilégiera la lecture psychanalytique plus discrète mais structurellement identique, c'est à dire négation pure : voyez « Moïse et le monothéisme » . ( vous pouvez comparer avec nécessité de l'angéologie d'Henry Corbin.) Car le moi et sa sécurité se construisent dans le cadre de l'ontologie, et la remise en cause de l'ontologie est celle-même de ce « moi », ce qui provoque angoisse, anxiété, qui se tournent bientôt en agressivité et en haine en cas de déstabilisation . Par ce mécanisme tous les individus vivant dans le Système ont en eux-même les chaînes qui les attache au Système, ayant chacun des actions fort coûteuses de celui-ci .

Pourtant quelle vanité que cette civilisation moderne : comment croire que je peux déterminer à priori ce qui ne peut être, contre le témoignage de tant d'hommes ? Si Blake était celui qui avait raison, si son frère Robert lui avait donné les indications de l'illuminated printing ? Prendre au sérieux William Blake n'est pas sans conséquences .

A l'intérieur d'une ontologie rien ne peut m'amener à changer d'ontologie, car rien de totalement extérieur n'est perceptible .C'est le caractère carcéral de l'ontologie . Rien, si ce n'est la puissance du négatif, qui broie et aspire lentement tout ces cadres vides dans le néant, et qui se nomme nostalgie .

« Tout ce que nous avons vu n'était dû qu'à ta métaphysique . Car , lorsque tu as fui, je n'ai plus vu qu'un joueur de harpe sur une rive, au clair de lune . A présent que nous avons vu mon destin dans l'éternité, puis-je te montrer le tien ? W. B.

A bientôt, amis!

Sur le mot de Joseph de Maistre : "Rien n'est à sa place."


« Le mal a tout souillé, et dans un sens très vrai tout est mal puisque rien n’est à sa place. (...) Tout les êtres gémissent et tendent avec effort vers un autre ordre des choses. » (J. de Maistre, Oeuvres Complètes, t. I, p. 39) . Voir la Question, Isabelle des Charbinières, dont je fais mes délices de Vampire...

"Rien n'est à sa place", est exactement le sujet du texte précédent des délices . Mais si rien n'est à sa place, alors l'énoncé lui même n'est pas à sa place . Il faut alors poser qu'il existe en l'homme à l'état présent, au moins en puissance, la faculté de voir et d'énoncer la vérité . Je dis bien voir : la vision n'est rien d'autre que voir les mondes en place, tels qu'ils sont, qui sont toujours déjà présent, dans la présence circulaire de l'eschaton . Ce voir est l'apparition dans l'horizon du silence, de la mort de soi . Et cette mort, qui est tout pour soi, n'est rien en soi ou presque ."Elle est venue dans les ténèbres..." "Que ceux qui ont des oreilles..." - et on ne met pas la lumière sous le boisseau...Lumières des lumières, visible symboliquement dans le soleil...Le monde raconte la Gloire de Lumière, parmi les ténèbres ; l'enfer fait partie des desseins harmoniques de la Providence .

Ainsi notre âge, l'âge du nihilisme, et notre état, pro statu isto, ont-ils leurs délices...



(Eve par W.Blake.)

Sur le "connard" de Gainsbourg à Guy Béart, comme noble mot d'artiste.


(Iris de Dürer)


Deux problématiques s'unissent dans les prochains textes, la question de l'Empire, comme réalité pensée de la pluralité ordonnée et juste, résonnant dans l'harmonie de l'Un, et la pensée de l'organisation des hommes nobles, comme analogon de l'Empire . Cette question est celle de la Loi et du Droit comme principes d'organisation justes de la pluralité réelle . Une telle conception du Droit doit être entièrement reconstruite . En effet, l'idéologie racine ne peut penser simultanément l'ordonné et le juste : pour elle, l'ordre n'est que le masque de l'injustice, et la justice ne peut produire que la destruction de l'ordre, dans un « choix » entre Jésus et le Grand Inquisiteur .

Préalable à la conception symphonique de la pluralité tant désirée, il est indispensable de déconstruire le morcellement moderne de l'être, où tout est pensé comme si la « réalité consistante » pour parler non techniquement, l'être, extérieur à la conscience, n'était qu'une partie de la totalité . On trouverait aussi dans la totalité des irréalités, des productions subjectives, signes, symboles, relations, valeurs, images...je l'ai déjà noté, il s'agit de la chose, res, comme archétype, modèle et mesure de l'étance de tout objet en général, et par exemple de la réplication de cette ontologie dans la parole sur l'homme, de l'individu comme archétype, modèle et mesure de l'homme en général . Ici nous traiterons d'un aspect et d'une conséquence de cette ontologie, qui pose dans le langage commun la différence entre le jugement sur l'être (X est un oiseau) et le jugement de valeur (X est beau) .

Ce morcellement donc se traduit dans le cas présent en séparation entre « axiologie », science des jugements de valeur, et « ontologie », science des objets : on constate la séparation moderne des jugements en deux ordres, le jugement de nature, ou d'être, qui peut être validé, qui fait référence au réel ( intentionnalité , suppositio), dont le contenu dépend du pôle objectif de la relation de connaissance, et le jugement de valeur, qui est arbitraire, étranger au réel malgré sa visée d'un étant, puisqu'entièrement à la charge du pôle subjectif de la relation de connaissance .
Or le sujet se construit par référence à l'objet, et réciproquement ; c'est à dire que c'est la polarité même qui détermine les pôles . La séparation fait de un deux, ce qui est une erreur dans toute voie .

Or l'ontologie implicite d'une telle conception n'est autre que l'ontologie implicite de l'idéologie racine, partie fonctionnelle du Système global . On peut monter au lecteur attentif que cette distinction reçue entre ontologie et axiologie est directement et clairement au service du Système .

Enfin le présent texte se veut élément d'une destruction phénoménologique de cette séparation invalide .


L'analogie de l'ontologie et du droit (axiologie) : le Temps et l'Espace comme archétypes du Droit .



Préalables .



L'étude du droit, ancien comme moderne exige de comprendre que l'analogie de l'espace et du temps au droit est très étroite . L'ontologie (le Temps et l'Espace) et l'axiologie (le Droit) sont par essence inséparables .
Dans l'idéologie racine elle même, ces aspects analogués sont des parties fonctionnelles indissociables de l'idéologie racine, elle même partie fonctionnelle du Système général . Ils sont par contre complètement voilés, implicites, et explicitement niés : l'idéologie racine sépare l'ontologique de l'axiologique, les pense comme deux ordres séparés par essence .
Et cela en niant par ailleurs toute réalité essentielle, en assimilant l'essence à « la somme des accidents » (B. Russell), ce qui est contradictoire . Si l'essence est une convention sémantique, alors rien n'est séparé par essence, comme l' « économique » et le « politique », séparation libérale pourtant fondatrice .
L'ontologie (le Temps et l'Espace) et l'axiologie (le Droit) sont par essence inséparables . Mais le Système les sépare en principe . Je ne saurais trop insister sur la forfaiture de la pensée moderne sur ce point : il n'existe aucune coupure fonctionnelle stricto sensu entre l'ontologie, l'axiologie, la sémantique et la symbolique . Tout simplement parce que ces coupures sont arbitraires, qu'elles ne sont pas valides ontologiquement .

Réciprocité de l'axiologique et de l'ontologique .

En clair, pour s'arrêter aux deux premiers termes, la catégorisation ontologique d'un X est nécessitée par sa catégorisation axiologique et réciproquement, non pas dans les cas limites où l'on en prend conscience si on fait l'effort de s'y arrêter, comme le débat sur la nature/statut de l'embryon, (est-il une personne ? Alors il doit être protégé comme tel par la loi, comme obstacle à ma liberté ; est-il une chose appropriée poussée en un corps, produite par une volonté, alors je peut le détruire en tant que propriété) mais dans tous les cas .
Dans toutes les civilisations, y compris la nôtre, l'appartenance à une catégorie de nature est liée à l'appartenance à une catégorie statutaire . Tu peux tuer un cerf parce que c'est un animal ; tu ne peut pas tuer un homme . Sauf celui-là, parce que c'est un ennemi . C'est pour cette raison que l'Âge moderne fait si facilement appel à la Science, comme arbitre de l'Être, pour définir un statut : par exemple l'anthropologie physique, chargée de légitimer le statut des peuples colonisés (inférieurs), ou plus tard celui des juifs...comme la biologie qui doit nous dire aujourd'hui si l'embryon est une personne . (Voyez l'excellent S.J Gould, la mal mesure de l'homme, livre exemplaire).
Ainsi, « être animal », « être une chose brute », « être un homme » est dans la société humaine indissociablement une essence et un statut . Et un point essentiel du statut dans la société moderne est de savoir si, et comment, on relève du marché, comme référence de mesure et d'être . Je précise qu'être objet de la technique, et être objet du marché, relève d'une constellation unique . Si je suis un tel objet, même vivant, comme une plante, je suis un être pensé dans l'horizon du marché, indéfiniment manipulable par la technique, mesuré par une valeur, et rien de plus . Cela est sensible pour un paysage, rivière et montagne : dans la perspective du marché, le lieu, par la « mise en valeur » peut recevoir une valeur de l'exploitation touristique, d'un barrage hydroélectrique ou d'une mine ; et les profits escomptés seront comparés avant exploitation . Que ce « paysage » aux yeux modernes soit aussi un lieu sacré est indifférent, la plupart du temps . Le phénomène est ancien, voyez le Mont St Michel, transformé en prison puis en Luna-park .
La question « combien coûte un Iris ? » est normale pour la civilisation moderne . La contemplation de l'Iris par les yeux de Dürer montre assez que pour lui la question n'existait pas . Si je suis un animal, alors on peut me tuer pour découper mon corps en morceaux commercialisables, manger ma chair, se livrer à des expériences, m'acheter et me vendre, etc, mais j'ai certaines protection contre les « mauvais traitements à animaux » . Si je suis une personne, mon statut est tout différent, et le marché ne mesure pas mon corps, ou encore à ce jour, dans peu d'aspects . Car il demeure une évidence du passé : tout n'est pas commercialisable, ni objet de la technique .
Il existe un rapport direct entre l'assimilable et le commercialisable, le manipulable par la technique : car est commercialisable et manipulable ce que je peux de droit utiliser à mes propres fins . Le corps humain, et la personne humaine sont des exemples de ce non commercialisable (l'inverse étant l'esclavage, l'expérimentation humaine et le cannibalisme, dont nous ressentons assez le rejet par la common decency). (Car mon corps n'est objet de la technique, la médecine ou la chirurgie, que pour mes propres fins . )
Cette limite traditionnelle du « commercialisable » autrefois très étendue, demeure, mais est très fragile et ne cesse de reculer, même si elle a connu des avancées, à examiner, comme l'abolition de l'esclavage . (voyez par exemple le mot « enclosure » ou l'évolution du droit maritime) . Elle résulte d'une classification onto-axiologique : nous savons que le commercialisable est axiologiquement inférieur . Ainsi les négriers du commerce triangulaire devaient parler de « mâles », de « pièces d'Inde », ou de « femelles », et non d'hommes et de femmes pour accepter leur commerce à leurs propres yeux, sur le même principe par lequel les nazis inventèrent tout un jargon de la solution finale, qui fait d'hommes l'objet d'un déchainement technique . Ce qui est commercialisable ne vaut rien de plus que de l'argent, et cette mesure ne peut être appliquée universellement .
Nous connaissons et acceptons de manière irréfléchie l'expression : « cela n'a pas de prix ». Mais la justification, le fondement de cette interdit est d'ordre hiérarchique, liée à une ontologie qui permet de le penser . La pensée traditionnelle explicite est celle de la séparation de domaines d'objets extérieurs au marché . Sinon, en l'absence d'un savoir explicite, cette common decency qui ne peut s'argumenter s'effondre devant la montée des eaux du Système, et le domaine du commercialisable ne cesse de s'étendre au delà de ses limites légitimes, analogiquement au déluge, comme inondation des eaux inférieures -et c'est bien le cas .

De la suppression de l'axio-ontologie et de ses conséquences .

L'entéléchie du Système porte à réduire indéfiniment l'espace de « ce qui n'a pas de prix », pour augmenter intensivement et extensivement l'expansion de sa puissance .
Pour cela, il est aisé, pour les idéologues du Système, de montrer que « ce qui n'a pas de prix », l'ensemble des étants x tels que x E(ce qui n'a pas de prix )-( E pris comme signifiant « appartient à »), est défini par l'ensemble des jugements tels que y quelconque E (ce qui n'a pas de prix) ; et si l'on réfute les qualités essentielles, en posant qu'avoir ou pas un prix ne résulte que d'une évaluation en acte, et pas de sa nature, par un tour de passe-passe, on pose que : y E (ce qui n'a pas de prix) est synonyme de : y E (ce qui a un prix indéfini) . Si on veut affecter une haute posture morale, on a qu'à dire que le prix de y est infini . « le prix de la vie humaine est infini », belle idée reçue et tarte à la crème morale .

Ainsi une ontologie hiérarchique distinguant ce qui par nature, est en puissance objet de commerce ou de technique, et ce qui ne l'est pas par impossibilité de nature, est remplace par une échelle axiologique unique définie par le marché, ou l'entéléchie du Système, « l'utilité » posée en absolu, car il est inutile de préciser à quoi se réfère cette utilité .

En effet, le jugement « y n'a pas de prix » est un jugement d'extériorité de la qualité « avoir un prix » au sujet supposé de celle-ci, par essence et non par accident, formulable comme « la qualité « avoir un prix » ne peut s'appliquer à y » (Exemple : avoir une pointure s'applique aux chaussures, pas aux oiseaux ; ou un point, une droite, ne peuvent avoir de couleur . On dit que la puissance de refléter la lumière, ou pas, est une qualité première d'un objet, qualité indépendante de mon jugement . ). Bien au contraire, si je dit que « le prix de y est indéfini », je dit que la qualité avoir un prix s'applique à y, mais que cette qualité est indéfinie . Nous quittons alors le domaine de la logique pour celui de la dynamique du Système .

« L'in(dé)fini », concept assez vide dans l'idéologie racine, et dans les mesures humaines, devient très vite l'indéfini, non comme essence, comme par exemple le nombre des nombres, mais comme état relatif à une absence provisoire de mesure adéquate, qu'une bonne mesure contractuelle, par le marché, pourra un jour définir . L'indéfini pour le Système est un défini en puissance, une matière, domaine à conquérir à la mesure, un objet d'irritation, un incompréhensible, un irrationnel, ce qu'on ne peut ni saisir, ni mesurer à la raison humaine, etc . Le Système « veut », par son entéléchie, mesurer, évaluer, réduire au quantitatif . Ainsi par exemple, la valeur infinie du corps humain est la porte d'entrée de la définition de la valeur du corps .
Si la résistance de la common decency est excessive malgré ces efforts, il reste un autre tour de passe passe argumentatif très utile . Il suffit alors de dire que l'on ne vend pas l' « objet » litigieux, puisque la conscience populaire ne peut admettre qu'il soit commercialisable, mais que l'on paye un service qui lui est commercialisable . Par exemple, l'esclave moderne ne vend pas son corps, mais sa force de travail ; la mère porteuse ne vend pas l'enfant, ni ne loue sa matrice, mais reçoit une indemnité pour le service rendu . On pourrait utiliser le même argument pour une automobile : on ne vend pas l'automobile, on la donne, mais on demande une indemnité pour le service de fabrication et de mise à disposition gracieuse du véhicule . Voir Quine, « relativité de l'ontologie », très utile pour toute argumentation de ce genre .
Allons plus loin : la théorie nominaliste de l'essence (l'essence comme définition, pure convention sémantique, qui est la négation de l'essence) permet « la philosophie des valeurs modernes » ; la négation de l'essence est l'ontologie qui permet la toute puissance du marché . Et prenons un exemple dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : les « droits imprescriptibles et inaliénables » ne le peuvent être que s'ils sont essentiels, la Déclaration dit naturels, et la nature et l'essence sont employés comme synonymes .
Ces droits naturels, inaliénables et imprescriptibles, ne sont pas définis dans un droit positif, auquel cas ils seraient aussi fluents que ce droit, et ne seraient pas ce qu'ils sont, qui n'est autre que ce qu'ils doivent être . Ces droits sont antérieurs et condition du droit positif : ils sont antérieurs à toute convention . Ils sont essentiels, inclus dans la nature même de l'homme .

Cette déclaration n'est plus respectée (voyez l'immunité du chef de l'État contradictoire avec l'égalité en droit, voyez la défense de la discrimination « positive »également contradictoire .) avant tout parce que le Système ne peut tolérer de s'arrêter à une nature, à une essence ; ne peut tolérer durablement de l'inaliénable . Inaliénable et incommensurable au Système sont convertibles .
La théorie conventionnaliste de l'essence et du droit laisse la totalité à la merci de la puissance du Système, et présente l'exercice de cette puissance comme l'acte de la liberté .
Si je nie les réalités essentielles, l'existence de qualités premières, j'ouvre la porte à l'idée que la valeur résulte du jugement - le jugement de valeur - extérieur d'une conscience, d'une volonté, sur un objet jugé, objet de la conscience et de la volonté, et soumis arbitrairement à leur toute puissance, comme le fait « d'être suspect », d'« être mis en examen », qui préservent mon « innocence présumée » essentielle . Alors, tout étant peut être objet d'un jugement de valeur valable, étranger à son essence . C'est le triomphe de la volonté, de l'arbitraire, du « c'est moi qui décide qui est juif » de Goering . Si telle est la puissance de la volonté, telle est la puissance de la puissance déchaînée du Système, alors aucun droit inaliénable ne peut endiguer les flots de la tyrannie moderne, au nom d'une liberté individuelle toute puissante, du droit de tous sur tout . Le marché peut transgresser sans cesse la limite du commercialisable, de l'objet accessible à la technique . Cette idéologie est précisément celle des postmodernes .
(Du point de vue artistique, l'analogon de cette métaphysique générale se retrouve dans l'idée si commune que les mass-media produisent de l'art au même titre qu'un artiste, les différences entre Mozart et la Star Académy étant arbitraires . Belle réponse de Gainsbourg à Guy Béart sur la question, Gainsbourg disant que la chanson est un art mineur, Béart le niant selon le même type de discours : « connard ». )



Étrangeté impensée de la construction du monde dans l'idéologie -racine .



La construction du monde dans l'idéologie racine n'est pas explicitement saisie et décrite par les idéologues modernes . Poser cette description ne peut être le fait que d'un étranger, ce qui rend le règne de la quantité si pertinent malgré l'étrangeté des mondes guénoniens . Voyons quelques postulats de l'idéologie -racine .
Accepter cette idée des « jugements de valeurs »est donc par exemple accepter les postulats suivants :
Conscience et objet sont étrangers l'un à l'autre ; ils sont dans une relation hiérarchique, où la conscience est totalement dominante ; mais du fait de l'étrangeté de l'objet à la conscience, la conscience ne peut que détruire l'objet en le consommant, en l'assimilant à soi et à ses fins, ou en lui conférant une valeur qui lui est extérieure . L'objet en soi reste fermé à la conscience, et ne peut être connu « réellement ». A la limite l'objet est une construction de la conscience, n'est que parce qu'il est senti ou conçu .
La valeur ne vaut que par la conscience, ou l'échange de l'objet entre consciences s'accordant sur cette « valeur ».
Notons que la détermination de l'objet, en tant que polarité d'une relation, est de droit détermination du sujet, de la personne . Ainsi la toute puissance de la volonté sur l'objet du « jugement de valeur » est-elle un leurre, l'image illusoire d'une incarcération réelle .
En définissant Épictète comme mon esclave, je me donne l'illusion d'une toute puissance sur lui, mais je ferme toute la variété des relations que nous aurions pu avoir . Je met un nom simple, le mien, sur une énigme . Mon nom, mon utilité étriquée sur l'Énigme : vanité et aveuglement . Dürer au contraire révèle l'énigme de l'Iris . Si un instant je vois ce que voyais Dürer, alors je vois la relativité du regard moderne sur le monde, la relativité du monde « désenchanté » de l'Âge de fer .
Comme le paysan qui pris une toile de Van Gogh pour boucher un trou de son poulailler, ou celui qui prend le plan du labyrinthe où il est égaré comme cale pour un meuble, parce qu'il ne sait pas lire . Telle est la relation moderne aux objets du monde .
N'est ce pas, ainsi explicité, d'étranges croyances, une étrange weltanschuung, que cette idéologie racine moderne? Elle est aussi « métaphysique » qu'une autre, au nom du rejet de la « métaphysique »...Conscience et objets sont étrangers, l'objet est objet en soi, fermé sur lui-même en tant que noumène...cela ne vous rappelle rien, amis ? Et cette étrangeté supposée ne redouble-t-elle pas quand il s'agit d'une œuvre d'art, d'une communication, où le caractère bizarre du postulat implicite : l'objet est étranger à la conscience devrait me semble-t-il sauter aux yeux ? Et n'y-a-t-il pas des analogies psychanalytiques à cet objet étranger, que je veux détruire, m'assimiler par impuissance, par dépit ? N'est ce pas aussi la mort de Dieu ?



Récapitulatif simplifié :



Reprenons de manière plus simple, moins technique peut être : pour les idéologues modernes de l'« éthique », désireux de conserver la catégorie « ce qui n'a pas de prix » hors de tout « postulat ontologique », le jugement « y n'a pas de prix » est un jugement de valeur de forme : « la valeur de y est in(dé)finie ».

Si on accepte la « valeur infinie »(ce qui peut être fait avec les meilleures intentions du monde, par naïveté), on admet que tout ce qui est considéré sous l'ordre de la valeur l'est avec raison, que la valeur est une mesure universelle légitime . Et donc, que tout est de l'ordre de la valeur, tout étant mesurable par elle .

Or -continue avec sa raison l'idéologue moderne – tout jugement de valeur n'est pas lié à l'objet de ce jugement, mais au sujet qui le prononce . Par exemple, « la glace à la vanille est meilleure que la glace à la fraise » ne veut rien dire d'autre que « je préfère, etc ». (interlude : un psychanalyste conclurait : la glace à la fraise, mais je m'en cache en disant et en croyant fermement le contraire ) Nous avons le résumé de cette thèse dans la formule : « les goûts et les couleurs ne se discutent pas ». Le raisonnement se termine en disant que tout sujet souverain de jugements de valeur, donc tout individu humain également, a des droits égaux de prononcer de tels jugements, mais à son usage propre ; que donc ces jugements sont arbitraires, liés aux caprices et aux préjugés individuels, en tant qu' indépendants de la nature de l'objet sur lequel est prononcé ce jugement, et donc hors de porté d'un arbitrage par expérience, par la science . L'intérêt pour tous de tels jugements est purement documentaire, « psychologique », en tant qu'exprimant une idiotie individuelle . L'idiotie n'est plus péjorative .
La société doit être organisée pour maximiser la liberté individuelle, donc pour permettre à l'intégralité des jugements de valeurs de « s'exprimer » également, car il y a un droit à « s'exprimer ». (« S'exprimer » est ainsi une des grandes valeurs du Système, qui suppose qu'il y a quelqu'un qui veut s'exprimer, et qu'il y a quelque chose à exprimer pour paraphraser un mot de De Gaulle.) Cette multitude des « expressions » est ainsi le bruit qui permet une censure passive de la pensée, par la masse et par l'égalisation des « expressions personnelles » . Tous les jugements sont donc réduits à une valeur identique nulle .
Ajoutons que comme les jugements doivent respecter les autres jugements qui ont autant de droits qu'eux, ils ne peuvent ni médire ni remettre en cause le cadre général de la liberté de jugement, c'est à dire qu'il ne peuvent qu'être vides, ou répéter l'idéologie racine, et rien d'autre . La simple argumentation savante peut ainsi devenir suspecte et être réprimandée, par prétention à la supériorité, ou par pédantisme vide . La recherche de la Vérité est ainsi autant condamnée que dans un État totalitaire : voyez le Maître et Marguerite de Boulgakov, au sujet des critiques du livre du Maître ; on croirait lire la presse libre de la République, avec cette obligation d'être conforme, ces indignations de commande d'autant plus sévères qu'elles sont vides .
Donc (concluent les comités d'éthique un beau jour, quand le Système en a besoin, quand « la société est prête ») les jugements de valeur infini sont aussi arbitraires que les autres : et c'est l'effet d'un préjugé regrettable et nuisible au progrès, à la liberté, et toutes autres conneries de ce genre, si les femmes ne peuvent sans réticences de la société vendre entièrement leur corps, ou du moins son usage à terme, et pas seulement son image ; ou les pauvres louer (avec joie et sans aucune contrainte, sinon le noble désir d'argent qui est le premier éducateur des pauvres) leur matrice, vendre leurs organes, ou leurs embryons, ou leurs enfants peut être . Car tout ce qui est propriété est aliénable, et donc a un prix, au moins potentiellement, en étant l'objet d'une « estimation » .
A retenir, il n'existe dans le cadre idéologique du Système aucune digue qui puisse garantir des droits « inaliénables et sacrés » .

Éléments de conclusion :


Pensez aussi au fameux « l'esclave est un outil animé »d'Aristote...rappelez vous amis, le statut s'exprime comme nature, comme essence, et la nature, l'essence, expriment un statut . Ou encore, statut et nature expriment des relations, le tissage arachnéen des relations, constituées par la civilisation, entre les objets et le monde des hommes . Et ces relations sont justes si elles sont conformes à l'essence des pôles, analoguées de l'archétype . L'homme domine la nature, mais cette domination n'est pas une exploitation, une assimilation destructrice, elle est un règne . Le règne respecte la justice, c'est à dire l'équilibre des liens .
Saturne, père dévorant ses enfants, est le Saturne de notre âge, qui est le modèle du mauvais règne . Le père qui jouit de ses enfants n'est pas pour rien une terreur moderne .
En posant le pôle subjectif des relations d'objet comme déterminant la relation dans une relation de toute puissance, l'idéologie de la chose, l'idéologie racine détruit tout les autres mondes possibles . Elle montre aussi son lien structurel à la structure narcissique de personnalité, et le caractère non accidentel de la fascination moderne pour le tueur sadique, et le sadisme en général . Il est possible de nier l'essence comme de nier le statut essentiel d'un objet, de faire travailler des chinois comme des machines, de vendre un homme comme esclave, de prostituer une femme par la force, de vendre les organes d'un enfant des rues, d'abattre une montagne magique, de proclamer l'égalité de l'idéologie moderne et d'une grande pensée humaine, l'égalité de la pensée de François Hollande et de Jacob Taubes . Il est possible de proclamer cela bon, et d'interdire que l'on proclame le contraire . Comme la seiche, l'idéologie moderne crache un brouillard d'encre .
Mais ce n'est pas bon, et chacun le sait dans le secret . Car ceci est l'analogie inverse de la réalité des mondes, où le statut, l'être défini par sa position hiérarchique, n'est pas différent de l'être de l'étant . La différence n'étant qu'une différence de perspective . Il n'existe pas de jugement de valeur authentique, juste l'expression de l'être de l'étant dans le Verbe . Ainsi le Logos est-il commun, parce que similaire, analogue, mesure de l'Être . En déstructurant le logos commun au profit de la mesure du marché, plus exactement de la mesure du déploiement de la puissance, l'entéléchie moderne est une négation de toute civilisation humaine possible .
L'Empire authentique, qui fonde la communion des hommes, autorise le commerce, mais n'est en lui-même rien de commercialisable ou de technique .

P.S :


Pour tenir parole, je résume :
Pour le Système, la séparation moderne de l'ontologique et de l'axiologique permet :

1-L'extension indéfinie du domaine de l'arraisonnement, du marché ;
2-En proclamant le caractère arbitraire de la valeur, du jugement de valeur, d'exercer au nom de la liberté un brouillage massif, et une culpabilisation, de toute résistance argumentée à l'extension du marché .
La « gauche » est aisément noyée par cette distinction qui lui paraît moralement souhaitable, politiquement correcte, dans un souci d'égalité des hommes, qui semble passer par l'égalité de valeur des « jugement de valeur ».
Cette séparation entre jugement de valeur et jugement de nature qui paraît être une question abstraite, épistémologique voire métaphysique, est bien une partie fonctionnelle efficace du système général . CQFD.

Enfin la propriété est un relatif qui répond de son pôle opposé, le propriétaire, ou « la personne » . (voyez l'expression juridique de « personne morale ».) Ce sera l'objet de la prochaine étude, le statut moderne de la personne propriétaire du monde .


Mission historiale du prolétariat spirituel .


(http://www.stalwart.ru/en/)

Après les mouvements de révolte de la génération à 7OO euros en Grèce, diverses "actualités"(je remercie le Nouvel Observateur) invitent à reposer la mission historiale de ceux qui ont reçu en partage le développement -quasi pathologique eu égard à la nature de l'homme - d'outils intellectuels adaptés aux besoins du Système, (je parle des étudiants, et particulièrement des chercheurs), mais sont nus, démunis de toute possibilité d'exister dans le réel du Système lui même, qui ne reconnaît que la puissance, le nombre de cylindres en l'homme : le prolétariat spirituel .

Les énormes tensions matérielles, morales et spirituelles qui pèsent sur ces individus parcellisés et oppressés bien au delà des oppressés officiels du spectacle, les "femmes", les "communautés" et les "animaux de compagnie abandonnés"les portent à des extrémités individuelles, sans leur offrir de capacités de révoltes authentiques : car ces individus hautement compétents et spécialisés sont dépourvus, ont été dépourvus volontairement, des outils qui leur permettrait de penser lucidement leur monde, pour y être quelque chose, et non pas rien .

Dépourvus de capital social, financier, immobilier, de terres pour y habiter, de tradition et de racines, ces individus ne peuvent qu'être locataires du monde, à jamais mineurs, obligés de demander au propriétaire pour bâtir l'espace d'une vie, et dépendants de leurs parents, ou de la société matriarcale moderne . Dépourvus de moyens de s'affirmer seuls sur le marché sociétal, dépendants encore de la machinerie humaine du Système, ces individus doivent accepter de modiques salaires et des tâches, soit ingrates, soit inadaptées, soit encore proches du travail de contrôle social matriarcal, qui ainsi devient leur tâche, au nom de la Morale . De sorte que leur révolte contre le Système se met encore au service du Système . Il en est de même pour ceux qui dans la recherche ou les jeux vidéos, trouvent une place grâce à des activités compensatoires . Mais le combat doit se mener dans le réel, et non dans la no-life des addicts.

Ajoutons à cela que les « jeunes filles », le stock de femmes disponibles par génération, restent très lucidement, mais hors de toute raison explicite et obscurément (ça ne se pense pas, ne se dit pas ces choses là!), attachées à la puissance sociale qui leur apporte « la libération de la femme », c'est à dire à l'extension du domaine de la lutte . La valeur des hommes de cette catégorie sur le marché du sexe, à la fois pauvres et pénibles, « pas concrets », est très réduite . Qui veut d'un pauvre thésard névrosé, maigre et pâle, à côté du bling-bling d'un journaliste aussi demeuré soit-il, d'un chirurgien opulent, ou d'un commercial ignare et fortuné ? C'est pourquoi la misère sexuelle est un autre lot de cette race, et le principe du chef de la horde, c'est à dire de l'oligarchie et de ses proches cercles, qui se réservent le monopole de la jouissance doit-il être bien compris d'eux, pourvu qu'ils affrontent l'amertume de la vérité .

Dépourvus de liberté d'esprit, ces individus sont intoxiqués par l'idéologie racine, culpabilisés, névrosés, hypersocialisés, incapables aussi de connaître la félicité de la bête féroce-le loup- et du Saint . On rencontre chez eux toxicomanies, addictions, dépendances, militantismes manipulés, tartufferie...rien pour eux n'est vierge, saint, net et propre, rien non plus teinté d'obscurité : tout est empreint d'une mièvrerie et d'une fadeur qui fait de leur vie la vie des fantômes de l'Hadès . Ces individus atomisés sont humiliés : matériellement, sexuellement, spirituellement, et symboliquement, car même leur humiliation ne reçoit aucune reconnaissance, y compris d'eux-même . Car le plus souvent enfermés dans leurs spirales pourries, dans leurs sous-idéologie carcérales, ils se vivent comme responsables de leur sort, ce qui est vrai, et comme des nullités, ce qui est faux . Le mal n'est pas de dépendre de l'Un indicible, mais de dépendre d'autrui pour sa vie et sa dignité d'homme - dont la common decency est la conservation dégénérée .

On sait en Occident depuis le citoyen athénien comme dans l'âge féodal, qu'il n'est pas d'homme libre sans autonomie matérielle, sexuelle et reproductrice, et défensive, c'est à dire militaire . A Athènes, le salarié ne pouvait être citoyen, le citoyen se devait d'avoir une femme, et enfin l'homme qui ne combattait pas perdait la citoyenneté . Celui à qui cette autonomie est refusée ne peut entrer dans les liens d'alliance, analogues à l'alliance première, car il ne peut ni acceuillir son frère, ni le défendre, ni être parent : l'hospitalité envers l'homme inconnu, la solidarité dans le combat, le soin et la défense de sa progéniture sont des devoirs envers autrui, l'autre l'être humain image et ressemblance de l'Un, comme envers moi-même . Le droit le plus élevé est le devoir envers soi même-même, devoir d'être un être humain envers l'être humain .

Car celui qui a besoin de la société pour nourrir les siens, pour abriter, pour se défendre dans toutes les circonstances, celui qui est empêché de tirer vengeance des affronts qu'il subit, perd sa dignité, à ses propres yeux . Mieux vaut la mort que la perte de la dignité : tel est l'amer message des vies passées . La vie est la mesure de la liberté véritable . L'esclave n'est rien d'autre que celui qui a préféré la vie à la liberté, qui actuellement préfère la vie . Et tout les hommes de l'Âge de fer sont plus ou moins teintés d'esclavage .

Et pas seulement dans l'habitat, ou dans le travail . L'inflation du juridique et de l'éducatif, la fin des peines afflictives pour celui qui a commis un crime de sang est aussi la perte du sens de la dignité humaine tant pour les victimes que pour celui qui a commis le crime . A celui qui a perdu un enfant par meurtre, à celle qui a subi un viol, la faiblesse de certaines peines et la considération pour le coupable sont le mépris de sa dignité . Si un enfant est victime d'une grave agression, qu'il se plaint à des adultes de confiance, et que cette plainte est traitée à la légère, et que le coupable ne reçoit pas de châtiment, l'enfant perd confiance en lui-même, en les adultes, en la justice : c'est une maltraitance plus grave que l'agression première . Une telle société ne peut éduquer à la droiture, à la solidarité et à la fidélité : c'est pourquoi elle les méprise jusque dans ses représentants les plus élevés, c'est pourquoi elle est proprement indécente . La gravité des peines anciennes est à la mesure de la rage et du désespoir que provoquaient la moindre insulte dans les sociétés traditionnelles, et de l'obligation fatale de la vengeance qui s'y attachaient . Beaucoup d'adultes subissent une telle violence symbolique, le mépris ostensible de leur peine, de la part de la société matriarcale moderne .

La liberté ancienne est une liberté d'autonomie de la dignité, et donc d'ascèse du désir, non par principe mais au nom des finalités supérieures de l'homme, de son principe directeur. C'est au nom de cette autonomie ascétique, garante de la liberté que Diogène se masturbait publiquement, en regrettant de ne pouvoir se nourrir en se frottant le ventre . Le Cynique, comme les Stoïciens veulent obtenir la liberté, l'indépendance des dieux en perdant leurs désirs et leurs appétits qui les asservissent :

« En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,

Nous passons près des rois tout le temps de nos vies,

A souffrir les mépris et ployer le genoux (...) »

(Malherbe)

Ils ne cherchent pas la liberté en satisfaisant leurs pulsions comme le prône l'illusion moderne, qui réserve la liberté à ceux qui jouissent de la puissance matérielle . Le Système instrumentalise le désir de liberté, ce devoir, cette nostalgie de devenir adulte qui se love au cœur de l'être humain, comme désir d'assumer l'humanité ; il se sert de ce que l'homme a de plus haut pour en faire de la boue, de la boue qui scintille comme l'or trompeur de la cité d'Eldorado, ce mirage terrestre pour lequel furent sacrifiés des milliers d'êtres humains, finalité qui pris comme moyen la proclamation morale de la fin des sacrifices humains . La mort de l'Indien et de l'Africain dans l'air étouffant des mines du Potosi, sous la gifle du fouet et les entraves, a été la première œuvre de la libération moderne, avant la libération du prolétariat dans l'URSS de la Grande Terreur, la libération de la femme, et aujourd'hui toutes les libérations qui s'accumulent et qui ne se distinguent plus dans l'infernal désert moderne .

Les appétits portent des fouets qui asservissent l'homme : telle est l'iconographie traditionnelle, qui n'a rien de puritain . Le puritanisme n'est le rejet du désir qu'en tant qu'il favorise le sérieux, ce que Stendhal appelle le cant, c'est à dire l'asservissement à l'entéléchie . Quand l'entéléchie plus avancée a besoin de consommateurs ivres de pulsions, le puritanisme appelle à jouïr sans entraves sans cesser d'être puritain .

Le Système asservit les humiliés par le désir, par l'excitation du désir et l'amertume se son assouvissement corrompu, pornographique et explicitement décevant . La puissance du savoir sans maîtrise, la science de l'étudiant brillant, n'est que la science de son abjection propre, de son indignité . Ainsi indigne, l'homme spirituel est-il assez humilié pour s'asservir ou se nier dans son essence . Et cela est conforme à l'entéléchie du Système, comme terrorisme, militantisme, ou adhésion au matérialisme idéologique et axiologique de l'idéologie racine .

Comme autrefois, comme ailleurs, voyez particulièrement les possédés de Dostoïevski, ces individus sont hantés par la tentation du terrorisme et du nihilisme, de la destruction rageuse et brutale de celui qui est pris dans les voiles de l'étouffement sans recevoir la bénédiction du combat et de l'affrontement censé à la mort . La tentation terroriste grandit dans les stupeurs cérébrales des intellectuels modernes ; terrorisme du psychotique isolé ou en groupe qui massacre ceux qui lui refusent une reconnaissance qu'il est incapable de gagner ; terrorisme sur le modèle islamiste, spectaculaire, nihiliste et suicidaire, ou terrorisme romantique et désespéré des « autonomes », tous ces modèles ont en commun l'usage plus ou moins artisanal de la violence pour ouvrir le couvercle de fer qui pèse sur les souffrances modernes . Il a déjà été question de ce terrorisme, ici et ailleurs, et je renouvelle l'avertissement de Nada, de J.P Manchette, ce roman qui a quelque chose de l'essai définitif à l'usage de la guerre métaphysique... :

« Le terrorisme et la terreur d'État sont les deux mâchoires du même piège à cons (...) »

Le terrorisme est en effet le carburant de la répression du Système, le prétexte idéal de la destruction des garanties humaines de la loi, les fameux droits de l'Homme, si gênantes pour le déploiement ultérieur du Système, après l'avoir servi en détruisant des obstacles à ce même déploiement en d'autres cycles historiques . De plus, en tant qu'usage de la puissance matérielle, et je rappelle que l'industrie du Spectacle des « Actualités » est le produit, autant que le moyen, du déploiement de cette puissance, le terrorisme est au service de l'entéléchie générale du Système . Autant que « le travail social », le terrorisme est une face du Système général – et c'est pour cela qu'autant de moyens sont consacrés à le chercher, c'est à dire parfois à le susciter . Ajoutons pour finir que la comparaison à la résistance nationale de certains peuples n'est pas valable, car la résistance authentique est d'abord militaire et secondairement spectaculaire, très secondairement voire pas du tout – alors que la nullité militaire des actions terroristes est évidente, même si la distinction dans les guerres modernes perd, il est vrai, de sa clarté .

Le terrorisme est la négation essentielle de l'homme spirituel autant que l'asservissement ; plus exactement, le terrorisme est un état de l'asservissement, de l'aliénation de l'homme noble de tendance guerrière dans le monde moderne . Aliénation de l'homme noble, du guerrier, il est d'autant plus trompeur pour celui qui est imprégné de cette teinture : il est une tentation vertigineuse . « Arrière, Satan ! ». Mais il en est bien d'autres pour l'homme spirituel prolétarisé de l'Âge de fer .

Ce prolétariat spirituel en effet, certain voudraient en faire leur marché pour exister dans le Système comme opposants officiels, comme le NPA, qui ne porte son nom que comme une dérision de sa réalité, n'étant ni nouveau, ni anticapitaliste, puisque demandant la libre circulation des personnes et l'expansion de la société de consommation par l'augmentation des salaires . Mais le NPA est anecdotique, comme tout dans le règne de l'anecdote ; il est, pour parler comme Tiqqun, la jeunefillisation du parti révolutionnaire, celui qui veut être télégénique, « concret », sexy pour tout dire . De nombreux « activistes politiques » voudraient, croient utiliser le Spectacle, et sont pitoyablement utilisés par lui, comme pittoresques et distrayants s'ils sont « gentils », épouvantails de paille s'ils sont « méchants » ou « ridicules » (même la télévision la plus sotte a ses limites...), et en tout comme éléments de divertissement et de construction d'un monde de marionnettes et d'ânes ne portant personne, et surtout pas de héros, sur leur dos . A titre d'exemple, je citerais « les cyclistes nus », qui manifestent nus, c'est à dire en short, avec leur VTT pour des « causes humanitaires » . Zizek remarque fort pertinemment que l'humanitaire et le militaire sont les deux faces de la guerre d'oppression, d'extension du Système moderne . Les fragments de la Bretagne catholique et celtique ont été détruits autant par les armées royales dégénérées puis surtout révolutionnaires, que par les écoles où il était "interdit de parler Breton et de cracher", et interdit de prier. Libérer par la force reste un oxymore moderne classique, comme développement durable . Ceux qui demandent à la Turquie de reconnaître le génocide Arménien devraient y réfléchir. Que l'on ne s'étonne pas après de voir les "talibans" afghans dynamiter les "écoles"des missionnaires anticolonialistes "humanitaires"...la forme et le contenu des écoles d'un pays appartiennent à son peuple et à ses maîtres légitimes .

Autres militants flamboyants, les « femmes à barbe » mettent des fausses barbes pour poser sur des photos pour des « causes féministes » . Je dirais tout à l'heure ce qu'il y a à en dire : c'est fait . Enfin certains happenings de l'« Art contemporain », « interrogent profondément » des « thèmes modernes », c'est à dire des préoccupations spectaculaires . Tout cela montre un désert symbolique qui pourrait effrayer des âmes sensibles, un narcissisme proche de l'acarus sarcopte, qui produit la gale, et un âme végétative (guère plus) entièrement informée par les réquisit de la société du Spectacle . Alors pour en sortir...c'est la « rébellion » du fou du Tyran, des femmes d'Aristophane . Pour conclure par une comparaison au terrorisme, si celui si est le piège du Spectacle pour l'homme noble combattant, l'activisme médiatique est le piège de la grenouille de la Fable, le piège du serf envers son asservissement, un spectacle somme toute assez répugnant, comme le chien qui revient vers les charognes qu'il a vomies...

D'autres enfin - déjà beaucoup plus intéressants - voudraient faire du prolétariat intellectuel une classe révolutionnaire, comme les penseurs de grande envergure qui se sont réunis à Londres pour proclamer le retour du marxisme .

Je cite « le Nouvel Observateur »n° 2317 p 100 sq :

« Trois jours durant, du vendredi 13 au 15 mars 2009, les plus prestigieux noms de la philosophie politique radicale mondiale, de Slavoj Zizek à Alain Badiou, Toni Negri, Michael Hardt, Jacques Rancière et bien d'autres, se sont réunis à la Birbeck University of London, afin de réfléchir en semble à un avenir possible pour l'idée communiste (…) « on the idea of communism »(...) une foule spectaculairement jeune et attentive venue d'Europe entière avec carnets de notes (pas de portable?) canettes de coca light et Caméscope high-tech (…)

Deux conditions sine qua non déterminaient la présence des intervenants . Être disposé à envisager positivement un renouveau de l'hypothèse communiste aujourd'hui, et n'être le porte parole d'aucune formation politique . Non à la militance d'arrière garde (…) [sauf exceptions] la totalité de la gauche intellectuelle radicale était représentée (…) et ce jusque dans ses nuances les plus irrémédiablement opposées (...)»entre T. Negri, auteur d'Empire, « référence théorique majeure pour tout le mouvement altermondialiste (…) ardent promoteur du oui au traité constitutionnel européen (...)[et Badiou ou Zizek, qui au moins ne sont pas si ouvertement libéraux]. Negri (…) incarnent en effet une sorte de Deleuzisme mutant, (...)qui tend à envisager avec empathie certaines formes du capitalisme avancé comme une possible production de « commun », le paradigme de cela étant fourni par internet . (...) »

On a envie de faire toute sorte de commentaires...d'abord, dans cette gauche radicale, y avait-il Michéa? Tiqqun ou un post-situationniste ? Le radicalisme est-il l'apanage du « communisme »? L'altermondialisme est-il radical ou cup of tea de bobos ? La mondialisation est-elle la production du communisme, merci Negri ? Badiou doit-il vraiment parler avec Negri et d'autres docteurs Pangloss ? A-t-il été pris en otage ? A-t-il subi des mauvais traitements lors du tournage ? Ou encore on pense plus simplement la fameuse réplique librement traduite de Bruce Willis, un modèle d'intellectuel moderne, dans Pulp Fiction :

« putain merde! putain, c'est pas humain d'être aussi con ! »

Comment se vouloir communiste et héritier de Marx en refusant tout représentant de parti ou mouvement politique ? Ce qu'étaient Marx, Lénine ou Che Guevara? Pour les conneries des mutants post-deleuziens, voyez C. Lash, « Culture de masse ou culture populaire », chez Climats, qui prouve qu'un petit texte suffit à répondre à des flots, des déluges de sottises post-modernes, même les plus dégoulinantes .

Le marxisme peut-il renaître ? Est-il si radical, représente-t-il plus la rupture que le néolibéralisme ? C'est la dernière question de fond que je pose, après avoir traité du désir de reconnaissance spectaculaire des prétendus ennemis du Spectacle, terroristes comme exhibitionnistes narcissiques limites qui instrumentalisent la répugnante moraline politiquement correcte des modernes pour « passer à la télé » eux aussi, si dépourvus soient-ils .

Le marxisme a un point commun avec la fascination du Spectacle : il est, par son matérialisme et son versant positiviste chez les sots, la négation théorique de la puissance de la production idéologique, voire du spirituel, même aveugle à lui-même . Le marxisme a cependant et contradictoirement avec lui-même un point de différence hiérarchique qui le rend déjà indéfiniment supérieur aux précédents, c'est qu'il est l'affirmation pratique de la supériorité du travail du concept, de la « patience » du concept . La puissance du marxisme pour penser le monde moderne est déjà bien au delà du panglossisme borné de la plupart des « philosophes » de gauche, si « radicaux » soient-ils . En effet, le marxisme est dialectique, c'est à dire qu'il est capable de penser, il l'a été dans les œuvres majeures de l'école de Francfort, comme la « dialectique de la Raison » ou bien plutôt des « Lumières », le négatif, la formidable négativité à l'œuvre dans le développement progressif de l'entéléchie, négativité non manifestée, obscure dans l'obscurité, et primordiale, qui ne peut être mise en évidence qu'à la lumière des grandes exigences des civilisations humaines précédentes, exigences qui montrent l'abîme que l'on appelle « progrès de l'homme », et qui tend à en faire, à la limite, « un peuple de démons » en « paix perpétuelle », c'est à dire incapable de se penser comme "misérable, aveugle et nu" et donc d'aspirer à être plus, à être moins envahi par le vide .

Pensez-y, amis, le Système s'est imposé par ses think tanks, par ses société du Mont pèlerin, voyez à ce sujet l'excellent grand bond en arrière de Serge Halimi, complément contemporain du meilleur des mondes possibles . Le Système lui même connait le caractère stratégique de la guerre idéologique, qu'il appelle en lui-même « guerre cognitive » . Marx lui a consacré sa vie . Et cela pour développer la thèse du matérialisme dialectique, le caractère déterminant du mode de production matérielle, le caractère superstructurel, adjacent, de l'idéologie – que Michéa, on l'a vu, a lui même abandonnée ? Cette thèse est directement issue de l'idéologie racine dans sa forme du XIXème siècle, du matérialisme positiviste dominant alors le monde scientifique, lié à la fascination pour la science physique de paradigme newtonien-laplacien, déterministe, atomiste, qui fait de la conscience un épiphénomène du cerveau, de l'homme un épiphénomène de la sélection naturelle, de la liberté une apparence trompeuse du déterminisme de la matière cérébrale, du symbole une fiction, de la culture un masque de la barbarie réelle issue de la sélection naturelle, ou une superstructure illusoire de la réalité matérielle de la race, etc, etc, à travers une indéfinité d'analogons idéologiques de cette structure hiérarchique inversée, en miroir du platonisme, structure plus tard identifiée chez Nietzsche par Heidegger .

Pour faire court, le matérialisme dialectique est contradictoire avec la dialectique, avec la propre pratique des marxistes, avec l'expérience historique du libéralisme, mais parfaitement conforme à l'idéologie racine du Système . A ce titre il n'en n'est qu'une variante, comme l'URSS fut le miroir des USA lors de la guerre froide, dans la maximisation du déploiement de la puissance matérielle et la répression des spirituels, de manières il est vrai distinctes, par la police et la peur, ou par le bruit au sens de la théorie de l'information et le marché - le résultat étant sans doute pire pour nous, qui ne pouvons affirmer sans ridicule un statut de dissidents, de refuzniks, faute d'être pris au sérieux...pensez-y, amis ! Si vous argumentez que notre système de répression est plus humain que celui de l'URSS, vous soutenez implicitement que le chauffage et la soupe sont des bontés suffisantes et que la pensée est un luxe évitable, et qu'il vaut mieux parler dans le vide que parler aux murs...Boulgakov, Soljenitsyne, Pasternack n'ont-ils pas été pris plus au sérieux par l'URSS que Rimbaud, Lautréamont et Van Gogh par la République ?

Ce que je voudrais vous faire voir, mes amis spirituels, vous qui sentez bien que vous êtes étrangers à ce monde, c'est que toutes ces solutions qui vous sont offertes sont des images issues du miroir que vous tend le Système, qui vous montrent votre nullité, votre inutilité concrète, irrécupérable justement par le Système et qu'il tend à montrer comme une irrécupérabilité absolue, afin que vous deveniez autonome au sens sinistre du mot, portant en vous même le jugement mortel du Système et son entéléchie .

Toutes ces solutions posent implicitement la nullité du travail conceptuel ou spirituel . Le terrorisme ou le militantisme spectaculaire, qui vous poussent à abandonner ce travail abstrait, vide, sans prise sur le « réel », c'est à dire tout ce que domine le Système, pour devenir « concret », en brûlant un hôtel devant les caméras de TF1, 2, 3,etc . Foutaises, mes amis ! Et le marxisme, qui prône une idéologie matérialiste, directement issue de l'idéologie racine, tout en concevant la nécessité et la priorité de la guerre idéologique ; sans parler des lacaniens, de Zizek à Legendre, confrontés aux mêmes contradictions structurelles, entre la nécessité du symbolique, son caractère exténué dans l'ontologie implicite, et l'évidence de sa destruction, sans prise possible sur le « réel ». Foutaises là encore ! Le fondement de toutes ces contradictions est l'ontologie, c'est à dire la réponse que l'on donne à « qu'est ce qui est, qui existe et comment ? ». Simone Weil en a conçu elle même la nécessité dans ses dernières œuvres, et c'est là que je regarde aussi :

« Ce qui peut être évoqué, dessiné de la main de l'artiste, posé par une opération logique, nommé par les mots de la tribu, tout cela est né et a accédé à l'être.
Ce qui est devient une demeure pour l'homme, un foyer de sacrifices, un lieu où planter au profond ses racines, un centre immobile de sa liberté . »

Au sujet de l'ontologie, certes il y a Heidegger, mais lisez aussi parallèlement Quine, et Henry Corbin, et René Guénon . Vous comprendrez alors à la fois la relativité de l'ontologie et son rôle décisif, nodal, dans l'idéologie racine . La plus puissante résistance de l'homme spirituel n'est ni dans le Spectacle, ni dans la violence spectaculaire qui tire l'épée et coupe l'oreille du Grand-prêtre, mais dans son œuvre, dans le travail spirituel – ainsi Ramana Maharishi dit-il quelque part que sa contemplation fut plus que l'œuvre de Gandhi pour la sauvegarde de l'Inde ; ainsi les spirituels de l'Occident ont-il donné à leurs siècle leur physionomie intime – la deuxième hiérarchiquement est le travail conceptuel, plus accessible à l'homme moderne ; quant à sa puissance, que l'on pense que l'élaboration conceptuelle du XIVème siècle a donné sa physionomie aux siècles suivants jusqu'à nous, en tant qu'ouverture, inauguration d'un cycle historial qui trouve sa fin entre Stalingrad et notre cycle .

Mais ces travaux d'hommes nobles dans notre âge ne doivent pas faire oublier que la musique du musicien, la parole du poète, l'imagerie de l'artiste, sont plus, comme échec de l'entéléchie à totaliser et mesurer toute production humaine, que toute l'œuvre des post-deleuziens . La nostalgie poignante de la Harpe et la poésie irlandaise fut plus, dans la liberté de l'Irlande, que la lutte militaire légitime des leaders politiques .

Ajoutons que dans l'Âge de fer l'art peut présenter une intensité violente, une rage et un désespoir qui n'en font pas pour autant un élément assimilable du spectacle – voyez par exemple J Bosch, comme Discharge 4 (lien dans les blogs) , ou la musique industrielle, ou encore le trash métal dans ses formes radicales, qui semblent bien très difficilement assimilables . Cela pour dire que l'art de l'Âge de fer n'a pas d'obligations formelles, mais la nécessité d'une éthique de la négation ou de la dérision des formes de diffusion liées au Système : le double jeu est de toute façon la règle face au Cyclope .

J'affirme, moi Lancelot, que toutes les voies qui contiennent la négation de l'importance majeure de la fonction spirituelle, tant contemplative que rationnelle, sont des voies qui répliquent en elles la négation de l'idéologie racine. Que donc toutes ces voies sont des voies d'égarement, et qu'il existe pourtant une mission historiale du lumpenprolétariat intellectuel .

C'est la question de l'organisation encyclopédique . J'y viens.

Viva la muerte!


Identité et différence du Serpent.



Si je ne me tourne pas vers toi, je ne peux te ressembler .
Si je ne me tourne pas vers toi, je ne peut t'être étranger, ni familier, ni ami, ni serpent lové parmi les rêves, ni miroir de fumée,
Si je ne me tourne pas vers toi, il n'est ni image ni ressemblance .
Si je ne me tourne pas vers toi, il n'est pas de dissemblance, pas d'identité, pas d'amour ni de désir,
pas de liberté face au désir, pas de péché et pas de justification,
Si je ne me tourne pas vers toi, le monde se remplit d'un silence éternel et d'une nuit profonde comme la roche qui se plisse sur elle- même, dans la mine où murissent les métaux, lumières des ténèbres,
Si je ne me tourne pas vers toi, je suis tout puissant, créateur et fondateur du monde, immortel l'espace d'un instant mortel,
Prince solitaire d'un phare qui pleure de son œil borgne sur les vagues du néant,
Empire indéfini, porteur d'eaux de ténèbres, fluantes des mondes souterrains,
Un monde qui se referme sur moi comme une toile arachnéenne portée par le vent,
Un monde qui n'est autre que par moi, moi et mes ténèbres qui sont encore moi, une eau nocturne que j'ai voulu saisir à pleines mains .
Tu peux attraper l'oiseau, tu n'attraperas pas son vol,
Tu peux dessiner la rose, tu ne peindras pas son parfum .
Je peux maîtriser le corps mais pas la volupté de l'âme .
Si je ne me tourne pas vers toi, l'espace et le temps ne trouvent pas de fin,
Si je ne te trouve pas je ne me trouve pas, si je ne me perds pas, je ne te trouves pas,
Je me cherche sur ta peau et parmi les baisers de ta bouche que j'opère,
Faon errant dans les sous bois sont tes seins sur la dentelle .
Si je te fuis c'est sur la route de la baleine, parmi les effluents de la Lune glissant sur les vagues phosphorescentes comme l'huile parfumée parcourant la peau depuis l'aisselle, le sein lisse, le ventre pensif, l'aine accueillante des mondes,
Mon corps tournoyant monte vers l'Abîme, dans les algues emmêlées comme une chevelure .
Si je te cherche je m'égare hors de moi-même, si je te cherche je t'avais trouvé autrefois,
Si je te cherche je t'ai déjà trouvé, ô délicieuse mélancolie du vaisseau avide d'horizon
Qui retourne au monde des morts, déployant sa voile de ténèbres sur la face du ciel .
Car tu es là au commencement, tourné vers l'orient, la face des crépuscules avides de ténèbres du Loup, les doigts de rose des aurores rêvées par les hommes, toujours déjà recommencé, immense comme la fleur infime,
Image je m'oriente, entre Fenrir et la Rose, et je te tourne le dos dans l'énigme .
Tissage vide indéfini, formes spectrales couvrant l'Abîme,
Alliant la cruauté du cercle au labyrinthe de la droite indéfinie,
Rayon de Lune reflété au fond des facettes du Dragon,
A la frontière je me suis tourné aveugle en cherchant le miroir, le miroir qui est mien et tien d'une Alliance insoluble
Et Étoile, déchirure dans le voile du ciel, rêvant l'annonce de la mort du Maître de maison .

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova