Pont oriental – occidental, comme cercle de l'origine et de la fin . Collage sémantique, à Hafez .

(FB boobs)



Ces textes ne sont pas revendiqués par un nom ou un prénom ; sont tissage de fils au gré de la Lune. La parole des sages produit de l'Être. Puissent-ils, en un collage, et orientés vers la seule unité qui vaille, être une gifle aux impuissants qui prétendent à une rente au nom du « droit d'auteur », auteurs qu'ils piétinent et aspirent comme des vampires .

À Hafiz . A Goethe . A Guillaume d'Aquitaine . A Shakespeare . A Bulatovic . A toi .

Ce que veulent tous les hommes, tu le sais et tu l’as bien compris, car, de la poussière jusqu’au trône, le désir nous tient tous dans sa rigoureuse chaîne .

Les hommes croient vouloir ce qu'ils veulent, mais le sage sait que le désir veut, et non l'homme qui se rêve fondateur .
L'homme est poussière, et son ego est poussière de poussières .
Le sage contemple la vacuité comme une mer au soleil du grand midi .
Un autre sage, ô rose des délices, désire le désir, et ne veut ce que veut le désir .
Il veut le désir, même quand le désir est vin de tristesse et de mort, car ce vin de tristesse est comme le soleil qui fit brunir la Sulamite .
C'est là ta sagesse, ô Hafez ! Elle t'a choisie . Quel mortel peut prétendre la partager ?

Cela fait tant de mal, tant de bien ensuite ! Et le bien ne saurait être mesuré au mal .
L'homme n'a pas plus de pouvoir sur lui-même que sur les faces mouvantes de la lune dans la brume des tempêtes d'hiver . Il naît tel, vidé de sève, de sang et de souffle, déjà mort, ou avide de vent comme le loup, être de tempête, de la race des bardes et des sages . Empédocle mit son cœur dans la haine insensée . Qui pourrait s’en défendre ?

La vie doit-elle être sacrifiée à la crainte du mal ? Le feu peut-il vivre de craindre la cendre ? C'est là le vœu secret des âmes pas assez hardies, ou de ces ailes puissantes, luisantes d'étoiles, que le feu terrestre ne dévore pas d'une douloureuse jouissance . Que l’un s’y rompe le col, l’autre persiste hardiment . Telle est la race des hommes, telle est la race des saints, telle est la race des poètes, ô Hafez .

Maître, pardonne-moi ! La sainteté ne m'a pas choisie, mais le sang qui s'écoule vers la terre . Tu sais que souvent je m'aventure, quand elle entraîne les regards après elle, marchant près du Cyprès .
Son pied rase la terre comme des racines menues, et caresse le sol sans s'y fixer ; son pied est frère des refuges des déserts .
Ô nulle part sur terre je ne pourrais trouver la paix, si mes pas ne se placent dans les signes de tes pas .
Aujourd'hui je suis triste jusqu'à la mort, car je regarde les étoiles sans toi . C'est cette tristesse éblouissante qui est la face cachée du Soleil, ô Hafez !

Maître, pardonne-moi ! La sainteté ne m'a pas choisie, mais le sang qui s'écoule vers la terre . Pourtant je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé, et je meurs de soif et je défaille au souvenir de tes baisers .
Qu'importe d'avoir un ciel que l'Ange et le Dragon ne parcourent pas, comme les mains brûlantes parcourent la peau caramélisée .
Qu'importe d'avoir une terre, si ton souffle n'y est pas la brise parfumée s'écoulant des montagnes de l'horizon sur nos corps emmêlés !
Qu'importe la Splendeur visible, si le soleil intérieur ne me fait pas fermer les yeux .
C'est ce que tu enseignes, ô Hafez .

Son salut nous effleure comme un léger nuage, son haleine, comme une caresse de la brise orientale.
Nous sommes pressés d’une vague de brume et de désir, lorsque, anneau par anneau, sa brune chevelure déploie sa richesse et qu’elle enfle ses ondes et frémit au souffle du vent .
Elle est l'aile du corbeau de l'Orient, le reflet de l'Ange paon . Elle est celle qui veille au delà de la mer .

Puis le front blanc brillant, et ses épaules frémissantes comme le saumon sautant les chutes se découvrent, pour enlever toute aspérité de ton cœur ; elle dit les mots, et une chanson joyeuse, sans naissance, arrive à ton oreille pour bercer ton esprit .

Et qu’ensuite la rose de ses lèvres s’anime avec une grâce infinie, elle te laisse libre aussitôt de te mettre dans les chaînes des délices .
La peau qui enserre le corps se renverse en élytres de plumes indéfinies,
Le souffle est suspendu, l’âme vers l’âme s’envole ; des parfums circulent à travers la volupté, et passent, invisibles nuages .

Mais, quand l’ardeur est au comble, ta main saisit la coupe, le vert échanson accourt, le vert échanson vient et verse et verse encore .

Son œil étincelle, son cœur palpite, il espère sentir la voix des leçons de feu issues des laves et du souffre des volcans ;
Il espère, quand le vin coulera, comme une pluie de printemps, et exaltera ton génie hors des bornes des hommes,
Entendre encore les plus sublimes pensées, comme s'épanouit la rose du sexe sous l'afflux du sang, ou encore comme un écho du souffle originaire .

À lui homme par la pensée s’ouvre l’espace des mondes ; dans le cœur, ordre et salut ; la poitrine se gonfle, le duvet brunit : il est devenu un jeune homme .
Le vert échanson est éternellement jeune, poisson dans l'eau vive de la fontaine, au confluent des deux mers .
Il est devenu homme, c'est à dire plus qu'homme, une force qui va comme la rivière s'écoule .
Tel est le fruit de la fleur des paroles, éternellement dite comme la rumeur des eaux .

La rivière s'écoule...Les seules fleurs que j'aime à humer sont celles tressées dans tes cheveux .
Tes paysages, images des paroles des sages, sont les seuls fruits dont la sève sucrée doit couler dans ma gorge . Je n'ai pas voulu la guerre .

Réclame le vin, répands les fleurs, qu'attends tu du siècle ? C'est ce qu'à l'aube dit la rose . La rose est le miroir du Témoin .

Hiératique, Il est le témoin de la Splendeur ; et la beauté est son témoin . Ainsi tu ne rends pas témoignage à toi-même, comme la flamme du Sacrifice est le témoignage du Soleil Invaincu . Ainsi ce qui est en bas est comme ce qui est en haut . Ainsi se noue la boucle du Serpent dans les racines de ton cou parfumé . Ainsi l'intensité du feu de tes bras est celle de la déesse du soleil .

Et quand tu n’ignores plus aucun des mystères que le cœur et les mondes renferment, gracieux et fidèle, tu fais un appel au sage, pour qu’il en explique le sens . Que votre lien soit la chaîne d'Or de l'être . Le sage est comme le sabre, il est le tranchant infime des illusions et le miroir pour ta lumière . Expliquer est dérouler l'implication éternelle de ta propre vie, n'est rien d'autre qu'une des manières infinies de prononcer son Nom qui est le tien depuis l'origine .

Et pour que la protection du trône nous soit maintenue, et que le jardin nous reste ouvert comme aux vents de la rose - tu adresses au schah, tu adresses au vizir, une bonne parole . Gracieux et fidèle vassal !

Mais nul Roi ne réponds, nul roi …nous sommes au crépuscule, et le roi se meurt...pleurez, pleurez, fleur de chevalerie ! Le nord et l’ouest et le sud volent en éclats, les trônes se brisent, les royaumes tremblent : sauve-toi, va dans le pur Orient respirer l’air des patriarches ; au milieu des amours, des festins et des chants, la source de Chiser te rajeunira . Mais la source est tarie, ô Hafez ! Je n'ai pas voulu la guerre – je ne suis né que pour la gracieuse rose de tes lèvres...
Toute la joie du monde aux pieds de la Dame si nous aimons (…)
Que Dieu me laisse vivre tant que j'ai les mains sous son manteau...

À Dieu est l’orient ! À Dieu est l’occident ! Les pays du nord et du midi reposent dans la paix de ses mains.
Lui, le seul juste, il veut pour chacun la Justice. Que, d’entre ses cent noms, celui-ci soit hautement loué !
L’erreur veut m’égarer, mais tu sais m’en dégager . Quand le monde s'effondre, que j’agisse, que je médite, trace-moi le droit chemin .

Tous les maux de la terre ne résultent pas d'une injuste répartition des biens, des produits, comme l'affirme Marx, dont vous me prêtez les idées, mais d'une injuste répartition de l'amour...La poétisation ! La restauration des des significations primitives, la réalisation des mythes interdits, la rationalisation des mondes parallèles !
- (…) Combien cela coûtera-t-il?
Tout ne se mesure pas en marks...(...) je refuse d'admettre que c'est le travail, et lui seul, qui a fait l'homme . Car alors où sont les principes? Où est la justice? Il y a toujours un roi, vivant ou mort, peu importe . L'important, c'est qu'il y ait un roi quelque part . Sans roi, il n'y a ni royaume ni philosophie . Ni poésie . Ni hiérarchie !
-Alors, qui est le Roi ?
-L'homme (...) dont la tristesse est immense . (…) Le roi est un être véritable, un état d'âme, le seul être, qui a notre époque, s'exprime par une métaphore . Le roi est la dialectique !

Ô Hafez, gracieux et fidèle vassal de l'amour, comment être vassal sans ce Roi triste...C'est la tristesse de la mort dans le cœur du Vassal qui garde le nid du grand Roi à venir, comme la tristesse dans le cœur de l'amant garde la puissance de l'amour, des milliers de cercles célestes après la vision de Bethsabée par David . C'est le désespoir qui devient ma sauvegarde et le bouclier de ma foi . C'est le vide et l'atrocité qui rendent témoignage à la lumière, c'est Lucifer levant sa lance pour son père à la fin des temps .

Je n'ai pas voulu la guerre, la rage, la raison, la dialectique . Mais je mourrais de te perdre, ô toi qui marche près du Cyprès, je mourrais de te perdre, ô Toi souffle et feu des mondes qui brûle mes tripes à travers moi...Comment vivre dans les cercles de fer de ce monde de mort ? Mais qu'importe un ciel que l'ange et le Dragon ne parcourent pas ! Je n'ai pas voulu la guerre, mais le marteau doit s'abattre sur les fers de ce monde, la rage doit parler, je ne sais être autrement . Quand le monde s'effondre, que j’agisse, que je médite, trace-moi le droit chemin .

Je ne sais quelle heure je suis né
Je ne suis ni joyeux ni triste
Je ne suis ni sauvage ni familier
Et je ne sais être autrement
Je fut doué la nuit par une fée
sur un mont haut

Gracieux vassal, amant de la rose ! Ces choses, tu les sais et les chantes aujourd’hui, et demain tu les chanteras encore. C’est ainsi que tu nous mènes, aimable guide, à travers les amertumes et les douceurs de la vie, au crépuscule des mondes, comme jadis tu aspirais la rose par le souffle de ton cœur, à l'Aube des jardins .

(Autoportrait de moi-même par un autre, Jean François Lecourt)

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Zinaida Serebriakova