Platon comme loup et comme chasseur.

(Gorgone)


Depuis une ancienne tradition médiévale, des courants philosophiques présentent le divin Platon comme un rêveur, un pur, et un homme dépourvu de bon sens – un théologien. Un nietzschéisme mal digéré peut renouveler ce refrain ignorant, et donc tenace : Platon est la forme subtile, hellène, du christianisme ; il valorise des arrières mondes imaginaires, le monde des idées, et dévalorise le monde de la vie, le monde concret. Il fabriquerait des êtres sensibles et mélancoliques. Il serait contraire à tout savoir du monde.

Mais ces thèses ne sont que les filles de l'ignorance de Platon.

Platon, puritain sans subtilité ? Un des derniers grands platoniciens de ce temps fut Oscar Wilde. Son maître fut le platonicien Walter Pater, vérifiez. Sa conception de la métaphysique – la vérité des masques - ou ses propos sur la profondeur des surfaces sont clairement platoniciens. Platon, contraire à la science et à la raison ? Toutes les victoires étranges des physiques mathématiques depuis Galilée sont les victoires de mathématiciens travaillant dans un monde platonicien, un monde fait d'harmonies de nombres – que ce soient Newton ou Einstein.

Platon lui-même, comme son maître Socrate, ne furent pas des êtres détachés du réel politique. Socrate fut un Hoplite courageux et redoutable, un homme laid comme un bouc et séducteur de jeunes hommes. Platon a participé aux guerres de son temps et revendiqué l'amour des athlètes. L'amour platonicien ne fut jamais l'amour platonique des modernes. Il est un amour violent, sexuel, orgiaque, entre hommes, ou un amour absolu unissant les deux sexes devant l'éternité – un amour de chair solaire.

Ni Socrate, ni Platon ne furent des hommes de ressentiment. Platon est un aristocrate hostile, radicalement hostile, à la forme démocratique du gouvernement d'Athènes. Il n'a rien du précurseur d'un christianisme doloriste. Il n'appartient pas à la généalogie du puritanisme hypersocialisé moderne et de sa forme laïcisée dans les Gender Studies.

Platon est un homme sage pour les hommes d'action – un homme issu des anciennes races de loups et de chasseurs.

Dans le monde vécu, le matériau sensible en général est l'objet d'interprétation. Nous sommes un lieu de projections géométriques multiples. Le matériau sensible est indéfiniment interprété, et interprété par les signes du langage. De manière générale l'être humain, et plus encore l'être humain parlant, n'est pas sur la peau du monde, il en est éloigné, et fait des déductions sur des apparences, sur des impressions. Un maître de sagesse, et une démarche dialectique sur ces impressions et sur les paroles prononcées peut permettre de remonter lentement vers l'être – de devenir ce que l'on est, un miroir de l'être placé au soleil.

Pour Platon, l'homme est fait pour la vérité, mais il l'a perdue. Il est fait pour le soleil des dieux, mais vit dans les ténèbres : il est un nostalgique de l'âge d'or.

Dans les ténèbres de la caverne, la lumière apparaît comme ombre, et la ténèbre est un reflet du soleil invaincu. C'est l'ombre des mondes qui les fait voir à l’œil, organe le plus proche du soleil. Cette vision traditionnelle des ruses des contraires n'est pas dualiste, mais comme toute les traditions légitime, intégration des contraires dans l'Un.

Lors de la projection des ombres, un cercle peut être l'image d'un cercle, d'un cône, d'un cylindre. Une ligne peut être la projection d'une surface. Un point peut être l'image d'un immense axe vertical, l'axe du monde. L’ignorant qui l'oublie passe sur le point sans même ressentir la puissance des mondes assise en ce lieu. Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre : s'il ne connaît les règles infinies de transformation, de ruse des formes.

L'erreur ne vient pas des formes, mais des illusions de la vision de l'homme, de ses erreurs sur la nature des choses. Et la puissance qui protège de l'erreur – qui protège de l'arrêt de l'interprétation sur l'apparent immédiat, comme dit Héraclite, cet apparent qui fait voir le soleil de la largeur d'un pied d'homme – est l'imagination. Par l'imagination, la production des formes dans les ténèbres de l'âme, je peux deviner les formes réelles qui font apparaître des formes sur les murs de la cavernes – je peux comprendre que ce cercle est un cylindre ou un cône, que ce point infime est le point d'insertion des dieux dans le monde. Je peux calculer la taille réelle de la terre ou de la lune à partir des apparences – je peux régner sur le monde au lieu de sombrer, impuissant, dans l'illusion. Les idées, comme les nombres pythagoriciens, ne sont pas des apparences, mais des structures stables du monde fluent, insaisissable des apparences. De même que le soleil apparaît par son ombre, de même l'éternité apparaît par le Temps ; les cycles du Ciel, le mouvement des étoiles, sont des rotations, c'est à dire des figures qui font éternellement retour.

Ainsi le spectacle du Ciel étoilé est comme le spectacle de la caverne, l'objet d'une sagesse et d'une dialectique.

Ce qui apparaît est toujours partiel, déformé, et donc à interpréter, signe. Ce qui apparaît n'est pas le tout – le vrai est le tout. Le regard platonicien sur le monde est un regard de contemplation mais aussi de ruse : le monde joue des apparences, et se manifeste comme illusions et tromperies. Un loup regarde ainsi la forêt – telle masse sombre peut être un arbre, une proie, un ennemi – tout pour le chasseur est signe.

L'imagination platonicienne n'est pas une fuite dans un arrière monde, dans l’acceptation passive de la tromperie idéaliste. L'imagination platonicienne est une puissance, une force de l'âme, et une puissance de vérité. Dans le banquet, c'est le comique Aristophane qui raconte la parabole de l'homme originaire sphérique, hermaphrodite. Ce nom crée une distance, une autorisation à la fantaisie qui permet de revenir vers la vérité puissante de l'amour : l'art est ainsi une voie de la vérité. L'art parle sous contrôle de la vie.

L'histoire réelle des sciences ne peut ignorer la force de l'imagination scientifique, et c'est cette imagination qui est l’imagination platonicienne.

Enfin, il reste la politique de Platon - la lutte de Platon contre le Sophisme. Le Sophisme est lié à la forme démocratique du gouvernement. Celui qui parle à un autre homme – celui qui lui donne des signes pour interpréter le monde à nouveau – peut lui dire la vérité, ou lui dire ce qu'il pense devoir lui dire pour le faire agir à sa guise. Bref : la parole jetée dans l'arène politique peut être instrument d'asservissement et d'illusion. Sun Tsu dit : tout l'art de la guerre est fondé sur la duperie.

Si ce que je dis peut être l'origine de mon règne et que je choisis le règne devant les hommes face à – et plutôt que - la vérité, alors ma parole perd sa puissance de vérité – tout le langage de la Cité est dégradé, et les hommes s'éloignent des dieux et des poètes. Le Sophisme est bien le précurseur du Spectacle, second monde construit pour former les hommes soumis à l'ordre qui produit le Spectacle – soumission qui prendra dans ce monde illusoire la forme illusoire de la liberté. Forme illusoire de la liberté, parce qu'elle ne s'exerce – même si elle s'exerce réellement parfois, et cette part de réalité est un moment de la puissance de l'illusion globale – dans un monde qui, pris en totalité, est fondamentalement illusoire et construit pour manipuler.

Comme dit Debord, le Spectacle est un rapport de classe médiatisé par des images – c'est à dire, un dispositif global de domination dans le cadre du développement du Capitalisme. Ce dispositif global est aussi le produit du système capitaliste, c'est à dire d'un système social dépassant la domination pour aller vers l'exploitation massive des hommes. En soi, un dispositif global de domination n'est ni bon ni mauvais : il n'est pas une civilisation qui n'en aie développé – c'est l'objet de l'histoire. L'organisation des hommes, la langue, la civilisation en sont indissociables. Les conditions qui permettent d'articuler dans une langue et de diffuser des propositions condamnant toute hiérarchie organisant un groupe comprennent l'existence préalable d'une société hiérarchisée. Cette remarque est suffisante pour laisser de côté ce genre de discours, comme étant des produits de la déréalisation sophistique.

La particularité du Spectacle est d'être un dispositif de domination qui est parti historiquement du principe de la négation publique de la domination en général, c'est à dire d'un principe contradictoire avec la réalité d'un dispositif de domination quel qu'il soit, et donc en particulier avec le dispositif de domination mis en place « au nom des idéaux universels de liberté et d'égalité ». Ces Noms ont permis la mise en place d'un asservissement généralisé, et d'un projet impérialiste sans précédent. C'est dans cette énorme contradiction symbolique que réside la puissance qui met en œuvre les illusions du Spectacle – la plaie béante du règne doit être sans cesse recouverte de mystères et d'images.

Plus un secret est dangereux pour l'ordre, plus les mécanismes de déni doivent être puissants, et en puissance de violence. Cette remarque est valable de la psychologie individuelle aux groupes les plus étendus, en passant par les familles. La violence de répression dont sont capables les ordres libéraux est visible individuellement dans les hurlements et la haine individuelles qui apparaissent chez les militants de la tolérance quand un point du développement libéral rencontre un obstacle.

La légitimité juridique de la domination bourgeoise est basée sur « la liberté » et « la démocratie », et ainsi le capitalisme moderne est sans cesse dans l'étau de la double contrainte entre la soif indéfinie d'exploitation des hommes qui est l'essence même du capitalisme, et les besoins de la légitimation politique « démocratique ». Le système déploie alors une violence à la fois réelle, économique, en sortant du salariat des millions d'hommes pour les abandonner comme inutiles, et symbolique, en intensifiant jusqu'à la rupture la violence symbolique qui permet de construire une réalité seconde progressiste, quand la réalité première est la mise au pas générale des hommes à l'ordre du capital.

L'exemple chinois montre un capitalisme se développant dans le cadre d'une légitimation communiste. Je ne veux rien dire de plus en passant que la forme « démocratique » de légitimation du Capitalisme n'est pas essentielle à la forme capitaliste de l'exploitation – les principes démocratiques ne sont rien de plus qu'un instrument du développement économique – ils sont une écume de cette histoire. Les vérités du Spectacle ne sont rien de plus que les moments du faux général, des moments de l'histoire de l’exploitation. Les leurres nous invitent sans cesse à lâcher la proie pour l'ombre, et le moins que l'on puisse dire c'est que les leurres fonctionnent massivement, permettant aux masses urbaines déracinées de se redonner une identité dans le cadre du Récit progressiste, où ces individus retrouvent une existence en oubliant sa mise en scène. La mise en scène est comme la structure qui gonfle le vide, et qui donc doit être rendue invisible. Ainsi une actrice qui joue des rôles positifs au cinéma peut continuer à les jouer en dehors de ses films, et devenir chargée de mission de l'ONU dans le monde que le Spectacle présente comme réel, et qui apparaît comme une dépendance du monde que le Spectacle présente comme irréel. Ainsi le Système peut produire le réel, puisque le réel n'est plus rien d'autre que ce qui n'est pas issu des mondes virtuels.

Les salariés arrachés à toute réalité vivante par le morcellement du travail et l'imprégnation spectaculaire se croient parés de grandes vertus, ce qui est bon pour leur ego, à tel point que peu d'hommes les refuseraient dans leurs miroirs trompeurs. Et dans le Récit, par leur générosité et leur ténacité face à des méchants, ils accordent des droits supplémentaires à des catégories opprimées, solidairement avec les maîtres. Ces mêmes maîtres qui organisent pourtant l'exploitation globale, et donc l'exploitation de ces mêmes individus, dans une réalité qu'ils préfèrent ne pas voir – et qui est invisible sur les écrans de contrôle du Système.

Le capitalisme réel est producteur d'exploitation et donc d'exploités. Sans cesse, les hommes de l'idéologie rencontrent des exceptions à leur principe de non-domination globale ; et à chaque fois, le choix se situe entre l'abandon du principe d'irréalité et le renouvellement de constructions symboliques construisant le déni de la situation de domination réelle. Et le choix est toujours l'aggravation du déni, une lente dérive loin du monde immédiat, une intensification de la scission spectaculaire. Les hommes du Spectacle de cessent d'utiliser la force pour interdire l'usage de la force – ils ne cessent de créer de nouvelles interdictions pour assurer la liberté.

Dans le Spectacle, tout ce qui immédiatement disponible est une médiation trompeuse – toute l'information qui me parvient comme une évidence par les médias, cette construction fluente d'un monde fluent, d'un Récit fondamental fait de progrès constants, avec ses problèmes bien identifiés, incontestables – est une tromperie globale, une chimère faite de fragments désarticulés de vérités. Et c'est d'abord en admettant la chimère globale, et en partant des problèmes bien identifiés à l'avance, que je peux revendiquer une liberté ; c'est en me soumettant à ces cadres à partir desquels - et seulement à partir desquels - il est permis de s'exprimer.

La liberté d'expression que l'on nous vend est un jeu dont les règles nous échappent, sans cependant échapper à tous les hommes. C'est pourquoi cette liberté est une fiction dans le cadre général d'un dispositif de domination qui vise l'invisibilité.

Loin de la liberté du Citoyen, le Spectacle est la construction du monde qui fait de la liberté une illusion vécue – une caverne. La dialectique n'est pas négation, mais intégration du monde : le spectacle fait partie de notre monde, et nous avons à vivre avec. Négatif n'est pas mépris : l'ombre manifeste la lumière à qui sait voir. Au fond, Nietzsche fut un grand platonicien – et il l'a compris au fil de sa vie.

Platon est là pour dire à chaque fois, en clignant des yeux : tu laisses la proie pour l'ombre.

C'est uniquement en ce sens que l'on peut dire que le monde moderne est une défaite de Platon. Mais nous, nous pouvons plus que jamais être platoniciens. C'est ainsi que nous pouvons avoir la puissance d'imagination des sorties des labyrinthes faux et menteurs du Spectacle. C'est ainsi que l'errance des souterrains peut devenir une marche sur un rayon de lune.

Les vérités de la métaphysique sont la vérité des masques.


Vive la mort !

Hymne orphique à Khezr le Vert.

(Khezr)


Par la terre
Chair des mes ancêtres
J'y plongeais mes doigts tel l'enfant et
J'y retourne
La terre rouge
La terre odorante
La terre nourricière des forêts des fleurs des parfums
La terre des métaux et du sang versé
La terre de toutes les guerres
Les plus nobles et les plus folles
Par l'espoir fou comme le désir vibrant au soleil vertical
Par les pas des maudits
Par la marche de l'exil
Par la chair, terre des hommes
Somptueuse comme une vallée au soleil et
Puits de l'angoisse, de la douleur et de la mort
Fissure entre les roches où erre et hurle mon âme
Par la terre des racines
La terre des morts et des souvenirs
0ù coulent nos larmes
Où roulent nos rires
Les eaux du Déluge
Et les cris des enfants et des
Animaux
Par la tristesse des bêtes
La fleur d'or et le pas du Satan

Par l'eau
Rosée sur la Rose
Sang coulant dans les veines
Vapeur sur les lèvres au vent d'hiver
Eau sur ton sexe et eau fertile
S'écoulant sur ta cuisse
Par le vin et le jus des grenades
Eaux de nos baisers de feu
Par les eaux du ciel
Tu es un jardin des délices, une fleur sur un champ de blé.
Et tu marche sur mes yeux remplis par la mer.
Un roi est enchaîné par ces flots

Par les eaux du haut et les eaux du bas
Humeurs des mourants et
Dernier hurlement des noyés
Par le sang des menstrues
Nourriture des sorcières
Par le souvenir des océans en forme de roue
Routes de la baleine et mers du Sud
Îles de l'or d'où revenir
Roi pour que tu me regardes
Et que je regarde aussi
Une fois dans le miroir du lac

L'Autre est Abîme, vallée au fond de mon cœur.
Je m'y écoule, je y deviens eau claire, air imperceptible.
Ruisseau clair au fond des vallées,
Voie du Saumon
A contre courant
Toujours
Tu as dis, il y à très longtemps – plutôt mourir
Comme un voile de brume.


Par le feu
Par le feu face parfumée du Temps
Le Temps qui roussit les forêts et
Burine les faces comme les montagnes
Par le feu dévorant de tristesse
Par les chemins qui m’éloignent de mon amour
Avec une force impossible à surmonter
Sans combats, sans ruses et sans rage
Par le feu d'Ariane
Phare sur la mer d'obscurité
Par le courage et les dents serrées face à la brûlure de la mort
Face au feu dans les membres du guerrier vaincu
Au feu de la fièvre sur la couche moite
Par le feu qui prend les plaies et les rempli de pourpre
Par le feu noir du cancer,
Le crabe qui pince la chair à la mort
Par l'agon face à la mort
Par la rage qui fait aller vers le pays de l'horizon
Par le feu qui brûle le corps, le cœur, les tripes
Que tu sois feu
Que tes mots soient feu
Et pierre de feu, laves,
Calme bloc ici bas chu d'un obscur désastre
Par l'amour de feu
Par le feu au coin de l'hiver quand souffle le blizzard et bruisse la chevauchée des morts
Par l'épée de la forge,
Vieil Héphaïstos abandonné de tous
Il n'est plus d'hommes de guerre
Plus d'homme d'honneur
Ni de chevalerie

Mais tu peux encore être bon
Férir les esprits mauvais au dessus des eaux
Et voir l'étranger venir de l'horizon
Au flanc de la montagne
Ouvre lui les bras
Sans lui demander son nom
Et le nom de son origine
Au nom du ciel et de la terre
Au nom du feu et de l'eau
Au nom de la Pierre du milieu
Au nom de la très sainte et indivisible Trinité.

Par l'air
Par le vol de l'Aigle devant le Soleil Invaincu
Par la langue des oiseaux
Sous la voûte du Ciel
Toujours tu iras en homme libre
Sans autre chemin que le chemin des étoiles
Tu marcheras sur les lois des hommes
Tu ne le diras pas
Et ne décourageras pas les autres hommes
De se soumettre à la terre
Mais tu ne n'obéiras pas.
Tu obéiras au Ciel étoilé dans ton cœur.
Ils ne te verront pas désobéir
Les hommes de la lettre et du collier
Ceux de la canicule
La folie de l'heure du chien
Car l'homme ne voit que ce qu'il lui est autorisé à voir
Le signe, et non l'abîme
Pourtant le signe est pour l'abîme
Comme le tournesol est pour le soleil.
Et quel est le plus grand signe, sinon l'homme ?
Aussi l'ombre mystique de tout homme est Abîme
L’Abîme te suis comme un vieil familier
Tu sens son regard noir sur ton dos nu
Toujours déjà présent
Tu le verras parfois
Dans le miroir d'une épée
Parce que tu as l'or cerclé dans les yeux
Et l'émeraude sertie sur le front, dans le sang
L'émeraude d'air
Sur le front de Lucifer brillante
Parmi les cavales des nuages
L'or des étoiles et le chant de la lune.
Tu ne tueras point, non, et tu n'auras pas de haine
Mais tu n'obéiras définitivement à personne
Sur ta vie
Sur ta peur
Sur ta terreur même

Tu n'obéiras pas à l'éphémère
Sinon à l'axe éternel des Temps
Tu seras serviteur
Serviteur de la Roue
Serviteur de l'Empire et
Non du royaume des hommes
L'homme est comme l'empreinte d'un pas des dieux sur la glaise des mondes
Un creux, une absence
Tu seras une absence présente pour le monde des absents
Et présent absent dans les mondes
Tu seras un pont entre les falaises
Tu mêleras le sang des hommes au souffle antique
Tu souffleras dans la terre
Comme le souffle des animaux
Le sang d'argile versé dans le poème
Dans le feu de tes paroles
Sera un repas
Pour l'infinie solitude des dieux
Et parfois pour la tienne
Et celle de ton amour
Au Crépuscule des mondes
Tu ne tueras point, non
Mais tu seras insaisissable
Saumon de la Voie lactée
Sur les airs de la Musique que nul ne peut effleurer

A contre courant
Toujours
En mémoire
En souvenir
Image
Et ressemblance
De ton amour

Le poisson d'argent et la mer d'Or.

(Tu)

Je suis tellement mauvais déchiré
Et ma nuque est si raide
Et mon âme est si faible
Si difficile à incliner vers l'amour
Du sixième jour mon amour.
Vers l'évidence.
Je le sais. Pardonne-moi. Pardonne moi.
Embrasse-moi
Embrasse moi tant
Parmi mes larmes
(J'ai si longtemps ri triste jusqu'à la mort)
(J'ai si longtemps haï et cherché à mourir)
Tu marches sur mes yeux
Chaque pas chaque baiser
Est une aube d'été et une nouvelle terre
A nos pieds le fleuve du nord s'écoule
Mais notre instant est éternité

Et le puits de l'inquiétude comme la terreur
De la mort et la gueule de l'Enfer
S'enroulent et se ferment et
Nagent comme des poissons d'argent pour
Se perdre vers
La mer aussi ancienne que l'Ambre et 
L'Or
Le fleuve et le souffle sont le feu
Au soleil invaincu.

Tu

Sur la Science comme idéologie.

(Ivan Agueli - ce qu'est voir)
 



Ô Gaëtan, je dois te parler comme Rambam le sage : « Ton absence m'engagea à composer ce traité, que j'ai fait pour toi et tes semblables (…) tout ce que j'ai mis par écrit te parviendras successivement, là où tu seras . Porte toi bien " Maïmonide .

Les représentations de la science moderne véhiculées par l'idéologie sont un des principaux obstacles à une juste compréhension des enjeux d'une pensée révolutionnaire. Alan F.Chalmers peut être une introduction si tu veux lire, et tu peux aussi rire en lisant Adieu la raison de Paul Feyerabend. Ce ne sont pas des œuvres définitives, mais salubres. Tu peux aussi lire Popper, la Logique de la Découverte Scientifique, parce que c'est un livre très rigoureux, sans idéologie sur le fond. Mais mon sujet n'est pas l'épistémologie ; il est la Science comme objet social, comme concept clef d'une idéologie dominante présente. Rien de moins, mais rien de plus ; il ne nie pas la splendeur du savoir rigoureux dans les sciences. C'est pourquoi j'écris la Science avec majuscule, comme concept idéologique. Un des noms de cette idéologie est positivisme, mais il en est bien d'autres.

La Science se présente comme récit de soi, autant qu'un individu humain formaté par le système se présente comme « légende personnelle ». Il est possible d'envisager la science sous de multiples facettes. Il est possible d'envisager la science comme la constitution d'une subjectivité. Léviathan est son nom, je le lui donne à nouveau ; la science est alors le projet de construire Léviathan comme sujet en construisant sa subjectivité, son être au monde.

L'histoire moyenne des sciences, celle de l'école, est légendaire par totalité, et vraie par fragments. À la fin du XIXème siècle, le siècle de Laplace et de Claude Bernard, le déterminisme absolu était très largement majoritaire dans l'opinion scientifique générale ; il était normal de croire qu'aucun événement présent n'était pas entièrement déterminé par le passé, que le monde n'avait aucune liberté ni créativité de possible, de puissance. Le racisme – théorie ignorée des peuples traditionnels - était une vérité scientifique que pratiquement personne ne mettait en doute, ni en médecine, ni en anthropologie, ni en criminologie, dans l'ensemble des universités européennes les plus prestigieuses. Je te le dis sans revenir aux sources, je le sais. Mais tu peux lire avec attention la mal-mesure de l'homme de S.J.Gould.

Aujourd'hui, il est courant d'entendre des tenants de l'idéologie scientifique parler de racisme et d'intolérance comme d'un vestige du passé irrationnel, et du « fatalisme » comme si c'était une caractéristique propre aux peuples traditionnels. C'est à dire que la légende personnelle des sciences est une construction qui ne laisse place à aucune lucidité sur les errements des scientifiques au gré de leurs intérêts personnels, et de leurs intérêts de caste, à leur soutien massif aux totalitarismes, que ce soit le soutien au nazisme ou la prospérité des sciences en URSS. Les scientifiques dissidents ne représentent pas leurs castes, ils sont des marginaux, des hommes effarés par leur responsabilité, comme Sakharov. A ce jour, l’intérêt de caste des scientifiques fonctionnels réside dans une étroite alliance avec les puissances du Capital.

Il n'existe aucun lien incontestable entre la prospérité des sciences et la forme démocratique, malgré l'instrumentalisation du cas de Lyssenko. L’Académie des sciences de l'URSS ne peut être tenue pour infime. La Corée du Nord maîtrise la filière nucléaire plus aisément que bien d'autres pays pauvres. Le Chili de Pinochet a appliqué les derniers progrès en son temps de la Science économique, en faisant tapis rouge aux experts de la Société du Mont-Pèlerin avec une avance de plusieurs décennies sur la gauche européenne. Bien sûr, je suis assez ironique pour ce dernier exemple, mais il ne faut pas s'aveugler, les analogies sont réelles entre la version "économique" de la Science et les autres fonctions de l'ensemble.

Le concept d'"irrationnel" est un élément suffisant d'imprégnation positiviste. La Nuit est supra-rationnelle, c'est à dire ordonnatrice de la raison, et ordre dont la raison est une image. Un Guénon est un passionné de mathématiques, tout comme Platon ou Pythagore le myste...l'irrationnel est l'infra-rationnel, mais cet infra-rationnel est encore ordonné. Il n'est pas d'irrationnel au sens positiviste du terme nulle part, pas plus que pour Kant il n'y a de phénomène sans les formes subjectives à priori du temps et de l'espace espace ( voir l'esthétique transcendantale) et donc pas de phénomène sans sujet.

Le positivisme, idéologie de base du monde scientifique en général – et il est de nombreuses exceptions - c'est l'illusion absolue que toute réalité positive vient des choses et qu'il suffit d'effacer le sujet pour voir apparaître l'objectif pur, comme si effacer l'ombre rendait la lumière plus visible. En réalité, qui efface le sujet efface l'objet, c'est une certitude absolue, car ce sont des concepts relatifs. Quel est le bruit d'un arbre qui tombe dans la forêt et que personne n'entend ? Quel est le sens d'une phrase que personne ne lit ?

Il convient alors de se demander quel est le sens de cette exigence d'effacement du sujet typique du positivisme.

Cette exigence doit être mise en parallèle avec la morale fonctionnelle du Système général. L'effacement du sujet est fonctionnel à toute mise en place d'une tyrannie de la production, au développement indéfini de la puissance technique. L'effacement du sujet n'a aucun sens scientifique – c'est le point central de toute les difficultés de la physique – mais un sens politique.

Les neurosciences sont les héritières directes du projet positiviste du XIXème siècle, infiniment plus que la mécanique quantique. Cette physique sans objet consistant, et avec sujet, reste une branche ésotérique et au fond dissidente de la science moderne – ce qui explique et son attrait trouble et sa neutralisation comme puissance idéologique par la segmentation indéfinie de la recherche. Les neurosciences retrouvent cette neutralisation du sujet et ce processus d'objectivation ( par imagerie, essentiellement) de la subjectivité qui caractérisait le positivisme du XIXème siècle. Bien sûr, il est des exceptions ésotériques, comme F.Varela et son concept d'enaction ; mais cela ne peut cacher la résurgence massive du positivisme idéologique dans la bureaucratie scientifique. Ah, le bonheur de la neuro-pensée, de la neurophilosphie !

Dit autrement, le lourd appareil idéologique-bureaucratique de « la Science » n'est pas la lumineuse marche en avant de l'objectivité dans l'histoire, mais la constitution de la perspective du Léviathan - et par la constitution de cette subjectivité universelle écrasant la subjectivité vivante, la construction du sujet du système technicien – la construction méthodique d'une humanité asservie à sa propre volonté de puissance, volonté fermée comme une serre sur le monde matériel. Car l'autre point fonctionnel, essentiel, du positivisme, c'est la négation des autres mondes, rejetés dans la fiction, l'irrationnel, le mythe – toutes ces ombres que la lumière de la Science dissipe victorieusement dans la légende personnelle du Léviathan.

Il suffit de voir l'enthousiasme de Bouvard et Pécuchet pour la « zététique » au XXIème siècle, leurs gros doigts tentant de manier des fils de soie dans le vent, leurs yeux myopes tentant de comprendre l'infime des voiles arachnéens, et leur triomphe de ne rien saisir, de ne rien voir pour pouvoir proclamer leur ennemi "inexistant" ! Il ne pourrait pas leur venir à l'esprit que c'est leur yeux qui ne voient pas, leurs oreilles qui n'entendent pas – ils seraient autres que ce qu'ils sont. Mais ces images caricaturales ne pourraient faire oublier que ces croyances de sauvages sont présentes au fond des discours d'un Freud, d'un Lévi-Strauss, d'un Changeux, de tous les neurophilosophes ou presque, sans parler des l'ensemble des technocrates en charge de l'immense appareil de la bureaucratie technoscientifique moderne.

Le monde de la Science comme idéologie est un monde où la volonté de puissance, ce haut désir, ne trouve pas de bel exutoire. C'est un monde sans autres mondes, nu et désolé. C'est un monde qui tue la liberté essentielle.

Ce qui peut être évoqué, dessiné de la main de l'artiste, posé par une opération logique, nommé par les mots de la tribu, tout cela est né et a accédé à l'être.

Ce qui est devient une demeure pour l'homme, un foyer de sacrifices, un lieu où planter au profond ses racines, un centre immobile de sa liberté.

Cette œuvre, la poiésis, est la manifestation de la liberté, et la liberté est impliquée en elle, comme le papillon plié dans la chrysalide. L'invocation poiétique est l'acte le plus haut de l'homme, la réalisation de son essence.

Ce qui naît est en même temps soi-même, n'était rien avant et ne demeure pas au delà de soi . Ce soi même est comme dans le rêve, étendu au monde éclos dans sa totalité, et en même temps fermé sur soi .

Ce qui naît, naît en un instant étrange, le kairos, qui ne peut être saisi et change une totalité .

La naissance s'effectue selon l'ordre du temps. Le temps est un ordre en soi. Le temps linéaire est un aveuglement ; il est la négation du temps qualitatif, qui sépare le temps de la mélancolie du temps créatif chez l'artiste, le temps du repos de la terre et le temps de la moisson, le temps de la guerre sanglante et le temps de l'amour, de l'odeur des corps et l'entrelacement des bras

Nous savons qu'un instant de notre vie peut être plus que la vie entière ; que l'instant est la manifestation de l'éternité dans le monde ; que si cet instant n'est pas vécu, la vie ne peut être vécue .

A l'aune du sorcier, la Science est la vue et l’œil cyclopéens de la technique, l'achat de l'ivresse de la puissance matérielle au prix du sang - le sang, c'est à dire l'âme.

En serrant le monde dans sa main pour prendre l'insaisissable, comme l'homme qui voudrait saisir les routes indéfinies des océans, l'homme de la technique s'enserre lui même et étouffe lentement toute humanité, si seulement cela était possible.

Les conséquences de la révolution industrielle ont été désastreuses pour l'humanité....il n'existe aucun moyen, réforme ou ajustement, pour l'empêcher de priver les gens de leur liberté et dignité....
Il n'y a pas de rédemption pour le Dragon - il doit être tué. Pas pour la barbarie et le mensonge, mais pour la liberté et la dignité de l'être humain.

Une personne peut de droit antérieur à tout droit possible, participer indéfiniment de multiples demeures, de multiples mondes. C'est la pratique de la liberté et le destin.

La liberté de choix dans un monde pré-donné et déjà construit est la liberté animale, celle des rats de labyrinthe, vendue par la tyrannie comme essence de la liberté. Le labyrinthe de la tyrannie est unidimensionnel. Tout ordre qui se referme sur lui même mérite le nom de tyrannie. Tyrannique est l'ordre qui refuse toute extériorité.

Et c'est la tendance de tout ordre aveugle de se poser comme totalité sans reste, de passer de la vérité fragmentaire à la Vérité, de la subordination à la liberté à la Souveraineté. C'est l'usurpation fondamentale de l'ordre.

La production de mondes de choix à partir de situations de désespoir, de marée montante de la Destruction, l'ouverture de voies est la liberté humaine . C'est le combat désespéré entre les mâchoires de la mort . Là où le choix, la liberté est absente, l'homme essentiel produit les mondes qui la produisent à nouveau.

Le choix de liberté est déchirement et co-engendrement de la personne, détermination, position et négation entrelacés, mort et résurrection. Celui qui était avant le croisement des astres n'est plus celui qui foule le sol de ce rayon . Celui là est autre que lui-même.

La liberté ne peut être éteinte, comme la Lumière ne peut être voilée par aucune tyrannie. Elle peut seulement éloigner la lumière, plonger le regard dans les ténèbres. Aucune tyrannie ne peut enfermer la puissance. Seule l'Imagination permet ce refus réaliste des ténèbres .

Aucun homme ne peut de droit être soumis absolument, c'est à dire privé de mondes par l'oppression dans le monde des choses. Cette opération est matériellement possible par la négation des besoins élémentaires de l'homme. L'homme alors est écrasé vers l'animal. Aucun homme né à la Gnose ne peut l'être de fait. A lui, au plus profond des ténèbres reste une étincelle. Mais l'étincelle n'est que souffrance quand rien de concret ne peut fleurir dans le réel.

Face à une pareille tentative de négation, la mutinerie est un droit strict d'application immédiate.

Vive la mort !

Cernunnos.

(Cernunnos du chaudron d'or)


Cernunnos est un nom d'Hermès. Il est le Gardien des portes des Trois Mondes. Hermès désigne les yeux du dieu. Quand l'homme voit avec les yeux du dieu, alors il comprend les messages des Trois mondes. Il ne lit aucune lettre de plus, aucune image de plus – il voit, tout simplement, ce qu'il avait sous les yeux depuis toujours, toujours déjà présent.

Recevoir un message des Trois mondes est voir. Cernunnos est celui qui contemple la forêt, les jambes croisées, selon la posture hiératique du sage des bois, l'ermite, l'homme suprêmement sage et suprêmement sauvage. La forêt est une image du monde, est microcosme. Il s'y trouvent les chemins de la vie, les croisements saints, les mystères des chemins ouverts parmi les ronces, les lents regards des fleurs. Il s'y trouvent les ruisseaux et les étangs empruntés de brumes.

Le secret de la puissance.

Ils s'y trouvent les troncs moussus des arbres qui vivent là depuis la naissance du monde. Leur écorce est l'image de la peau de l'antique Dragon. L'homme qui sait le Dragon sait l'entière histoire du monde, et des hommes. Il a bu le lait noir de la connaissance aux lèvres des Maîtres, au cœur de la forêt, au centre du monde marqué par la poussée des roches vers le Ciel.

Comme la sainte colonne de feu d'Arunachala.

Cernunnos enseigne les mystères du Temps apparu après la chute et la mort du Dragon. Le temps est figuré par le serpent ouroboros. La Vie est un cercle. On sort du Suprême, et on revient vers le Suprême. L'axe du monde est une flèche vers le suprême, le centre invisible du Serpent. Cernunnos tient le serpent déroulé, en vainqueur des cercles, mais aussi en homme de la périphérie, en homme qui a choisi la Voie du Dragon et bu le jus, le venin issu des cuisses de la Jusquiame mystique.

Il a été plongé dans l'eau noire des ténèbres, et se tourne vers la Lune, image tremblante et mobile du Soleil invaincu – image de ce monde. Les mots sont comme la lune – rien ne s'y trouve au suprême degré. Lors de l'invocation, quelque chose s'ajoute secrètement aux mots – et de la boue, fait de l'or.

Sans souffle les mots ne sont rien.

Il a bu la mort, et il vit ; il a maîtrisé le serpent qui est désormais à son service, comme les autres puissantes bêtes sauvages qui vivent en lui. Il est la puissance et la volonté de puissance qui jaillissent dans la forêt au printemps, l'odeur musquée des feuilles mortes et des marais, le puissant parfums des feuilles et des fleurs, les eaux et les rosées, la sueur salée, le sperme et la cyprine. Il est à la fois tueur, puissance de génération sauvage, maître des rapts, tonnerre et terreur. Il porte à la main la puissance torque qui soumet les vaincus. Il est le messager de la nécessité unique, du trépas, père de la douleur.

Ce qui est détruit est ce qui vit. Le monde est fait de cycles qui se sédimentent. Rien n'est jamais perdu à jamais.

Cette torque qui soumet les vaincu par le cou gracile est signe de règne, du règne de l'Empire. Celui qui se plie à la nécessité de fer des dieux, si visible dans la violence des chasses sauvages, dans les crocs du loup, est aussi le roi de ce monde. Le guerrier porte ainsi la torque, comme la femme puissante, la torque d'Or.

Il est libre par amour du destin, comme le Cerf. Il n'est libre que par l'amour du destin. Il n'est vivant que par l'âpre mort et le goût du sang. Il n'a plus guère de peur pour avoir affronté la terreur de la chair.

Il sait qu'il mourra comme les bêtes de la forêt – ni plus ni moins. L'éternité réside dans l'instant. L'idée puissante se montre dans les couleurs et les formes des forêts, présente mais insaisissable, comme l'évoque l'art de l'arabesque. Elle se montre comme le Serpent et enroule ses énigmes comme les anneaux du Serpent. Elle est la fleur sur les ronces, et déchire l'âme qui veut les traverser, par la solitude et les épines tranchantes. Elle porte des fruits et encercle, elle envoûte et étouffe.

Tel est le secret de Cernunnos. C'est dans la soumission que se trouve l’élévation, dans l’acceptation que se trouve le secret de la plus haute révolte.

(Un autre secret se prononce au sujet de sa mélancolie. Ce sujet est abordé dans le Livre des deux principes.)

Cernunnos est l'indomptable et le suprême raffinement – comme l'Archange, le tueur du Dragon, mais aussi le combat entre l'Ange et le Dragon – le Dragon lui-même, car on ne combat valablement, enfin, que contre soi-même.

Mais peu nombreux sont les hommes qui se cherchent eux mêmes – et combien peu ceux qui se cherchent eux-même pour se tuer.

Tel est le règne, telle est la puissance, telle est la gloire.

- J'ai longuement médité aux côtés de Cernunnos, dans les fumées des encens.

Vive la mort !

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova