Le serpent et la colombe

Dans la vie qui nous a été donnée, il nous appartient d'avoir une ou plusieurs vies...
D'être la flèche, l'arc, d'être le serpent et la colombe, d'être Taliésin et Lancelot.
Et surtout il faut une exigence et une violence de volonté pour construire une vie digne d'être vécue, c'est à dire digne d'être racontée et d'intéresser légitimement des hommes nobles.
C'est cette exigence excessive, cette violente soif d'excès qui parle.
Le serpent et la colombe ! Et vive la mort !

Si tu crois être allé trop loin c'est que tu as eu raison . Hymne à Saint Michel.


L'age de fer est l'âge de l'envahissement du vide. Ce vide n'est pas le Vide au delà de l'être, mais son image inversée-diabolique . Nos vies sont envahies par le vide. Le vide nous absorbe comme un soleil noir. C'est une problématique objective. Nous croyons être plus en nous enflant de néant.

Car comme tout étant nous aspirons à être. Et l'intensité d'être de l'étant de l'âge de fer est tendanciellement nulle. Le vide est couvert des peaux chatoyantes de la Maya ; ces peaux sont des visages de la douleur, comme des faces humaines à qui sait voir. Car le bal du diable ne sourit qu'à la surface. Ce vide forme des bulles toujours plus grandes et plus vides ; ce vide bulleux est la manifestation de l'âge de fer.


Nous désirons l'être , alors nous éprouvons la nostalgie des ors perdus, des mers d'émeraude loin vers le Sud, des grands combats et des obscurs ébranlements de mondes -calme bloc ici bas chû d'un désastre obscur.


La nostalgie creuse et perce et vrille le cerveau des hommes nobles. La nostalgie est la soif divine, de la Fontaine de vie, du Calice. La nostalgie est le début de la Voie.


Mais la nostalgie excite le désir. Elle nous fait désirer la guerre comme intensité d'être plus grande. "Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre". La nostalgie nous fait désirer la joie païenne de la nature, la sorcellerie, l'amour.


Tristan est une figure nostalgique dans le Kali-Yuga. Le nom suffit. Iseult est l'objet exotérique de l'adoration, pour Tristan qui porte, occultée par le fer, la tristesse de la perte cosmique de la Grâce. L'homme qui vit la nostalgie vit l'Exil, il est un réprouvé dans cet âge. C'est l'Egypte spirituelle, ou Occident. "Elle est venu dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont point comprise"(compris au sens d'englober comme partie). C'est le monde qui a perdu la Grâce, et non un homme. Les hommes ont perdu la Grâce.


L'ésotérisme est la marque de l'occultation de la Grâce dans l'âge de fer. L'Occultation est la manifestation même de l'Être, ainsi que l'absence de châtiment. C'est le signe de Jonas. L'absence de châtiment face à la domination du Mal est une disgrâce. Pour l'homme noble qui commence l'exode, l'égarement et le labyrinte sont les effets de la Disgrâce.


L'Être est, le non-être n'est pas. L'âge de fer est un non-être nécessaire. Nous cherchons à saisir pour nous ses flammes dans les mains-par nostalgie. L'illusion est désirée par l'étant par désir d'Etre. "La matière désire la forme comme la femelle désire le mâle". L'illusion se sert de l'être pour être, comme objet du désir de l'étant. L'illusion nous enfonce encore et encore dans l'illusion, jusqu'à son ultime dévoilement.


Tristan est sauvé par l'ermite, le Renonçant. Son amour, sa nostalgie sont fortes et l'attirent vers le péché comme vers la Grâce. La racine du désir est Une, et c'est l'Exil-(voyez Platon.). L'armure de Tristan est brisée par la forêt et le silence du renonçant. L'armure de Lancelot est brisée par l'épée. Rien de grand ne se fait sans douleur ni violence. Douleur et violence ne sont pas matériels par nature.


Lancelot et Guenièvre, Tristan et Iseult ont péché par nostalgie comme Marie Madeleine et St Augustin. L'amour est nostalgie de l'Adoration. A eux, leurs histoires d'amour sont des révoltes obscures face à un monde ténébreux. « Parce que tu es tiède, je te vomirais par ma bouche »(Apocalypse).


L'homme noble désire le combat par nostalgie de la Guerre Sainte. L'essence du Combat n'est pas l'affirmation, mais l'acceptation du sacrifice, de la douleur et la mort pour les plus hauts désirs de l'homme, qui ne sont pas humains. C'est l'inhumanité désirable du combat. La Croix est une figure de la Guerre Sainte. St Michel le désigne : l'essence du combat est aussi le Dragon.


Le diable se renforce par le désir obscur de Dieu. Les totalitarismes modernes ont usé de ce désir de renoncement à l'humanité, issu de la nostalgie. Des hommes nobles ont été happés et damnés par eux. Certains savaient leur caractère diabolique. Le but était de lier à des crimes démentiels la nostalgie inhumaine de ces hommes nobles, et ce but est diabolique.


Ne nous y trompons pas : comme les totalitarismes et de manière plus subtile, la morale commune de l'âge de fer occulte la nostalgie et exalte l'objet du désir dans ses aspects les plus dégradés. Elle transforme l'amour en sexualité, en pornographie, et le combat en massacre, ou en agressivité vile.


La morale du "respect des différences", en tant que morale de l'indifférence (« liberté ») à l'objet du désir, est l'exaltation du désir vide et la dissimulation de l'origine. En effet le caractère spécifique et universel de l'objet du désir naturel, ainsi le beau, ou la femme pour l'homme, montre que le désir échappe à la volonté en tant qu' individuelle. Le désir n'est donc pas la volonté arbitraire d'un ego. Ça désire, et je dis que c'est moi qui désire. Le désir n'est pas libre, ni libre expression d'une volonté. Désir et volonté s'opposent. Le désir est impersonnel et cela indique la Voie.


(Par exemple : l'homosexualité n'est pas l'expression d'une volonté. La morale du « respect des différences » s'interdit de s'interroger sur son sens. J'ajoute que la même manifestation peut signifier des choses absolument différentes. )


Le désir vide de l'âge de fer est le désir dissous dans son objet, et aveugle à sa source vive. Ce désir transforme le Haut en Bas; il est une dégradation.Cette dégradation recoit une organisation systématique dans la publicité.


Dans le discours lui-même, l'invocation du bien (progrès, tolérance, etc) et la condamnation du mal (obscurantisme, intolérance, etc), sous les formes de la philosophie des Lumières, sert à se renforcer dans l'illusion d'être évidemment du bon côté-du monde, de l'histoire, de la société. Et donc d'être évidemment, de « croire n'avoir besoin de rien » (Apocalypse). L'affirmation d'être bon-le pharisaïsme-fait perdre jusqu'à l'ombre de ce qui est perdu. L'invocation moderne du bien est comme un mantra qui sert à aveugler, qui sert la néantisation de l'existence humaine, l'envahissement du vide. Ce n'est pas la Voie cherchée.



La Voie recherchée est la dissolution de l'objet dans le désir, pour atteindre l'essence de la nostalgie.C'est une voie dangereuse du tantrisme de la main gauche. C'est l'affrontement du Dragon. L'affrontement est un. Le Dragon est un signe de ce qui est perdu. Le Dragon est inhumain et condamne l'humanisme moderne par son être même. C'est une voie qui signifie son siècle, et qui se réfère à la grande occultation de la Grâce. C'est une voie temporaire, mais toutes les voies le sont . A l'aube de l'âge de fer, Héraclite l'a désignée : Zeus prend toutes les formes et porte tous les noms. « Le chemin vers le haut et le chemin vers le bas est le même ». Chez Guénon, elle est clairement indiquée par la nécéssité de réaliser toutes les potentialités dans un cycle microcosmique comme macrocosmique. La Voie n'a pas d'évidences et réside dans le gris du fer. Je ne suis pas du bon côté, moi qui te parles!


L'essence de cette Voie de l'âge de fer est la mort (hagakure), l'enfouissement duplice dans le siècle de fer. Car la fin-finalité du Kali Yoga est le triomphe de la destruction et la Restauration. Le dragon meurt et est restauré dans l'âge d'Or. (voyez Origène). Le Cycle est symbolisé par Janus.


Ici et maintenant : « Non la paix, mais le glaive ».



les délices de l'âge de fer

Savoir comment les espaces de liberté disparaissent comme la marée qui recouvre lentement l'estran. Une eau noire, épaisse, huileuse. Une nuit sans tempête. Serons nous encore des hommes quand nous nous réveillerons de la marée de moraline qui recouvre un monde déchiré par des violences extrêmes commises dans l'indifférence totale au nom du Bien?
Faut-il jouer un rôle ou tuer pour ajouter de la densité à la vie?
Les symboles qu'il faut invoquer sont le miroir et l'épée. Celui-ci est inflexible, celle là impitoyable.

Genèse

« L'aînée dit à la plus jeune: “Notre père est vieux; et il n'y a point d'homme dans la contrée, pour venir vers nous, selon l'usage de tous les pays. Viens, faisons boire du vin à notre père, et couchons avec lui, pour que nous conservions la race de notre père”. Elles firent donc boire du vin à leur père cette nuit-là; et l'aînée alla coucher avec son père. Il ne s'aperçut ni quand elle se coucha, ni quand elle se leva. Le lendemain, l'aînée dit à la plus jeune: “ Voici, j'ai couché la nuit dernière avec mon père; faisons-lui boire du vin encore cette nuit, et va coucher avec lui, pour que nous conservions la race de notre père”. Elles firent boire du vin à leur père encore cette nuit-là; et la cadette alla coucher avec lui. Il ne s'aperçut ni quand elle se coucha, ni quand elle se leva. Les deux filles de Loth devinrent enceintes de leur père. L'aînée enfanta un fils, qu'elle appela du nom de Moab. C'est le père des Moabites, jusqu'à ce jour. La plus jeune enfanta aussi un fils, qu'elle appela du nom de Ben-Ammil. C'est le père des Ammonites, jusqu'à ce jour"[6]. Genèse19-30,38

Les filles de Loth

Un écrivain qui se sent comme un désert stérile, puissant, rocheux et silencieux voudra, comme les filles de Loth, enfanter malgré, ou grâce à, des transgressions, ou l'aveu de ses désirs refoulés. Il fera boire ses interdits...

La stérilité encore aujourd'hui est une peine sévère ; et ceux qui y sont condamnés font tout pour proclamer leur droit à l'enfant.
C'est pourquoi aussi les mères sont tellement désirables : elles ont l'impression de trahir non seuleument leur homme mais encore leurs enfants, dans l'adultère. Dans un couple, la jeune mère qui fait l'amour éprouve une culpabilité secrète qui la rend moins disponible.
Avec la volupté la mère redevient fille; le temps passé est retrouvé. Délices.
Il n'y a pas d'instants sans nostalgie, car elle jaillit de la même source que le temps. Et il n'y a pas d'écriture sans épreuve, car l'homme veut créer, et veut enfanter et posséder, et redoute l'effort et la mort qui sont l'essence de la création du mortel. Les mains pendant l'amour sont comme le potier divin qui forme, et caresse des cornes d'abondance.
Les filles de Loth sont mortes, il en reste les mots et les images dans les yeux des humains.

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova