Du murissement obscur de l'émeraude des mondes .

(portrait d'Anna Akhmatova par Modigliani, Paris, 1910)



Tu es venue par le chemin de l'horizon
L'encens des étoiles
Le chemin de la dalle de roche sombre
Peau de dragon chauffée au soleil de soufre rouge
Par la poussière soulevée par le vent de l'Aube
Marchant sur mes yeux

Comme un cortège nuptial en chantant vont mes âmes et mes esprits
Sur le chemin de fleurs et de larmes
Sur les poussières des mondes
Sur ta peau j'ai parcouru les mers du Sud
Le vent d'Arabie a soulevé mes cheveux
Les forêts en abîme ont caressé les méandres
De mes veines et de mon sang d'océan
Nos souffles nos sangs nos sèves
Se sont mêlées en jouant sur nos lèvres

Sais-tu le monde posé devant nos yeux
Petit animal tiède
Comme un chat lové entre nos paroles
Et l'éclat du soleil qui s'enlace entre nos doigts
Comme une huile de fleur pourpre
Et les lumières angéliques au miroir des couleurs

Et aussi – derrière nous en silence devisions
La mort et le mal des cycles du temps
Aussi ancien que l'antique Serpent
L'œil jaune du Diable
Nous regardait
Sans haine
Parfois

Car le mortel est comme les saisons
La race des feuilles emportées par l'hiver
Les illusions mortes piétinées par des enfants
Au delà de ma puissance mortelle accorde moi
Ô Soleil du monde d'avoir
Une fois dans ma vie passagère
L'endurance des étoiles fixes
Celles qui se reflètent dans les yeux noirs
Où mon cœur se noya

Accorde moi l'éternité de l'homme
La loyauté
Dans le serrement de mes larmes
Le bouleversement de mon cœur
Le feu intérieur qui illumine ma parole
Donnée comme une Alliance

Le mortel est une poussière en tout ses actes
Il ne peut saisir l'insaisissable
Il ne peut être au delà de son essence
De son corps qui s'effondre
De son âme que le temps et la haine déchirent de l'amour
Il invoque l'éternité
Le haut château de l'âme
L'étincelle de la cime de son cœur
Reflet du Soleil éternel

Je sais que je ne suis rien
Mais si tu étends ta main au dessus de moi
Tout le poids des mondes ne saurait m'écraser

Ô Seigneur, aie pitié de l'homme !
Le désir de son cœur est de faire un héros
Mais il est nu, misérable, courbé vers la terre
Et ses mots l'habillent de robes couleur du Ciel
Et les mots cachent sa nudité de feuille morte
Et les tournoiement de la feuille emportée par les vents
Lentement, avec les objets perdus au pied des murs
Dans les rues des grandes villes dévorantes

Pour ne pas porter cette mort sur le mort, ô homme
Le souffle infini du désir et le feu des étoiles
Le feu dévorant de ton amour
Veille-les dans le sanctuaire du cœur
Projette-les sur l'argile rouge de la chair
Sur les vallons de la terre
Comme au premier temps des mondes

Parfois un homme donne tellement à un autre
Qui ne reçoit pas
Qui ne sait même pas ce qu'il reçoit
Ne méprise jamais la noblesse
Du donneur de feu

Et j'essaie sans cesse
Je dépose à Tes pieds l'immense douleur
La haine
La rage et la colère
du mortel
Je voudrais tant
Mais elles sont les abeilles
Du poète
qui maintiennent la veille
L'impossible repos

Les mots sont l'invocation du Verbe
Ils font advenir l'être de la puissance au regard
La terre est le ciel
Le ciel bleu est le miroir de la mer
Le Serpent lové est la puissance céleste que Dieu
A scellée dans la boue

Les mots invoquent la puissance
Et l'acte de la puissance resplendit au soleil invaincu
Dans les roses déversées
Sur ta peau apparaît le velours pourpre
De la chair de résurrection

Étends ta main au dessus de moi
Prends moi dans le cercle de tes bras
Accorde moi les splendeurs de ton souffle
Thot parle :
Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable
Ce vertige du Haut amour
Dans les amertumes mortelles des saisons

Ce qui est en haut doit être ce qui est en bas
Pour faire les miracles d'une seule chose
Le Ciel sur la terre
L'Aube d'été

Et comme toutes les choses ont été, et sont venues d'Un
Le Soleil est son père
La Lune est sa mère
Le souffle l'a porté dans son ventre
Le père de toute la puissance du monde est ici sur le sol
Sa puissance est entière si elle est convertie en terre
Ô Adam d'argile rouge
L'argile est chair de résurrection

Il monte de la terre au ciel, et descend du ciel à la terre
Et reçoit la force des choses supérieures et inférieures
Tu auras par ce moyen la lumière du monde
Et pour cela toute obscurité s'enfuira de ton cœur
C'est la force forte de toutes choses


Ce que j'ai dit de l'opération du Soleil est accompli
-Thot règne hiératique
Ses yeux rêvent comme tes yeux noirs

Ô Amour, ne lâche pas les mains de ton fidèle
Sur les rives de soufre
Du fleuve de l'Enfer
Et que le désir de mort le quitte
Depuis les montagnes de l'horizon
Depuis les buissons de myrrhe
Viens à moi

Et parcourons ensemble le chemin de la lune

Je mourrais de te perdre
Mais il est plus fort que la mort
Le souffle du baiser
L'herbe verdissant dans l'air du printemps
Et les fruits passeront la promesse des fleurs
L'éternité sur ton épaule
Perchée comme un perroquet et le monde
Se détache de ses os comme les mers du Sud
Au creux de nos mains
Dans l'ombre de la lumière de la chair
Nous loverons nos échines
Comme le serpent ailé



Aucun commentaire:

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova