
(On dirait dans l'ontologie de la chose, que les choses sont autonomes quant à leur essence et à leur être, et ne nouent de liens que secondairement, relativement à cette nature et à cet être . Par exemple, cette ontologie pose qu'il existe un étant autonome « arbre » qui est un étant et un arbre par lui même, indépendemment de toute conscience . Et si je peux le voir, c'est justement parce qu'il est, et qu'il est un arbre . Un excellent évêque anglais a alors posé la question de savoir quel serait le bruit de la chute d'un arbre que personne n'est là pour entendre . Pensez aussi à l'axiome de Husserl : « toute conscience est conscience de quelque chose ». Car alors il n'est pas de conscience sans chose, et donc l'existence et l'essence de la conscience ne se déterminent que par ses relations -il n'existe rien de tel que « moi »comme une chose ayant une essence propre que je pourrais découvrir par « la recherche de moi même », une belle foutaise intellectuelle des modernes . Et je pose de plus que la réciproque est vraie, toute chose n'est et n'a d'essence que pour une conscience . Bref que les liens ne déterminent que des polarités dans l'Un, et que ces polarités ne deviennent des « choses »que dans la perspective d'une conscience déterminée . Ainsi le « moi » n'apparait que dans la polarisation de la psyché dans une structure psychique, comprenant classiquement le surmoi, le ça et plus encore, la pulsion de mort, mais aussi le monde, ou principe de réalité . Par exemple encore, nous sommes spontanément poussés à répondre à la question « qu'est ce qu'un pauvre? » par des caractères essentiels, propres à la pauvreté ; ou à imaginer possible « la dictature du prolétariat », ou « la richesse aux pauvres » sans en voir l'évident oxymore .)
Dans l'ontologie de l'objet, le moi est plus réel que le système psychique ; le cerveau physique plus réel que la pensée ; les objets industriels plus réels (l'économie réelle) que le monde financier (l'économie virtuelle), et ainsi on a pu dire que la crise économique du XXIème siècle n'atteignait pas l'économie réelle au delà de toute évidence ; les lois physiques plus réelles que la production artistique...dans l'histoire de la pensée occidentale l'analogon indéfiniment répété de cette structure a pour noms réductionnisme, ou matérialisme, ou déterminisme . En matière de politique, c'est à dire de liens humains, cette ontologie porte à nier que les liens soient réellement structurés par leur construction symbolique, et donc porte à traiter d'illusion, ou de fiction, toute construction de liens juridiques, métaphysiques, bref toute médiation symbolique des liens . Tout véritable rapport humain, et la vérité de tout rapport est le rapport de force, pour l'homme comme pour l'animal, l'objet physique ou l'atome. Là est la base de la « nécessité inexorable » à laquelle prétendaient nazisme, communisme et libéralisme . Car cette ontologie pose que la civilisation est incapable de tisser des liens spécifiques . Elle ne peut qu'en donner l'apparence . A ce titre le soupçon pèse sur tout tissage de liens . Et c'est là le thème libéral par excellence, le caractère inexorable, la réalité incontournable, du rapport de force symétrique . Comment a -t-il pu exister des civilisations non libérales ?
La structuration symbolique du lien serait un voile sur la réalité physique brutale de ce lien : trois citations l'illustrent : je m'excuse de me répéter, mais ces passages sont suressentiels .
La structure de base est présente dans des textes issus du champ scientifique du XIXème siècle, et cette structure est analoguée aux relations entre classes ou entre sexes . Il s'agit toujours de ramenener une structure signifiante, sémiotique, triadique, à une réalité de choses ne pouvant avoir d'autres liens que les rapports de force .
Claude Bernard, principes de médecine expérimentale (1858-1877) :
« Nous nous croyons libres comme nous croyons que nous vivons . (...) ce sont des illusions, comme nous croyons que le soleil se couche et se lève. »
En bon positivisme, la vie n'est qu'une manifestation particulière du non vivant, de la mécanique ; et la mécanique est déterministe . Il n'existe réellement ni vie ni liberté . Que la mécanique des atomes et des forces . Toutes les autres représentations sont des illusions . On n'a pas, même aujourd'hui en Occident, pris la mesure d'une telle pensée .
Comparer avec ce texte de Jules Soury, maître de conférences en psychologie physiologique à l'Ecole des Hautes Etudes nomme par Paul Bert en 1881 :
« Toutes nos différentes façons d'envisager la nature se ramènent à une vue unique : la mécanique céleste, la physique, la chimie, la biologie, y compris la psychologie et la sociologie, ne sont que des cas plus ou moins complexes de la mécanique générale . (...) Les sensations et les idées ne sont , au point de vue objectif, que des systèmes de mouvement . (...) l'action réflexe est le type du mécanisme de la sensibilité générale dans tout le règne organique (...) » Revue scientifique, 1883.
Marx, Manifeste...ouverture.
« Partout où elle (la bourgeoisie) a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.
La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu'on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages .
La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent. »
Lasch, la culture du narcissisme, pp 237-238 de l'édition de poche : histoire sociale de la guerre des sexes.
« L'escalade de la guerre entre hommes et femmes s'explique par (...) l'évolution des modèles de socialisation (...)
La courtoisie n'est plus : voilà une évidence qui ne date pas d'hier . Autrefois, la galanterie traditionnelle masquait et tempérait jusqu'à un certain point l'oppression méthodique des femmes. Les hommes avaient le monopole du pouvoir politique et économique mais, pour que les femmes acceptent mieux leur domination, ils l'adoucissaient d'un rituel raffiné (...) (suit un passage sur la force bestiale, la brutalité et la sauvagerie des hommes).
Autour de ces relations, qui pour l'essentiel, les exploitaient, elles (les femmes) tissèrent un réseau d'obligations réciproques qui eurent au moins le mérite de rendre les relations plus supportables.
La relation symbiotique entre exploitants et exploités, de tout temps si caractéristique du paternalisme, a survécu entre hommes et femmes (...) (que précairement avec la démocratie). (les femmes) exigèrent une démystification de la sexualité féminine (...).
Démocratie et féminisme ont maintenant arraché le masque et mis à nu les antagonismes sexuels jadis cachés (...) privés des illusions que conférait la courtoisie hommes et femmes (...) »
Là encore, il n'est pas besoin de monter plus avant l'analogie . Elle fait de ce texte un exemple caricatural de discours idéologique « progressiste », politiquement correct, avec sa profonde connivence à l'idéologie libérale . L'essence du rapport entre les sexes est l'antagonisme .
Voyez cette expression étrange en logique, "la relation symbiotique entre exploitants et exploités". Une relation symbiotique n'est pas une relation d'exploitation évidente. "La symbiose est une association durable entre deux êtres vivants et dont chacun tire bénéfice. Ils s’aident mutuellement à se nourrir, se protéger ou se reproduire" (dictionnaire de biologie) . « survivre c'est transformer les inconvénients en avantages et éviter que les avantages deviennent des inconvénients pour éventuellement se survivre .
La symbiose est une association à caractère obligatoire ou non et à avantages et/ou inconvénients réciproques et partagés, entre partenaires ("locaux") avec des bénéfices ("globaux") qui sont pour la nouvelle entité émergente . " (wikipédia)
Questions : l'auteur cite comme exemple de cette oppression d'un sexe par l'autre le droit de cuissage . Sans en discuter la réalité historique, je fais deux remarques :
Tout d'abord, quand un mâle dominant utilise à ses fins un dominé de son groupe, et que c'est un mâle, y compris pour des services sexuels, c'est de la lutte des classes ; quand c'est une femme, c'est l'oppression d'un sexe par un autre . Pourtant les femmes des castes dominantes étaient autant que les hommes à l'abri de cette oppression . La domination ordonne le possible, le sexe ordonne le type de domination exercée . Les hommes dominés n'étaient pas à l'abri des pires traitements . Il est absurde de dire les hommes se réservaient le monopole du pouvoir économique et politique quand un tout petit nombre, une caste d'hommes et de femmes, en avaient le monopole réel . Combien d'hommes n'avaient rien de ces pouvoirs ? Doit-on dire au clochard qui dort sous le porche qu'il fait partie de ceux qui se réservent le monopole du pouvoir économique et politique ? Et c'est une réalité présente .
Le droit de cuissage dans son principe n'est pas qu'une domination des femmes, mais aussi une domination sexuelle des autres mâles, en manifestant une priorité sexuelle . En clair il manifeste aussi une structure de domination de mâle à mâle . C'est le même principe que le rachat de la femme au proxénète dans le milieu traditionnel . Ce type de domination symbolique par l'exhibition de la domination sexuelle, par exemple l'exhibition publique d'une femme désirable comme sienne, est une réalité présente .
Mais ce qui est grave avant toute chose dans la machine-matrice sémiotique à l'oeuvre dans ces textes, c'est que leur conséquence est de traiter le système libéral de liens, l'extension du domaine de la lutte, comme le système de référence, le seul véridique . Et surtout, qu'il est parfaitement inutile de penser que la codification culturelle des liens entre sexes, entre les fonctions sociales, la civilisation à l'oeuvre dans ce domaine, puisse être plus qu'une mystification . En clair, toute autre société que le libéralisme est une mystification ; l'exploitation réelle est masquée, rien de plus . Tout lien non symétrique est un lien d'exploitation ; toute complémentarité, toute symbiose un masque . Mais comment à partir d'une telle position donner tort au modèle libéral ?
Michéa en est parfaitement conscient . Pages 194 et 195 de l'Empire... :
« Il existe deux manières de définir le matérialisme philosophique. Soit on y voit, avec Engels, une simple conception de la nature « sans addition étrangère ». C'est alors un autre nom de l'athéisme ou du rationalisme. Soit on y voit, avec Auguste Comte, la doctrine qui se propose d' « expliquer le supérieur par l'inférieur ». C'est évidemment cette dernière définition qui permet de parler d'un matérialisme libéral. Le programme constitutif de ce dernier, en effet, consiste, depuis Hobbes et Helvétius, à réduire l'ensemble des valeurs traditionnelles à une simple mécanique des forces élémentaires (telles que l'intérêt ou l'amour propre) dont elles ne représenteraient que le masque ou l'effet . Le matérialisme ainsi entendu apparaît donc clairement comme une machine de guerre destinée à délégitimer, conformément à une logique libérale, toute forme de référence à une quelconque loi symbolique. Il n'est pas difficile, à partir de là (...) de toute évidence le matérialisme moderne n'est souvent rien d'autre qu'un pur et simple mater-ialisme(...) »
L'archéologie, ou destruction phénoménologique comme arme fonctionnelle.
Mais là où le désaccord s'affirme, c'est que je ne voit guère de légitimité conceptuelle à ces deux types de matérialisme . Le matérialisme marxiste est comme le matérialisme libéral de X ou de Y, une espèce du genre matérialisme, un des produits prêt à penser de la matrice idéologique globale du Système . Aucune distinction d'essence ne me semble perceptible .
Car qu'est ce que c'est que cette addition « étrangère à la nature », sinon le symbolique ? La nature en soi n'aurait aucun sens, et le sens serait une donation de l'homme . Mais une telle thèse repose sur l'idée que la nature en soi est accessible, par la science quantitative, qui devient l'archétype de référence de toute autre expression humaine de la nature . Dans les discours, par exemple en psyschologie cognitive, la représentation scientifique de la nature (quand ce n'est pas la norme politiquement correcte) est très souvent traitée comme un « en soi » qui sert de référence à la description (statistique le plus souvent) de la « représentation subjective » du public étudié, ou « échantillon de référence », représentation évidemment traitée de manière péjorative, et non analysée de manière fonctionnelle dans son sens et son usage sociaux .
Exemple concret, l'étude des représentations populaires du mouvement d'un solide, élaborée à partir d'un sondage s'inspirant de l'histoire passée des représentations du mouvement . Inutile de préciser que "le mouvement réel" de référence était en réalité la description scientifique, qui seule permettait de parler de "représentations populaires" c'est à dire distinctes de la "réalité" de référence . En clair l'étude étudiait l'écart à la norme scientifique de représentation du mouvement d'autres représentations sans aucun recul sur leur positionnement fonctionnel . C'est avec les mêmes préjugés que l'on peut décrire les progrès de la sciennce entre la représentation grecque du mouvement et la représentation réelle .
Mais bien sûr les êtres humains construisent des représentations fonctionnelles de leurs liens . Et c'est la structuration fonctionnelle du couple, la répartition des tâches, qui apparaît . Dans l'ontologie de la chose, la structuration fonctionnelle ne dépend que de l'essence des pôles de la structure, et on cherche ainsi l'essence de la femme, la féminité, la masculinité, mais ces essences n'existent pas plus que l'essence de « moi ».
La science quantitative n'étudie pas le lien sémiotique, et donc affirme parfois hautement qu'il n'existe pas, qu'il est « étranger à la nature » alors qu'il échappe par principe à son mode d'enquête . Mais penser une telle étrangeté en soi du sémiotique à la nature est déjà fort étrange, quant à l'en-soi d'un concept comme « nature »... une telle recherche est dépourvue de sens . Le lien sémiotique, ou symbolique, la différence ici ne rentrant pas en ligne de compte, apparaît arbitraire (l'arbitraire du signe) dans ce paradigme . Arbitraire, donc impensable . Enfin, il est vrai que la pensée d'un objet en soi, fermée sur lui-même, ne peut lui donner aucun sens, puisque la signification nait du lien, et même d'une insertion dans une polarité triadique, où l'essence des pôles ne dépend que de la détermination réciproque des autres . Comme dit Eckhart, je donne naissance à Dieu dans l'Âme, et Dieu me donne naissance . Cela invite à une relecture de Feurbach...je naît comme père quand naît mon fils . Dieu est créateur qu'en faisant de moi sa créature . En lui même l'au delà de l'Un, le Suprême, est le seul pôle à ne pas avoir de sens, ni d'ex-istence .
De cette situation les demi-habiles raisonnent en prétendant que c'est l'homme qui donne du sens, qui projette de la signification, qui surinterprète, et toutes expressions semblables ; l'homme, cette créature puissante, donne du sens à « la nature », puis s'illusionne et croît que ce sens humain appartient à la nature, comme les enfants qui voient des figures dans les nuages .
Mais cela n'est interprété comme une donation de sens que dans une perspective égotique infantile justement : car je recois aussi mon sens de mes liens, simultanément . Je ne suis « homme » que parce que simultanément il y a « monde », non homme, ou « nature » . C'est la structure de production du concept de nature, non-homme, qui en fait par définition un domaine du non-sens, sans parole ; car le sens, la sagesse, sont des qualités référées à l'homme dans notre matrice occidentale . C'est pourquoi cette notion de nature est absente d'autres aires de civilisation .
Reprenons cette structure ontologique de la matrice : Si l'homme a le monopole de la pensée, du symbolique, l'Univers est dépouillé de son intelligibilité par les signes et les symboles, et ne devient plus que l'objet de la science quantitative et de la technique, qui lui donnent du sens et de la valeur en le pliant à la finalité humaine . Le seul rapport valable à la « nature » est « l'exploitation », soit avec, sans sans gaspillage (développement durable) . La personnalité narcissique, qui instrumentalise ses relations à ses fins propres, est un analogon de cette structure . Mais étant objet, l'Univers ne peut plus rien exprimer, il devient « ce qu'il y a de plus inhumain, l'immensité indifférente, le silence éternel des espaces infinis », et simultanément l'homme devient l'Étranger, l'être de solitude et d'absurde . Il importe de noter que l'inquiétude existentielle de l'homme n'est pas un fait existentiel inhérent à la condition humaine, mais le produit d'une matrice conceptuelle liée à l'Entéléchie générale du Système .
Chaque homme né et élevé dans le Système porte en lui même les déterminations générales de la matrice ; c'est pour cette raison que notre psychiatrie ne peut s'étendre à d'autres mondes anthropologiques-voir G.Devereux, T. Nathan, etc.
Le « matérialisme historique » est bien l'analogon projeté dans le domaine historique de la structure idéologique caractéristique, et principielle, de la réduction à la chose du symbolique . Michéa ne l'ignore pas du tout, et là encore répond ce que je pourrais répondre moi-même : l'empire...p.63 :
« (...)l'explication de la genèse du libéralisme (...) ne rentre pas dans le cadre du « matérialisme historique » . J'entends sous ce mot la conviction, très largement répandue de nos jours, selon laquelle la clé qui déterminerait le sens ultime de tous les processus historiques devrait être recherchée, en dernière instance, dans le mouvement nécéssaire de l'économie, lui même conditionné par la tendance inéluctable de la Technique à progresser selon ses propres lois (...)Si l'on adopte cette manière de voir, les « formules libérales » comme Marx les appelle, deviennent nécessairement une simple expression idéaliste des intérêts de la bourgeoisie (Idéologie Allemande) . Et l'ascension historique de cette dernière doit elle même être comprise comme une expansion irrésistible déterminée par le développement continu des forces productives (...) Sous ses apparences radicales, cette façon « matérialiste » de considérer les choses ne représente cependant qu'une systématisation rigoureuse des postulats essentiels de l'imaginaire moderne (...) (allusion à Polanyi) Cette représentation de l'Economie comme une sphère séparée et autonome de l'existence sociale constitue une construction très récente, dont la projection rétrospective sur les sociétés du passé définit précisément l'illusion moderne par excellence .(...) "
Ce caractère fonctionnel du domaine de la matrice idéologique est ce qui fonde la possibilité de la résistance dans ce domaine fonctionnel, puisque le développement du Système entraîne une telle puissance matérielle que la lutte armée n'est pas à portée d'une rebellion, sauf cas particuliers favorables à la guerilla, aux résultats très discutables . D'autant que la lutte armée renforce globalement le Système, en favorisant le déploiement ouvert de la puissance militaire, et en justifiant son durcissement global . Par contre le développement du Système tend à rendre la diffusion de l'information quasi gratuite, le bruit étant la forme de censure . Il est possible que cet aspect soit une chance historique de transformation .
Pour le lecteur qui m'aura suivi jusqu'ici, les différences entre l'Encyclopédie et Michéa risquent d'apparaître subtiles, puisque Michéa montre sa connaissance de phénomènes historiques entéléchiques, de la réduction du symbolique, comme de l'aspect fonctionnel de l'idéologie « matérialiste ». Pour l'Encyclopédie, le désenchantement du monde n'est pas un progrès, mais l'effet sur la construction symbolique du monde de la réduction du symbolique ; en clair, Michéa reste pour nous un penseur issu de la lignée des Lumières, et déterminée par elles, et donc, malgré toute sa puissance et sa détermination, restant dans l'ontologie lié à ce qu'il dénonce .
Du point de vue de l'Encyclopédie, la constitution d'une politique issue du Grand Refus passe par la constitution d'une ontologie systémique . Il importe d'analyser les conséquences sytémiques de la constitution des universaux comme économie, société, nature... sur la production idéologique thématique, faite d'analogons thématiques du premier analogué, qu'il n'est pas simple de déterminer à travers le déroulement labyrinthique du cercle herméneutique . Car l'étude de ces thèmes de manière non critique ne pourra rien produire de plus que le renforcement de l'illusion que ces universaux ou genres idéologiques principaux sont des nécessités de fait, des réalités naturelles . Et n'oublions pas que ces catégorisations de l'Être sont des parties fonctionnelles du Système, au service de son entéléchie ; et qu'elles informent même la structure de la psyché individuelle, compréhensible sous la forme d'une « personnalité de base » distincte de personnalités de base du passé, sans parler d'autres mondes . Or un être humain privé de mondes voit s'affirmer sa dépendance aux puissances du Siècle .
Je continuerais ma lettre ouverte en travaillant la thèse que la pluralité des mondes et des lois est un point fixe de la liberté humaine . Mais tout ou tard, il faudra en arriver, dans cette lettre ouverte, à la question : que faire?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire