Discriminations VI : le sens du dispositif de domination, maximisation de l'exploitation comme "libération".


(Otto Muehl, bodybuilding)


La société technologique déploie la même finalité immanente quel que soient ses fins affichées ; c'est cette finalité que je nomme l'entéléchie du Système, la direction automatique qu'il prend au delà de tous les masques idéologiques, et qui est la maximisation du déploiement de la puissance matérielle .

Si le problème est posé comme étant la constitution d'un type d'homme et d'un type de monde par l'outil, on saisira donc aisément que l'outil technique construit l'homme comme prédateur de l'être, assimilant le monde à ses désirs par l'utilité, hiérarchisant les phénomènes sur le critère de l'utilité à ses buts, et mesurant cette "utilité" par des quantités . La destruction du monde ne laisse pas des qualités, des formes, mais de l'informe quantifiable . Sans tronçonneuse, un arbre est un repère, un abri, un pilier pour tenir une cabane, un refuge, une réserve de bois par ses branches, un producteur de fruits...avec tronçonneuse il devient une masse, une quantité de bois, un grume en m3 ou en tonnes .

Le monde constitué par une telle vision est mécanique et vide de sens . Comme le monde constitué par la perspective, à la Renaissance, en voulant saisir le visible et rien que le visible, nie l'évidence du caractère sémiotique de l'être, nie que le visible pointe toujours un invisible, même pour un regard aussi objectif que celui de Sherlock Holmes . Dans les infimes détails qui échappent à Watson, Sherlock voit le reflet du monde vécu, le temps passé . Le caractère sémiotique, significatif, du monde n'a pas besoin de transcendance, de croyance en Dieu pour exister déjà, et il n'est qu'immanent chez le détective ou le pisteur indien . Le visible est un signe qui délivre des signifiés ; mais reconnaître ce sens ne se peut faire, le plus souvent, qu'en contemplant avec un regard autre que celui du prédateur . L'interprétation des Galapagos par Darwin n'est pas le regard de la conquête et de l'exploitation, qui assimile à soi par la destruction . Il existe un conflit entre les scientifiques et les techniciens face au monde . La vision purement statistique du monde est directement déterminée par la constitution de l'homme et du monde par l'outil et la force mécanique .

Je pose que la description statistique du monde est un sous système ontologique-idéologique du Système Général . La statistique telle qu'elle est instrumentalisée (et non nécessairement sa théorie mathématique, je ne suis pas actuellement en état de me déterminer à ce sujet) doit donc par hypothèse servir à maximiser le déploiement de la puissance matérielle . S'agissant du gouvernement des hommes, la statistique doit permettre l'exploitation maximale des "ressources humaines", y compris en éliminant les obstacles à cette exploitation maximale . Pensez à la Loi Organique relative aux Lois de Finance (LOLF), et à son architecture visant justement à maximiser le retour sur "investissement", qui paraît rationnelle et séduisante, et pourtant broie toute définition qualitative, et donc juridique des obligations d'un service public . Il ne s'agit pas d'un simple outil de gestion, mais d'une vision du monde où l'argent est la puissance déterminante de tout processus politique ou social . Déterminante, au sens où le payeur est souverain ; déterminante, au sens où toute l'architecture politique et sociale est construite par et pour lui . Elle conduit à une exploitation maximale des ressources, humaines ou non . La politique, nommée "gouvernance" prend la forme cauchemardesque de l'hyperrationalité de la porcherie industrielle, où les bêtes sont fixées au sol pour ne pas dépenser de calories, ou du poulailler industriel . On se rappellera alors que le premier métier d'Heinrich Himmler fut éleveur de poulet . Et alors que dans l'agriculture la fin paraît être la nourriture humaine, l'oppression des hommes pour la production ne peut être qu'un processus de maximisation indéfinie sans finalité autre qu'elle même, toujours recommencée . Grâce à l'écologie, on maximisera indéfiniment les économies d'énergie- mais là encore dans quel but ? Tout simplement pour permettre la survie du Système : les écologistes veulent par un puritanisme général, la restriction consciente de la consommation, organiser la survie du Système : laissons leur cet objectif grisâtre et stupide .

L'exploitation maximale des ressources humaines exige de balayer tout ce qui empêche la structuration unidimensionnelle des relations humaines par le marché, et qui doit conduire, par la précarisation générale, à une baisse indéfinie du prix du travail humain, et des obstacles à l'exploitation de ce travail . Par exemple tout ce qui gêne la mobilité géographique, l'enracinement, la nation, l'appartenance culturelle, la stabilité relationnelle, une régulation du marché immobilier privilégiant les locaux, etc ; tout ce qui gêne la mobilité d'un individu sur les types de poste, comme les "préjugés" concernant le caractère féminin ou masculin d'un métier, les monopoles ethniques sur certains métiers, etc...L'ensemble de ces limites peut paraître constituer des vestiges des corps de métiers que la loi Le Chapelier a démantelé dès 1791, pour détruire les solidarités ouvrières face aux propriétaires . Il est clair que la dissolution de toute société autre que le marché du travail est un facteur de croissance, de maximisation du déploiement de la puissance matérielle, par l'employabilité maximale, ou mobilisation totale de la main d'œuvre . Très clairement encore, les techniques de maximisation de l'exploitation dont les transnationales sont le laboratoire, les ressources humaines, sont issues des mêmes laboratoires de technologie idéologique, juridique et de domination des hommes que "la lutte contre les discriminations" . Les mêmes hommes, les mêmes techniques sont à l'œuvre .

La portée de cette observation doit être méditée . Les laboratoires d'élaboration des matrices idéologiques modernes, en quelque sorte tirent indéfiniment pour chaque domaine d'étant délimité par le système les conséquences du Système général, et de l'idéologie racine . Ces laboratoires manipulent dans l'optique du Système les structures anthropologiques profondes de la culture des peuples imprimées dans la langue . Le modèle humain, la totalité de la pensée humaine implicite est mise au service du système ; et le caractère implicite qui protège normalement ces structures de la manipulation (elles sont hors de question, elles sont les bases de la communication, car on ne peut communiquer, y compris en s'opposant, que sur l'horizon d'un accord fondamental) devient une grande faiblesse, puisque les peuples ne peuvent trouver d'arguments pour les défendre, ne sachant pas qu'elles pouvaient même être discutées .

Le Système est en train de produire le langage, l'ontologie, le type anthropologique qui puissent être fonctionnel à son entéléchie . Une fois le processus totalement achevé, il sera presque clôturé, et paraîtra inexpugnable .


VII : la production des discriminations, ou examen rapide des procédés statistiques de constitution des agrégats discriminés :

Pour faire des statistiques sur une population, il convient de réaliser des agrégats . Je définis un critère quelconque, et je cherche à voir si ce critère est corrélé par d'autres . Il existe une indéfinité de critères possibles pour classer les êtres humains ; et nombre de corrélations sont des truismes . Par exemple, la taille moyenne et l'âge sur les premières années .

Un statisticien peut créer une indéfinité d'agrégat dans une population . La constitution d'un "groupe discriminé" peut être totalement arbitraire . En général, pour constituer une discrimination, on évalue la richesse moyenne (patrimoine et revenus) et la domination moyenne (soit par exemple le pourcentage de cadres dirigeants de grands groupes) d'un agrégat défini par un critère, et on compare à la population générale . Ainsi les hommes de plus de cinquante ans dominent incroyablement les hommes jeunes de 18 à 25 ans . (Un seul critère, l'âge) . Les jeunes seraient bien plus discriminés que les femmes ? Je le pense, mais la société répond non, car les différences sont légitimes au regard de la classe dominante . Il diront que tous passent par cette inégalité, et donc qu'elle n'est pas une inégalité réelle . En réalité, les générations sont traitées de manière très inégale, mais cela dérange les maîtres oligarques, globalement issu des générations privilégiées .

Une remarque essentielle : les critères de valorisation d'un agrégat sont le service du Système et ce qui le mesure, l'argent : les revenus et les places d'encadrement . Ceux qui définissent les critères de classification sociale sont par définition dans leurs classifications les bons, les "gens tels que tous veulent devenir ". C'est très banal et se retrouve chez tous les peuples sauvages . Voici les critères réels et uniques valables de hiérarchisation dans le Système : l'argent et les postes . Les autres sont mesurés par eux . Les compétences scientifiques de pointe, la beauté physique par exemple sont un moyen de gagner de l'argent, beaucoup et très vite ; les qualités sportives aussi, et c'est ainsi que le mental ou le physique sont mesurés, par l'argent et la participation à l'encadrement du Système . Les mannequins, les sportifs participent à cet encadrement autant et plus que "les forces de l'ordre" ou les enseignants .

Les revenus et l'encadrement sont les critères sérieux, voilà pourquoi le Système se moque de la culture et de l'appartenance ethnique, voilà pourquoi il est "tolérant" . Cela ne choque personne qu'un enfant pauvre ne puisse accéder à une plage privée à cause de sa pauvreté ; il ne peut pas payer, c'est tout, casse-toi pauvre con, et cela est juste ; c'est par contre scandaleux si un riche, qui peut payer, ne peut y accéder à cause de son origine, c'est une discrimination . Tout lecteur sait que je n'invente rien . L'exclusion pour fait de pauvreté d'un espace public payant ne peut constituer une infraction à la loi .

Pour le Système, il importe peu qu'un noir écoute de la musique noire, et mette des vêtements ethniques, tant qu'il reste sérieux, cadre, et riche par ailleurs . Voyez l'avenir de la société industrielle de (...) sur ce point .

Par contre être Peul, ou Breton, ou Indien, ce n'est pas porter un costume une fois par an, c'est une habitation du monde au fond incompatible avec le Système . Aussi la "lutte contre les discriminations"se moque au fond de défendre des peuples, des langues ou des coutumes de ce genre, et préfère "lutter contre le racisme" . La "société de la diversité" de "la lutte contre les discriminations" est une "diversité" sur tout ce qui n'a aucune importance . C'est pourquoi cette "société de la diversité" place sur le même plan une communauté nationale, liée par une langue, une histoire, des coutumes, des ancêtres, comme la "communauté peule", et une "communauté" aussi fantomatique que la "communauté gay-et-lesbienne", qui ne partage au fond que des boîtes, des bars, et quelques consommations .

La revendication régionale des Corses, des Basques ou des Bretons n'est pas vraiment légitime, elle est même discriminatoire . Les Corses veulent une priorité à l'embauche pour leurs nationaux, et cela est "raciste" . La diversité régionale n'est pas la "diversité"des théoriciens de la "société multicolore" . Leur "diversité" est dans l'idéal spatialement homogène, à l'intérieur de l'Empire du Système : elle est le marché unique de la force de travail, des "ressources humaines" en comptant la consommation comme un travail . Dans ce marché unique, la réussite de chaque "communauté" est mesurée par son accès aux postes d'encadrement et aux hauts revenus . Ainsi les indiens d'Amérique peuvent-ils être mis au service du Système que toute leur culture condamne au nom de la lutte contre les discriminations . On poussera, au nom de "la fierté de leur nation", des représentants de ce peuple à prouver qu'ils peuvent être des cadres de grandes entreprises, des ingénieurs . On présentera comme des réussites et des exemples d'intégration ceux qui ont élevé des grandes fortunes, géré des prisons ou les forces de police tournées contre leur communauté, voire même des pénitenciers qui abritent leur propre frère . Le Système qui promeut "la lutte contre les discriminations" avance masqué, étant par nature assimilateur par ruse ou par force, destructeur, aussi xénophobe qu'aux belles années du XIXème siècle, mais au nom de la morale . Ah, les douceurs de l'ingérence humanitaire qui font des cadavres par centaines de milliers!

De plus, la constitution des groupes statistiques selon le principe du tas, de la collection d'individus sans liens, ignore la réalité des stratifications sociales . Ainsi toute structuration culturelle de la société est mesurée à l'aune du marché, par ce qu'elle rapporte aux individus . Ce qui distingue une société d'un tas est justement son organisation . Cette différence est abyssale . La différence entre les grandes civilisations de l'histoire repose entièrement dans cette différence : autant dire, toute civilisation humaine repose là . La pratique moderne des statistiques exclut par principe ce que tous les hommes du passé pensaient comme essentiel . C'est un aspect du processus que Nietzsche appelait le "nihilisme européen", et c'est un processus fonctionnel au Système .

Les statistiques ne reflètent par principe que les effets de l'organisation sur les individus . En clair, aucune autre mesure n'est simplement envisagée par le Système que la sienne, la quantité, et surtout la quantité de production . Il est évident qu'à la mesure du Système, le Système est meilleur que les autres organisations humaines . Il est tout aussi évident que les autres organisations humaines n'ont pas les mêmes fins . Mais ce dernier point n'est pas évoqué dans le Système . Et qu'on ne me parle pas des recherches sur le bonheur national brut : qu'est ce qu'un bonheur qu'un chiffre peut exprimer ?

Nous retrouvons dans le traitement de la société comme un tas de gens, et un tas ayant une production additionnable, le préjugé essentiel de l'idéologie racine : les pôles constituent les liens, et les liens ne dépendent que de la nature des pôles . Il suffit de connaître tous les individus pour connaître la société . Dans le cas de l'agrégat "femmes" le fait qu'être femme (ou "pauvre") soit une réalité relationnelle dans un groupe défini d'hommes, la définition et le rôle de la femme étant très variables selon les cultures, et donc de nature différente qu'une réalité définie par relation à d'autres groupes humains, comme "européen", est tout à fait passé sous silence . Cela ne signifie pourtant rien moins que traiter l'agrégat "femmes" comme un groupe en soi, et l'extraire du groupe global, n'est pas scientifiquement légitime, est une opération idéologique, comme examiner la "pauvreté" sans vouloir mettre le nez sur la réalité des sous systèmes de domination d'une société . Pour donner une image, c'est la même opération d'aveuglement que quand un médecin nazi disait à propos des juifs du Ghetto de Varsovie affamés volontairement, "les juifs n'ont pas bonne sante et sont obsédés par la nourriture", comme si c'était un fait de nature, un trait psychologique caractéristique des "juifs" .

Que les femmes fassent partie des groupes sociaux inégaux en fortune et en domination que le Système sépare fonctionnellement, que l'on appelle aussi classes sociales, est tout bonnement nié par la statistique . La femme de chirurgien "inactive", peut très bien n'avoir ni fortune ni revenus déclarés, est-elle une victime de la société masculine ? Très simplement, les affirmations statistiques qui commencent par "les femmes", comme "les femmes ont des salaires plus faibles que les hommes", "les femmes sont sous représentées en politique" oublient (volontairement) que "les femmes" n'est pas un groupe réel au regard du fonctionnement du Système, que les femmes s'intègrent aux différents groupes réels et partagent leur sort, par exemple au groupe des "pauvres qui vendent leur force de travail", "des propriétaires de capital", et plus encore de "l'oligarchie dominante" .

La lutte contre les discriminations fonctionne ainsi : "on" prend un agrégat statistique de ce genre, et "on" le présente comme "victime" à partir de statistiques "indéniables"et d'histoires édifiantes .

"On" "oublie" que d'autres statistiques seraient tout aussi parlantes, comme la fortune moyenne des "représentants", comme la probabilité d'un caissier-homme -blanc d'être un jour député comparée à la probabilité similaire d'une black-fille d'ambassadeur-science po, E.N.A, P.S...On ne s'en rappelle que quand la caricature du recrutement devient flagrante et que cela diminue la valeur du récit mythique sur "l'excellence des grandes écoles", alors comme Science-Po, comme l'école du Louvre, on intègre quelque banlieusards pour "protéger" son image, le "souffle de son mythe" (sic) .


VIII : La discrimination comme masque des liens réels d'oppression : la lutte contre les discriminations, opium du Système .


Le critère de définition de l'agrégat est pris sans examen comme la cause de l'oppression . Alors l'abolition du critère, aussi absurde cela soit-il, peut devenir un objectif, comme dans le féminisme queer, qui veut reconnaître quatre ou cinq sexes pour lutter contre "l'oppression masculine" . Prenons le cas des viols de femmes allemandes par les russes en 1945 : les viols étaient le résultat de la défaite ; mais on les présentera comme la réalité de l'oppression masculine sur "les femmes", non des vainqueurs sur les vaincus . De même, l'esclavage "des noirs" n'a pas touché toutes les catégories sociales africaines, puisque les marchands d'esclaves étaient noirs ; et tous les "blancs" ne s'en sont pas rendus coupables . L'exploitation économique se masquait de motifs raciaux immondes que l'analyse objective n'est pas obligée de reprendre . L'exploitation économique des immigrés n'est pas due à leur couleur et à leur origine, mais au fait que le Système promeut l'exploitation des faibles, des déracinés : il est trop facile de "lutter contre le racisme" en "oubliant" précisément l'exploitation, ou le racisme comme cache sexe du capitalisme .

Car la lecture purement raciale de la traite reprend les catégories des trafiquants . Ceux ci prétendaient que les esclaves étaient ainsi par nature, parce que de race inférieure, et non esclaves parce qu'exploités et traités comme tels . C'est pourtant cela, la vérité : il n'y a esclave que parce qu'il y a exploitation, domination ; et ceux qui étaient dominés dans le monde des exploitants, comme les paysans pauvres, eux aussi exploités, n'étaient pas complices de l'esclavage, alors que les marchands africains d'esclaves l'étaient . Si "les noirs" sont statistiquement défavorisés, il ne s'ensuit pas logiquement qu'aucun "noir" est effectivement victime de discrimination, ni surtout que tous les noirs sont victimes par nature . Cette catégorisation par la couleur est malheureusement réelle mais infamante, car les différences sont aussi grandes entre les "noirs" qu'entre les "blancs", entre les Corses et les Bretons par exemple ; mais il ne viendrait à l'esprit de personne de faire des statistiques sur les "blancs" . On n'est pas victime par nature, mais par sa fonction dans une relation de domination présente ou passée . Si un membre de l'oligarchie est noir, il n'est ni victime ni représentant de victimes, sauf s'il a été effectivement élu pour l'être . Car c'est cela le jeu : les membres de l'oligarchie veulent s'agréger à une catégorie "dominée" pour bénéficier des avantages de la représentation médiatique, et avoir un bouclier moral protecteur . Ils pourront dire : "on m'attaque parce que...je suis ceci ou cela...". En clair pour les opprimés qui me lisent, la catégorie "X" et les particuliers médiatiques qui la représentent n'améliorent en aucun cas ton sort . Ils se servent de ton sort pour culpabiliser les autres à leur profit ; peut être te donnerons-t-il des miettes avec condescendance . Toujours devant la presse...

Si je reprends le cas très simple des femmes, la catégorie de "femmes" comme "opprimées" aboutirai (mais on ne le fait pas car le ridicule est évident) à soutenir que la femme rentière de la grande bourgeoisie est opprimée, car elle est sans emploi, donc exclue de l'autonomie économique dans le langage libéral, par rapport au manutentionnaire en intérim, lequel l'opprime probablement en tant qu'homme dans l'idéologie féministe . Notons que pour maximiser l'emploi des ressources humaines, les hommes du Système en viennent à définir le fait d'être sans emploi comme une oppression, par une inversion idéologique significative du statut d'esclave, où le fait d'être inoccupé était une libération .

Toutes ces constructions d'agrégats nient en particulier la réalité des relations de domination dans le Système pour en inventer d'autres .


IX : Représentation politique et représentation médiatique dans la lutte pour le pouvoir .

Une fois l'agrégat statistique constitué et posé comme victime, la machine médiatique de propagande l'impose, et on trouve des associations et des groupes, et aussi des individus qui veulent se pousser dans le Système pour s'en revendiquer et demander plus de puissance . Ici intervient la représentation médiatique . La définition scolaire du critère discriminant rejoint la force d'impact de l'oligarchie médiatique, et donne à l'oligarchie médiatique une part déterminante de la légitimité de "représentation".

La représentation démocratique fait d'un personne le représentant de ceux qui l'ont élu, pour un élu syndical par exemple, ou un élu de la Nation, par une opération déjà proche de la manipulation du concept de représentation, pour les députés . Mais le représentant démocratique n'en est pas moins un élu . La représentation médiatique des minorités se passe d'élection, et résulte d'un mélange de caprice des puissants et de cooptation . Cette représentation reprend le défaut de la représentation : le tribun de la plèbe s'agrège au groupe dominant et "oublie" de soutenir les miséreux qu'il doit défendre ; sans aucun de ses avantages, à savoir que le représentant élu doit tenir compte de ses électeurs .

Du point de vue logique les médias sont racistes de manière simpliste : pour eux "un noir" est toujours, à moins d'être plus déterminé, un exemple de la catégorie "noir", et parle au nom des "noirs", surtout quand il dit ce que le Système attend de lui, et c'est vrai de tout "représentant" . On n'hésitera pas à demander à un mannequin de parler "au nom des femmes". Certains peuvent devenir représentants médiatiques permanents de leur catégorie, accédant ainsi à l'oligarchie dans sa portion dominée, comme les leaders syndicaux et ceux des partis "écologistes" ou "ouvriers" . Cet acceptation d'un rôle fonctionnel est nécessairement une complicité . Cela commence cependant à transpirer même dans le bon peuple, comme l'atteste le propos du délégué syndical CGT de Molex sur France Info, à propos de B Thibault, dirigeant assimilé de ce syndicat : "cette racaille"

On l'a vu, un représentant médiatique d'une catégorie statistique est un oligarque qui se la joue représentant d'une minorité, ainsi une femme qui représente les femmes, ou un "noir" qui représente les "noirs", ou un écologiste qui représente la nature, ou un autre qui représente les oiseaux, un enfin les étoiles, etc . Dans la représentation médiatique, se joue le spectacle de la représentation des "minorités opprimées", par des oligarques, ou des gens qui aspirent à le devenir et monnayent médiatiquement les critères visibles d'appartenance aux nouvelles catégories statistiques, qui permettent au maire de Paris d'appartenir à une catégorie victime de l'histoire, quand un clochard homme blanc cumule toutes les appartenances statistiques qui le constituent oppresseur général des agrégats "victimes" qui se multiplient à l'indéfini .

Chose extraordinaire, inversion spectaculaire des conflits de classe, la femme ministre de naissance bourgeoise doit réjouir les caissières : la cause des femmes progresse ! La femme ministre, ou représentante du patronat, est sœur des femmes du prolétariat : cette logique de négation des antagonismes sociaux dans la société capitaliste est structurellement celle du corporatisme bourgeois . Il s'agit de rassembler dans un groupe unique -là les métiers, qui font de Louis Schweitzer et d'un ouvrier intérimaire Chinois des "travailleurs de l'automobile", des frères quoi!, ici les "femmes", qui font de la présidente du MEDEF et d'une bonne philippine en situation irrégulière des "femmes", des sœurs quoi !

De la même manière, nous l'avons vu, un critère secondaire de détermination de l'identité, l'orientation sexuelle, la pratique de la chasse de loisir, est "suffisant" pour constituer des "communautés" mises sur le même pied que des communautés historiques pourvues d'une langue, de tradition et de liens qui en font des communautés authentiques . De ce fait, avec le poids de la concurrence, de nouvelles "communautés" ne cessent de chercher leur place au soleil, avec de nouvelles "discriminations", comme les "surfeurs", les "teufeurs" moins bien considérés car dépenaillés, les nains, les obèses, les laids . Des universitaires les soutiennent avec des succès non négligeable, comme Amadieu, de la Sorbonne, qui soutient les "obèses" et a intégré la HALDE . Les nains se plaignent de la hauteur des poignées de porte des toilettes, les obèses de leur largeur, ils n'ont qu'à faire sur la porte pour manifester . il n'y a que les connards qui ne voudront pas s'organiser comme tels, pourtant quel lobby cela ferait !

Tout devient discrimination : qu'un employeur ne veuille pas d'une femme obèse comme hôtesse d'accueil ou barmaid, que les obèses soient considérés comme moins attrayants...que les laids soient moins séduisants que les beaux...bref, on se révolte contre les frustrations qui sont de l'ordre des choses . Il n'y a pas de beaux dans un monde sans laids .

"On"glorifie des "gagnants", même un peu minables, et vouloir des gagnants est vouloir des perdants, des tas de loosers . L'homme fonctionnel au Système, surtout s'il a de l'argent, ne comprend la frustration comme partie de l'ordre des choses ; ses désirs sont tellement minables qu'ils lui paraissent atteignables, tous, et considère comme son droit de se satisfaire . L'homme fonctionnel a un imaginaire désertique, ignore l'utopie, et fait mentir Hegel, qui définissait l'Esprit comme une puissance d'autodépassement continuel .

Le Système pour se fermer doit faire de l'homme un être clôturé, borné, prévisible, l'analogue de l'homme nouveau des totalitarismes antérieurs : « En tant que son apparence épuise entièrement son essence et sa représentation sa réalité, la jeune fille est l'entièrement dicible ; comme aussi le parfaitement prédictible et l'entièrement neutralisé »( Tiqqun, THJF, p 30) .



(domination anonyme...)



Un tel être est incapable de changer les règles du jeu où il se perd ; il veut le jeu, il veut gagner . Face à cette impossibilité, il se bute, devient passif et impuissant, comme une mouche sur une vitre . T'es con et t'es moche, mais c'est ton droit de séduire, d'avoir une vie sexuelle, et tu te plains à la société en bouffant des gâteaux "pour compenser"en t'empoisonnant du venin de ton ressentiment . Quelle espèce de merde voudra d'une merde comme toi ? Ellroy a écrit : "juste un peu trop gros pour vivre" dans American Tabloïd . Moi je ne plains pas les cons et les moches dévorés par le ressentiment, et qui pleurnichent sur leur sort, parce qu'ils n'ont qu'a se prendre en main . Regardez Gainsbourg . Et la mort est là pour tous . C'est la frustration qui fait la grandeur de l'homme .

Ainsi le libéralisme moderne "pluraliste" relance la structuration totalitaire de la société, avec la dissolution des ordres sociaux dans une masse indifférencié, un marché des ressources humaines flexibles et donc sans attaches spatiales, sans autres attaches que des modes de consommation(n'en déplaise à Soral), mais sous les emblèmes kitchs de "la société multicolore". Nous verrons plus loin que cette dissolution représentée comme plurielle alimente le "tribalisme" des masses dans le marché du travail libéral, et donc le racisme, qui est historiquement un produit spécifique de la civilisation industrielle .

Les groupes dominants trouvent aisément des complices, qu'ils nomment "représentants", et qui soutiennent leur volonté de monopolisation des critères . Cette grande parade de l'oppression spectaculaire a l'immense mérite de présenter les Maîtres comme des gens généreux, luttant contres l'injustice, les préjugés du "peuple", et de leur permettre de mettre une pression supplémentaire sur les aspirants au pouvoir qui n'appartiennent pas à ces "minorités".

Dans ce contexte, il importe de valoriser le"mérite" et d'abaisser l'"héritage", naturellement quant il ne s'agit pas de Martin Bouygues ou de Charlotte Gainsbourg . Aussi les hommes de la bourgeoisie rurale deviendront-t-il premier ministres, mais pas très branchés...Tous veulent être juifs allemands de nos jours ! Alors que les véritables personnes humiliées sont par exemple les hommes blanc ruraux, pauvres, machistes et ploucs, sans titre historique à l'oppression, petits agriculteurs incapables de trouver femme sans dépenser dans des agences qui travaillent avec l'étranger, magasiniers humiliés des supérettes rurales, les électeurs de Chasse pêche nature et tradition, ceux que moquent tous les spectacles de Deschiens !

La grande parade des "opprimés" médiatiques ne fait pas oublier que la réalité unique de la hiérarchie sociale est celle de la propriété . La hiérarchisation permet en effet de définir les droits et les devoirs de chaque groupe dans la société globale . Pour ce qui nous concerne, Louis Schweitzer, actuel président de la HALDE, dans "Mes années Renault" Gallimard, 2007, cité par le canard enchainé du 19/08/09 précise: "Les actionnaires n'ont aucun devoir . En revanche, ils ont tous les droits ." Voilà le résumé synthétique le plus net de ce qu'est l'essence de la "lutte contre les discriminations".

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Zinaida Serebriakova