Si je t'oublie Jérusalem...je t'attendrais.

(William Blake, planche de l'album "Jérusalem" : Albion et Jehovah)



Sur les rives des fleuves de Babylone, là nous nous assîmes, et nous pleurâmes au souvenir de Sion. Aux saules qui les bordent, nous suspendîmes nos harpes; car là nos maîtres nous demandaient des hymnes, nos oppresseurs des chants de joie. "Chantez-nous [disaient-ils],un des cantiques de Sion!" Comment chanterions-nous l’hymne de l'Éternel en terre étrangère? Si je t’oublie jamais, Jérusalem, que ma droite me refuse son service! Que ma langue s’attache à mon palais, si je ne me souviens toujours de toi, si je ne place Jérusalem au sommet de toutes mes joies! Souviens-toi, Seigneur, pour la perte des fils d’Edom, du jour [fatal] de Jérusalem, où ils disaient: "Démolissez-la, démolissez-la, jusqu’en ses fondements!" Fille de Babel, vouée à la ruine, heureux qui te rendra le mal que tu nous as fait! Heureux qui saisira tes petits et les brisera contre le rocher! Psaume 137.





Les ombres creusent d'abîme le flanc des falaises au crépuscule comme
Le ressac creuse le roc
Les lames creusent mon torse d'amertume
Ma gorge est emplie de sable et de varech
Le congre s'enroule sur mon col et serre
Comme la cravate des endeuillés
Les ombres des perdus en mer
L'eau vrille le karst et creuse des galeries sans étoiles
Tel est le labeur des humains
Se retourner du Haut désir
Partir sur l'horizon
Pour creuser des tombes éphémères dans l'onde

Tristesse est un ver rongeur dans
La charogne de mes souvenirs
Je me noie dans les routes lactées des sphères.
Mes souvenirs sont morts de te vivre
C'est une bonne chose de mourir

Sur la falaise
Quand le vent incline les hautes herbes de la prairie
Quand les feuilles mortes tournoient et jouent autour des fleurs
Je pense à toi
Le vent porterait mes paroles
Au dessus de l'océan
Au dessus des grandes villes portées à l'incandescence de la mort
Illuminées de la férocité du
Travail dur et forcé
Quand le foyer des mondes s'exténue dévoré par la fatigue des corps
Quand l'espoir s'exténue à n'être que gain de choses et que
Se perd
La soif des mondes
L'amour du lointain
Le Haut désir du haut tant désiré
Le chemin de la lune .

Loyauté a fait défaut
Et Justice n'est plus que mot
L'eau céleste s'écoule par les canaux que le juste porte
L'eau de lune mouille la prairie le soir comme ton sexe
Quand le vent joue avec les feuilles mortes
Et que roulent les eaux blanchies par la colère des ténèbres
Tu es le juste au long manteau de nuit jeté sur mes épaules,
La porte du ciel,
Et le souffle de vision qui s'écoule des lèvres,
Portant les nuages d'or dans la nuit des yeux
Voyants comme ceux d'un corps mort
La flèche du désespoir
Qui touche le cœur des ténèbres et
Éclot la floraison de la Lune
Sur l'alizé
Des horizons
Intérieurs .

Le sang de corbeau du ciel nocturne s'est écoulé sur
Les neiges noires des cendres de la lune et
J'ai vu sourire tes yeux
Au nid délicat du vide
Mon cœur marche
Au battement de tes pas
Sur l'asphalte infini
Des ailleurs.

Sur la route de la baleine,
Sur le chemin de la lune
Pour toi
Pour le nombre qui ne saurait être un autre
je garderais la route
Le poème prend puissance face aux abîmes
Et aux promontoires déserts quand hurle
L'hiver de l'âme


Je t'attendrais
Pareil à un phare sur la mer
Qui pleure au dessus des eaux
Se vivant d'embruns et de vent

Je t'attendrais infiniment
Sur les cycles indéfinis des mers
Devant toutes les vies et devant toutes les morts
Sur les rives des trottoirs s'effacent les passants
Et les pas s'effacent sur l'estran

Je t'attendrais infiniment

Sur tous les cycles infinis des hommes
Et les cycles du poème
S'écoulent la rosée et le sang des vivants
L'homme meurt et le sang vit
La chair et le sang de nos souffles
La fleur éternelle
La saveur
Le parfum
S'élève

Et à nous
Nous sommes toujours déjà présents
Et toujours séparés de nous-même
Quand la voix s'efface .
Devant toutes les vies et devant toutes les morts
Reçois ces fleurs jaunes
Le feu de la lune
Que je meure si je t'oublie
Jérusalem
Je t'ai toujours attendue
de-ci, delà, comme une feuille morte.

Je t'attendrais
J'entendrais tes pas
Tu marche sur mes yeux
J'attendrais ces larmes
Infiniment

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Nu

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Zinaida Serebriakova