Pain et vin . La vérité comme faim et comme soif .

(Dürer, essais de fleurs)


A Hölderlin, frère du pain et du vin à la table des dieux .

Il est un grand mal qui doit être mieux connu du penseur, et qui est le reniement de son cœur – du cœur de l'être, celui qui est à droite du corps - au nom de la raison, de la soi-disant raison, qui n'est que le nom de l'idéologie . Le vivant a besoin de vivre, et de vivre de la vérité ; il a besoin du souffle des étoiles comme ses poumons ont besoin des souffles d'air . Mais la vérité ne se trouve pas dans les articulations les plus fines des systèmes sémantiques . Les systèmes sémantiques sont des voies, des forêts éperdues où il n'est pas de maisons de forêt, si ce n'est dans l'illusion des contes des hommes . Il est bon de les parcourir, et mauvais de s'enfermer dans les ronces passées en barbelés d'un système de mots . Les mots sont les mots .

Il est hors de la portée de l'homme de clore le langage, de fermer les chemins de forêt ou les portes du ciel . Blake écrit : car l'homme s'est enfermé en lui-même et voit le monde par les étroites fissures de sa caverne . Il peut sembler à l'élève, qui écoute les paroles d'un Maître, qu'il ne puisse aller au delà de la sphère de ses paroles, image de la Splendeur de la voûte céleste . Mais celui qui n'ose pas dépasser son Maître est un timoré .

Alors les paroles du Maître ne sont plus ce qu'elles doivent être, des étincelles jetées dans l'obscurité sur le chemin de la vie, qui permette de le dépasser . Car l'homme n'est autre que le dépassement de soi-même, et le Maître sait qu'il sera dépassé s'il est digne d'être un maître authentique . Dans le livre III du Metalogicon, Jean de Salisbury fait dire à son maître Bernard de Chartres : Nous sommes des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux.

Le Maître doit élever, et ainsi porter au dessus de lui ; car ce qui le porte n'est pas l'amour de la puissance, mais l'ardent désir du Haut tant désiré ; et ainsi, si celui qu'il a porté contre son cœur est au dessus de lui, il en ressent une grande joie – si, comme Jean le Baptiste le dit de Jésus : il faut qu'il grandisse et que je diminue (…) je ne suis pas digne de dénouer la lanière de sa sandale . (…) voici ma joie, elle est parfaite .

Il n'est pas de grandeur plus haute, pour l'homme terrestre, que de savoir devenir nu, renonçant, petit . L'homme qui marche vers l'Un est en compagnie d'un jumeau, est une syzygie de l'homme mort et de l'homme de lumière . Une très ancienne parole dit : pas de série pour le nombre un . La nécessité unique, le trépas, père de la douleur – rien de moins, rien de plus . Il n'est d'autre issue pour un être qui a atteint son plus haut degré que de disparaître, de connaître l'extinction . C'est bien la boisson la plus amère, et la plus grande, de se savoir et se dire serviteur . Qu'un homme élevé comme Ibn Arabi se soit voulu serviteur, ou agneau de Dieu, est un signe de la vérité de ces paroles . Dante n'a pas eu de lieu pour poser ses livres et sa vie . L'homme le plus établi est pour le Ciel un nomade - et celui qui le sait chante l'éternité de la fleur éphémère .

Le serviteur du Verbe ne peut clore les spirales indéfinies du verbe, ce que tout système, tout jugement se propose de faire sans cesse, comme une onde qui repart à l'assaut dans le déroulement de ses spires, en vain . Le verbe est un chemin indéfini – il est ce souffle qui passe entre les lèvres des hommes : le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix – mais tu ne sais d'où il vient ni où il va . Aussi le Maître a t-il ajouté : ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés . Il n'est rien de plus étranger à l'homme spirituel que le système philosophique . Rien n'est plus illusoire que la puissance des vérités, des théories . Woland déclare justement à ce sujet, dans le Maître et Marguerite, en parlant à la tête coupée d'un homme mort :

Ce sont des faits . Et les faits sont la chose la plus obstinée du monde . Mais ce qui nous intéresse maintenant, c'est ce qui va suivre, et non les faits déjà accomplis . Vous avez toujours été un ardent défenseur de la théorie selon laquelle lorsqu'on coupe la tête d'un homme, sa vie s'arrête, lui même se transforme en cendres et s'évanouit dans le non être . Il m'est agréable de vous informer, en présence de mes invités, et bien que leur présence même soit la démonstration d'une tout autre théorie, que votre théorie à vous ne manque ni de rigueur ni d'ingéniosité . D'ailleurs, toutes les théories se valent . Il en est une, par exemple, selon laquelle il sera donné à chacun selon sa foi . Ainsi soit-il ! Vous vous évanouissez dans le non-être, et moi, dans la coupe en laquelle vous allez vous transformer, je suis heureux de boire à l'être !

D'ailleurs, toutes les théories se valent . Voilà exactement ce que Ibn Arabi aurait pu dire de la philosophie : elles se valent pour ceux qui y croient, étant des puissances déterminées de vertu, et des puissances indéterminées d'enfermement, comme l'être est tissé d'indétermination, c'est à dire d'infini . Les théories, les systèmes, ferment l'accès à l'infini reflété par le verbe comme le bleu de la mer est le reflet de l'azur du ciel . La voix est l'aile qui porte les mondes en suspens dans l'air . C'est la voix qui porte, le verbe qui emporte, et non les idées encloses sur elles-même, et qui ne portent pas de fleur ni de fruit . Et les vagues de sa voix me bercent et m'entrainent sur le rayon de lune, comme les alizés autrefois sur la mer berçaient le vaisseau fantôme .

Les paroles que je prononce sont des paroles de science, de saveur de la vie : de gnose . La gnose n'est pas un système, ni une possession, mais un récit, une symbolisation de souffles, de crépuscules, de vies humaines indéfinies . Depuis très longtemps les maîtres de parole, qui ne sont ni les poètes ni les hommes du souffle et du serpent, veulent la puissance des mots comme possession ; ainsi sont nées la sophistique, la logique, et les sciences locales au sens moderne, des mots de puissance et de possession, avant devenir à nouveau déprivées de mots, des domaines techniques – des domaines d'appropriation de l'inanimé où l'inanimé s'approprie l'animé... Les maîtres de parole veulent dire non l'être, par le poème, mais les étants, saisir leurs essences pour les classer, les déterminer, les partager, les ranger dans des boîtes . Il est possible de le comprendre par le double sens du mot essence .

L'essence du sage extatique est le noble acte d'être, cette puissance imprévue de l'aurore déployant de la dissolution de la nuit les éclatantes couleurs et les mystères du monde ; et le langage, tel Adam nommant les animaux, est le frère du souffle de Dieu donnant la vie et déployant la lumière et les ténèbres de son Verbe, pour créer cette splendeur devant laquelle Dieu lui-même s'extasie d'une auto-extase, d'une félicité dont l'être plié de la conscience d'Adam est l'image . Ainsi le poète ordonne et dévoile la Splendeur à l'image de Dieu, et ainsi le poète, le barde est l'enchanteur, et le double occulté du Roi .

Et le poète sait aussi que tout le spectacle somptueux du monde, toute sa gloire, son essence, est vent et poursuite du vent, aussi bien vacuité que souffle, vide et or du monde résumés dans le cœur de l'Un . L'essence du manifesté comme manifesté est le souffle, le passager – ainsi l'ego de l'homme est la flamme fragile d'une bougie au vent, quant tes mains jointes en cercle ne la protègent pas de son nid de chair et de peau . Ruteboeuf dit : Ce sont amis que vent emporte – et il ventait devant ma porte – les emporta .

L'essence du manifesté comme manifesté est identité, et l'identité est vide et tournoyante ; et l'essence du manifesté comme non-manifesté est l'éternité invisible de la puissance, le centre immobile et sans dimension de la roue des mondes . Comme les mondes et les étoiles, le sage est un être tournoyant . Blake note : The man who never alters his opinion is like standing water, and breed reptiles of the mind . L'homme qui ne change jamais d'opinion est comme une eau stagnante, qui génère les reptiles de l'esprit . Le sage est libre vis à vis des théories, car les théories ne sont là que pour manifester la Splendeur . Tout ce que nous avons vu n'était du qu'à ta métaphysique . Car lorsque tu as fui, je n'ai plus vu qu'un joueur de harpe sur une rive, au clair de lune .

L'essence de l'Un est l'être, l'éternité, l'instant infini sans durée . Le tissu du monde visible est l'infime très précieux, insaisissable, le germe de tous les mondes résumés dans l'oeuf de serpent . Dans ce sens le parfumeur saisit l'essence de la Rose pour la déposer dans ses parfums précieux, qui sont des microcosmes de jardins .

L'essence dans le langage du maître de parole est l'essence d'une substance, son « identité » nécessairement attribuée par une puissance se voulant souveraine, la puissance humaine . Cette essence d'une chose est une saisie dans le langage pour opérer une détermination, une négation, une appropriation et un contrôle, l'initiale du principe d'identité, des papiers, des statistiques, des autorisations, des livres de comptes . L'essence de rose du chimiste est une liste de composés organiques, dont il est possible de faire une réplication synthétique dont le prix sera plus compétitif – il n'est pas de profondeur de la saveur, pas de microcosme, juste au fond une odeur là où d'autres voyaient un monde ; et une liste de signes, de chiffres, de diagrammes – une saisie complète en apparence, mais où se perd l'insaisissable .

Il ne s'agit pas de revenir indéfiniment aux poncifs de l'opposition de l'ingénieur et du poète, mais de comprendre que dans chaque homme se posent ces choix – le puissant désir d'appropriation est un voile qui se dépose sur l'objet désiré ; le moteur du désir d'appropriation ne peut être approprié . Car l'acte d'attribution d'une essence est une réduction de l'étant singulier au cas particulier d'un système de pensée . L'acte de réduction à une essence sémantique fait de l'étant singulier, un abîme de sens possible, un signe de l'ensemble de tout être en puissance un étant particulier : le cas particulier d'une règle posée par la volonté de l'homme . L'acte d'attribution d'une essence n'est pas le dévoilement d'une essence préexistante, mais une détermination, une négation, une fermeture, une appropriation : au fond, le prélude d'un anéantissement . Le processus d'appropriation et le processus du nihilisme sont un et même .

Celui qui cultive des Iris dans le monde moderne ne peut voir l'Iris avec les yeux de Dürer, la preuve de l'existence de Dieu . Blake dit à l'ange de la philosophie : Je perds mon temps à converser avec toi dont les œuvres se limitent aux analytiques (d'Aristote)...

Il importe de voir que les maîtres de parole qui imposent des essences, des identités à des choses déterminées, veulent avec force que leur monde soit le Vrai Monde, et pas le monde de Turner, un monde sans formes ni limites, donc sans identités ; et nombre d'hommes, et même des penseurs, en viennent à penser que si un conflit nait entre une théorie « scientifique » et la perception vécue immédiate, il faut sacrifier la vie . Dans l'ancienne Église catholique, on parlait déjà de sacrifice de l'intellect, quand des affirmations de l'Église semblaient contredire l'évidence de l'intellect...Le monde du sacrifice de l'évidence sensible n'est pas meilleur que le monde du sacrifice de l'intellect .

Cette problématique est très ancienne . Je prends l'exemple de Zénon d'Elée . En vérité, si Zénon cherchait à nier le mouvement manifesté par ses paradoxes – ce qui me semble faux, car Zénon ne cherchait qu'à donner tort, au contraire, aux négateurs de l'Un – il était aisé au philosophe de marcher pour lui présenter la réalité vécue du mouvement .

Voilà un paradoxe de Zénon :

Car, si l’être était divisible, supposons-le sectionné en deux, et ensuite chacune des parties en deux, et que cela se reproduise sans cesse, il est évident que : ou bien il subsisterait certaines grandeurs ultimes qui seraient minimales et insécables, mais infinies en nombre ; ou bien il s’évanouirait et se résoudrait en ce qui n’est plus rien, et serait constitué de ce qui n’est plus rien ; deux conclusions qui précisément sont absurdes. Donc il ne sera pas divisé, mais demeurera un. De plus, en effet, puisqu’il est semblable en tout point, si on lui attribue la divisibilité il sera divisible semblablement en tout point, et non pas ici divisible et là non. Supposons-le donc divisé en tout point : alors il est évident que rien ne subsistera, qu’il s’évanouira, et que s’il est vrai qu’il soit constitué, il sera à nouveau de ce qui n’est rien. Car tant que quelque chose en subsistera, le procès de division en tout point ne sera pas encore achevé. En sorte que il est encore manifeste d’après ce qui précède que l'Être est indivisible, et sans parties, et un.

Un commentateur moderne note : De toutes les apories qu’un Zénon relevait dans le concept du mouvement, il n’y a pas lieu de conclure que le mouvement n’existe pas mais bien qu’il est contradiction en acte . Contradiction en acte, c'est à dire qu'il est en acte des contradictions logiques, des faits que dans la logique, le principe de non-contradiction déclare impossibles ; ou encore, entre ce qui ne peut être pensé mais qui est, et ce qui peut être pensé et qui n'est pas, il n'est pas possible de choisir rationnellement le deuxième - car c'est la même chose de penser et d'être si et seulement si l'être est le principe de la pensée . Le principe de contradiction énonce : une substance ne peut pas être et ne pas être en même temps et sous le même rapport ; et le mouvement d'une substance montre une substance qui est en un lieu et n'est pas dans un lieu en même temps et sous le même rapport . Les paradoxes de Zénon sont d'un homme disciple de Parménide : il défend l'éternité de l'être un qui tisse le monde illusoire des apparences mouvantes . L'unicité de l'être, un intangible principe traditionnel que Blake formule ainsi : God only Acts and Is, in existing beings or Men . Dieu seul Agit, Dieu seul Est, dans les choses existantes comme dans les Hommes .

Depuis l'affaire Galilée, de nombreux hommes ignorants - Héraclite note : L'étendue des connaissances n'enseigne pas à avoir l'esprit ; sans quoi elle l'aurait enseigné à Hésiode et Pythagore, et encore à Xénophane et Hécatalos – ont préféré l'apparence de mots et de théories scientifiques à la vie . De ce que la terre semble immobile et le soleil accomplir de larges cercles, et qu'ils soient persuadés que c'est l'inverse qui est vrai – alors que dans un univers indéfini, choisir le repère soit un acte de souverain, et qu'il n'est aucune obligation pour le souverain d'être plus simple, ou le plus simple, bien au contraire – ils ont considéré que toute expérience vécue qui se trouvait contredite par une théorie devait être niée . Ils ont douté de la vie même pour sauver leurs réseaux de mots et de nombres, dont ils sont devenus les valets . Après Laplace, ils ont cru au déterminisme contre l'évidence de leurs journées passées à faire des choix . Voyez les notes de Claude Bernard, le fameux expérimentateur qui fut une nouvelle idole de la IIIème République : nous nous croyons libres, comme nous croyons que le soleil se lève et se couche...Ils ont cru au caractère illusoire de la vie dévoilé par la science, et ils y croient encore . Ils ont cru être la fin de l'existence humaine, et ont cru de manière institutionnelle au racisme, avec le consensus des scientifiques des derniers siècles . Voyez Gould, la mal-mesure de l'homme, si vous en doutez, ou allez dans une bibliothèque et voyez un Larousse ou une encyclopédie des années 1880 à 1945, ou une revue anthropologique prise au hasard . Certains croient même encore la fable plaisante que des millions d'années d'évolution humaine ascendante ont conduit jusqu'à eux, et que n'importe quel être obèse, au faciès porcin, habitué à toues les trahisons et à tous les mensonges, peut être supérieur au grand Platon, du seul fait qu'il affirme que la Science a donné tort à Platon, à la télévision, devant un journaliste qui ne sait pas de quoi diable il s'agit, et reste bouche bée .

Il n'est pas sage de tant s'extasier sur Galilée sans utiliser la puissance de négation et de réflexion de Galilée . Il est indéfiniment plus important pour l'homme de se savoir gouverner que de savoir que la terre tourne autour du soleil – , et se savoir gouverner, c'est ce qu'il ne sait toujours pas . Il ne faut pas se laisser impressionner par les mots qui évoquent des fantômes comme la Science – car ce n'est pas l'édifice théorique qui gouverne l'expérience, mais l'expérience qui gouverne l'édifice théorique .

Chacun devrait une fois dans sa vie méditer la Logique de la découverte scientifique de Popper, qui fut un penseur sincère et rigoureux, ce qui d'emblée le place à part de l'essentiel des philosophes professionnels modernes . Il existe une dissymétrie expérimentale . Une théorie ne peut pas, par principe être prouvée . Elle peut être, et difficilement, et de manière discutable, testée . Ce que Popper n'ajoute absolument pas, puisque sa conception de la philosophie est d'abord théorique, c'est que le grand appareil de la Science n'est pas déterminant pour une philosophie qui se veut avant tout une philosophie de la vie, du Manuel, des pensées pour moi-même . Bien au contraire, le grand appareil de la Science est une des plus grandes matrices idéologique de l'idéologie moderne, un lieu de production d'illusions et de mensonges très éloignés de la liberté d'imagination et de construction tant des mathématiciens d'Alexandrie, que des scientifiques de l'âge classique comme Kepler ou Newton, jamais très éloignés de Platon, de la gnose ou de la sorcellerie .

Ce qui est grand, c'est de s'opposer aux croyances du peuple quand cela est juste ; et ils sont très loin de s'opposer à de telles croyances, les laquais de la Science . Tout ceux aujourd'hui qui condamnent le racisme oublient que leurs pères l'on enseigné, ou appris sur les bancs de l'école . Tous ceux aujourd'hui qui sont « à gauche » oublient que le courage ne réside pas dans la nature des idées, mais dans les réalités du champ idéologique, dans l'isolement de celui qui s'oppose au consensus d'un champ . René Bousquet, chef de la Police de Vichy, est devenu un radical socialiste des Trente Glorieuses très convenable – quand le lieutenant-colonel de la Roque, chef des Croix de Feu dans les années 30, fut un authentique résistant de la première heure condamné faussement pour collaboration après la guerre . Et croyez bien que tous les gens très convenables qui aujourd'hui défendent le politiquement correct auraient été marxistes-léninistes en Russie en 1970, ou pétainistes en 1940 . Ce n'est pas le contenu du politiquement correct qui est à vomir, c'est la structure de soumission qui le porte – c'est une forme qui peut contenir absolument n'importe quoi, qui est aussi dépourvue d'éthique que la mâchoire du grand requin blanc . Ce qui est à vomir, c'est d'attendre d'un homme la soumission aux arcanes idéologiques de son temps comme une évidence . Wilde a écrit ces fières paroles d'un homme libre :

Il y a des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l'existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose (...) Le monde pris en masse est un monstre bourré de préjugés, rempli de préventions, rongé par ce qu'il appelle les vertus, un puritain, un poseur . Or l'art de la vie est l'art du défi . Le défi, voilà ce pourquoi nous devrions vivre, au lieu de vivre comme nous faisons, en acquiesçant . Qu'un homme cultivé puisse accepter les normes de cette époque me semble la pire des immoralités .

L'homme maître de lui-même est celui qui a abandonné l'idée de s'entendre dire ce qu'il voit, vit ou sent . La vérité, cet être infime, ce miroir voilé, est le pain et le vin, la saveur des mondes . Ô mon amour lointain, comme je connais mieux la nostalgie et la tristesse des horizons écarlates que toutes les vérités illusoires des hommes ! Eckhart dit :

La Sainte Écriture insiste partout sur le fait que l'homme doit se détacher de lui-même . C'est seulement dans la mesure où tu te détaches de toi-même que tu es maître de toi . C'est dans la mesure où tu es maître de toi que tu te réalises toi-même . Et c'est dans la mesure où tu te réalises que tu réalises Dieu et tout ce qu'il crée à jamais .

Vive la mort, et vive la guerre idéologique des hommes libres !

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Nu

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Zinaida Serebriakova