Sans humanité ni concession quelconque – à Hafez .

(Walter Bird, incognita, 1938)


Car tous ceux-ci — soleil, terre, ciel et mer — sont un avec toutes leurs parties, qui sont dispersées loin d'eux dans les choses mortelles. Empédocle .

La guerre continue, ô Hafez !

Lorsqu'à l'aube le Roi de l'Orient planta son étendard sur les monts
De sa main de grâce mon compagnon frappa à la porte de ceux qui espèrent .
Lorsque le matin vit clairement ce que serait l'amour du ciel tournant
Un beau rire s'éleva, frappant l'orgueil de ceux qui réussissent [dans l'éphémère]

Quel être au cœur de fer lui a donc appris la règle de la guerre (…)
Que de sang avons nous bu et d'âmes livrées, pour son honneur (...)

Lorsque la nuit dernière à l'assemblée ma bien-aimée se leva pour aller danser
Elle dénoua ses cheveux et noua le cœur des compagnons
De leur teinture de bon ordre je me lavais les mains au sang du cœur
Quand ses yeux noirs donnèrent à boire à ma raison

L'amour l'emporta seul sur des milliers, comme l'aube d'été brûlant les étoiles (…)
De sa fortune souveraine la Roue du ciel a cerclé le temps
.

(Du Ghazal 149)

J'ai marché dans la voie de la haine et je ne suis pas un homme de pardon . L'homme est issu d'un rameau révolté, car le fils est aussi le révolté et le séparé par essence . Et j'ai vu trop de mon père, trop de défaites et d'humiliations, des défaites banales, affreuses d'être sans relief, de salarié et d'homme marié . J'ai tellement senti dans mes tripes ces mots d'un griot : L'image de mon père en agonie, en chaînes, au fond d'un cachot, restera l'image de ma vie . Sans cesse, elle hantera mes rêves . Quand je l'évoquerai ou qu'elle m'apparaîtra dans les épreuves ou la défaite, elle décuplera ma force ; quand elle me viendra dans la victoire, je deviendrais cruel, sans humanité ni concession quelconque . Termine Koyaga .

Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages.

Je ne protesterais pas de la mise à mort de celui qui a tué, ni de celui qui a humilié un père devant son fils à dessein . Apprenant qu'un de ses hommes avait tué d'une flèche un voleur de chevaux, Témudjin déclara : un voleur de moins ! Et César fit retrouver et étrangler devant lui les pirates qui l'avaient rançonné, au temps de sa jeunesse .

Sans doute la vengeance est-elle l'ombre des étoiles, à l'origine . Il est une vengeance céleste, la vengeance des ténèbres dévorant le soleil . La fureur et le soufre m'ont nourri, quand d'autres buvaient du lait . Les yeux sont les organes des sens les plus proches du soleil . J'ai admiré la force et méprisé le faible ; j'ai humilié l'homme humilié de ma superbe, j'ai ri de sa faiblesse . J'ai été un homme mauvais, un homme de vengeance . J'ai cru que l'homme supérieur était une position, une noblesse, et que l'homme inférieur était l'homme du ressentiment et des arrières mondes . J'ai cru que la vie n'avait qu'une loi, tuer ou être tué . Je ne le renie pas . La Rochefoucauld a dit : Il y a des héros en mal comme en bien . Je n'était pas un héros .

Puis j'ai appris la compassion .

J'ai marché avec la haine, et aspiré au sang...mais j'ai découvert la pitié sous le poids de ton regard et de tes mains sur mes épaules, posées comme de grands ailes – j'ai découvert l'amour qui fait mouvoir le Soleil et les autres étoiles sans un mot . Mes yeux se remplissent de larmes salées comme l'estuaire quand ils se remplissent de ta splendeur, de la nuit de tes yeux . Tu as vu les anciennes blessures, et elles ont aussitôt été tes amies, des tigres et des loups dressés et sages .

Non pas moi seul, mais mon lignage, le souffle de mon sang, la haine vigilante et désespérée du sourd aux yeux perçants, et les visites dans sa prison, ses signatures sur ses livres, sa maison si cossue dans sa petite ville... et le grenier rempli de livres, de souvenirs de morts et de naufrages, de coffres de bois sombres emplis de papillons multicolores...les photos sépia des noëls ligueurs...le revolver et les papiers enterrés dans une boîte de fer...l'ombre des pendus sur les murs blancs du jeune homme... Tu as pris les anciennes blessures et tu les as jetées au vent, comme de la poussière, comme des pétales de fleur au vent d'été – tu les as pris d'un rire, du souffle d'un baiser . J'ai vu les tombes, les fiches, les noms, les enfants...J'ai pleuré, pleuré de tout mon être durant des jours en me lovant dans les laves de l'amour la nuit . Parfois l'ancienne blessure s'éveille, et le sang perce, et l'amertume de la rage folle, tapie au plus profond du cœur...Roméo accuse l'ordre absurde et la haine des familles de Vérone, et porte cette haine dans son cœur débordant, et répand le sang des Capulet . Parfois je parle si durement...Pourquoi comme un ami la pitié me manque-t-elle, quand tel le cobra elle s'insinue sous la pierre du cœur ? Pourquoi la lune se voile-t-elle à la lueur du sang répandu ?

La vie a été un miracle . J'ai appris ce Nom, le Miséricordieux . J'ai eu tellement honte de ma haine, comme si ma propre main avait pu blesser ta peau douce, ou tuer les tiens, dans les labyrinthes de la vie . Nous avons invoqué la bienveillance, les promesses du passé avant les crimes des pères, l'alliance infinie des mondes, les pays au delà de la mer, la réconciliation des mondes et de l'homme par la sève, le sang, le souffle et l'orage . Nous avons vu la réconciliation, nous avons reçu grâce sur grâce de nos baisers fous, nos baisers d'oiseaux de mer . Le souffle de Dieu allait à la surface de l'abîme, au dessus des eaux...J'ai appris à voir les mondes par Tes yeux, ô Miséricordieux; par le silence des abîmes né du souffle des baisers à la surface des eaux sombres . Et il vit que cela était bon . Dix mille être éclosent, et il n'en rejette aucun . J'ai entendu ces mots dans une bouche amie – chaque être à sa place, et elle lui est parfaite .

Tu es le Miséricordieux, la rédemption des mondes, et c'est mon cœur desséché par la fatigue qui m'accuse . Ô ma soif, quelle eau, quel sang l'étanchera ! Dieu me préserve de la haine, de la triste haine ! Afin que je sois plus semblable à Lucibel, l'étoile de l'Aurore, qui reflète le soleil dans les ténèbres avant que la Splendeur ne réchauffe le cœur vide de ce monde . Dans l'aube se lovent le chèvrefeuille, la rose et le magnolia, sublimes parfums effleurant l'homme avec la finesse du tranchant d'un sabre idéal, trempé dans le désert des laves, du feu et du soufre de souffrance . Ce qu'un homme atteint entre dans sa vie à le toucher, comme une peau d'amoureuse . Alors l'homme de feu peut aller au delà de saisir l'étincelle, au delà de marcher sur la terre dans l'harmonie de la justice, au delà de marcher dans la voie droite sur les eaux troublées des crépuscules – il peut faire du feu un ami, il peut se vivre du feu éternel – il peut être feu sans se brûler . Ô ma soif, quelle eau, quel sang l'étanchera !

Au milieu du chemin de notre vie, dans la forêt obscure, je me suis demandé comment être un arbre, enraciné dans la terre, les bras tendus vers le Soleil, qui fend le roc par la patience de ses racines, le roc des murs de nos prisons...comment d'un tronc unique Il a fait deux forces qui s'affrontent, la haine et la guerre sans fin sur la terre . Je suis feu, je le sais, mais le feu me brûle encore, et parfois me dévore . Dans les jours d'enfer souviens-toi de tes larmes à l'image de ton amour – souviens toi de ses pas de vagues sur tes yeux, du délice salé de tes larmes . L'amour m'a frappé comme un poignard . Il n'y a plus grand dans le monde que le cercle de tes bras – il n'y a rien de plus durable que le temps entre deux souffles de tes lèvres . Oui, en ces jours de souffrance souviens toi de l'amour, fou comme le grand fleuve qui se heurte sauvagement à la mer .

Que je meure si je t'oublie, Jérusalem ! Si je t’oublie jamais, Jérusalem, que ma droite me refuse son service! Que ma langue s’attache à mon palais, si je ne me souviens toujours de toi, si je ne place Jérusalem au sommet de toutes mes joies !

Des montagnes de l'horizon, avant que la nuit ne change le sang des sommets en ténèbres, je te rejoins, je viens à toi .

My oh me, my
Feet don't fail me now
Take me to the finish line
Oh my heart it breaks every step I take
But I'm hoping at the gates
...

La guerre continue, ô Hafez !

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Nu

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Zinaida Serebriakova