Involution nocturne du dragon.


Oh Seigneur

Quelle étrange peine, quel étrange destin est le mien !

Je me meurs d'angoisses et de folies
Et je me nourris de ma mort comme le vampire
De mon propre sang

Mes dents éclatent comme le raisin mur en mordant des braises
Et cela est douleur et eau limpide de la source scellée et larmes

J'ai pris au sérieux cette parole : sur la terre comme au ciel.

Mes ongles enfoncés dans la terre, entre les racines, j'ai connu le vertige de tomber dans l'abîme du ciel,

Le couchant rougir sous mes pieds

Chuter infiniment entre les bras brûlants de la déesse du Soleil

J'ai vu les grands poissons nager dans l'or liquide des réverbères

J'ai entendu la peine des hommes morts murmurée dans le vent nocturne
Entre les monts odorants

J'ai lu les milliers et les milliers d'étés 
Dans l’œil pensif de l'iguane et tellement d'amours et tellement de haines

J'ai été feu et folie entre les arbres
Porteur de mort dans les marais
Les longues graminées ont ployé sous les pins
Les arbres s'unissent d'amour et se sont fait
La grande guerre
Que de sang qui tourne comme les étoiles
S'écoule comme le lait 
Entre les racines

Et je vis encore

Comme un naufragé sur une rive à jamais oubliée
Comme un phare qui pleure sur la mer

Scrutant l'abysse
Le soleil nouveau jaillissant des flots blancs
Oh mon amour mon si bel amour
Tu es vie
Et je suis mort



Orient sur les fleuves des yeux.





Et que serait l'amour, s'il n'y avait le déchirement et l'exil

Ô mon bel amour du Haut tant désiré
Mon bel amour de loin

Voyageur à jamais étranger
Lisant sur la peau humaine
Les présages des hommes des aubes

Je jette les tiges d'achillée

S'écoule la perle d'Orient sur les fleuves des yeux

Comme un souffle errant appelle
L'esprit des morts
Que je meure si je t'oublie

Chasseur des ténèbres de l'
Étoile noire de la Nuit.

Universelle Araigne
Dessinant l'astre dans ses lacs

Vent vanité
Souffle
Insaisissable sont l'âme
Insaisissable le monde

Exilé
Je jette les tiges d'achillée

Des montagnes de l'horizon s'en vient
La brise parfumée
De ton souffle - ou un rêve

Ou de sang peut être

Oh mon amie, mon amie...pourquoi est-il si difficile de vivre, que parfois la douleur donne une voix et un appel au vide ?

Et pourtant il faut aimer le destin
Je jette les tiges d'achillée

Réflexions sur la fonction amoureuse de la mort, I.

(Araki). Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.


L'incapacité des vieilles générations à passer la main est une marque de l'interruption de la tradition, une incapacité à éduquer réellement et sincèrement, car éduquer réellement ses enfants est les éduquer patiemment à sa propre mort, et donc s'éduquer soi-même à mourir d'une bonne mort. La mort est l'essence de la transmission. La transmission est mort du messager, vie du message de la Tradition qui porte la résurrection de l'étincelle la plus haute du messager. La Tradition comporte, comme l'Ecclésiaste, de très clairs messages à ce sujet : « il y a un temps pour naître...et un temps pour mourir... ». La vie et la mort du Maître sont l'archétype de la transmission.

Les générations qui s'accrochent s'accrochent pour jouir, et au fond pour jouir de leurs propres enfants. Comme Saturne, nos vieux veulent dévorer leurs enfants, jouir des routes en camping-car en flânant au ralenti à l'heure du travail ; jouir de la sécurité, quitte à promouvoir la prison lors des élections ; jouir de retraites élevées, quitte à licencier massivement et à pressurer les salariés, par les fonds de pension, à "libéraliser" le marché du travail. Pour rien dans les mondes les vieux de l'âge moderne ne veulent renoncer, accepter la mort, faire de la place à leurs enfants . Et peu veulent vraiment des enfants, tous sont prêts à détruire la politique familiale pour payer les retraites, car ils savent obscurément le lien entre la mort et l'enfantement ; l'enfantement fait apparaître la mort comme Justice et comme Paix. La mort permet la réconciliation entre générations que les conflits vitaux rendent impossible, pollués par la nécessité et par l'intérêt.

Aussi les vieux mourants de l'époque, ces agonisants entassés dans de luxueuses maisons de retraite, ces mourants terrifiés consomment pour vivre de misérables jours de ténèbres en plus de quoi faire vivre tant d'hommes jeunes mourant de faim, et enfermés dans le cercles de fer du besoin, l'enfer sur terre . Ces millions de vieux mourants, ces quatre-vingt-dix pour cent de femmes de plus d'un siècle atteintes d'Alzheimer, préférant six ans d'agonie, de démence baveuse, à la mort digne des ancêtres de la forêt, au renoncement rituel , à la prise d'habit ultime, tous ces gens montrent que leur vieillissement les a laissés verts et pourrissants : il n'ont jamais mûri pour aucune récolte, ils ne passent pour aucune promesse.

Les types de liens entre les sexes sont liés aux classes d'âge et à la domination ; et en tout les jeunes gens sont de la baise, comme le dauphin Charles de Galles, maintenu indéfiniment dans la minorité royale à plus de soixante ans. Les grandes révoltes du dernier siècle furent aussi des révoltes de générations sacrifiées par leurs vieux, sacrifiées aux grandes guerres, sacrifiées à « la crise économique », à tout ce qui peut justifier le sacrifice.

L'âge et le vieillissement sont déjà des problèmes politiques, ils sont aussi porteurs de maladies spirituelles.

Le refuge de la Caverne, ou la légende des Sept Dormants.

(Les sept dormants d’Éphèse)

"Quand les jeunes gens se furent réfugiés dans la caverne, ils dirent : "O notre Seigneur, donne-nous de Ta part une miséricorde ; et assure nous la droiture dans tout ce qui nous concerne". Alors Nous avons assourdi leurs oreilles, dans la caverne pendant de nombreuses années", Coran, 18:11-12.


Je suis silencieux depuis maintenant deux ans, ou presque. J’ai perdu l’habitude d’écrire – c'est un vice des écrivains professionnels, que d'écrire par habitude. L’écriture doit être une surprise, ou rien. Si l’écriture n’apparaît pas issue du silence – comme les pas du Cerf qui apparaît soudain entre les arbres, quand l’homme a longtemps, figé, tendu l’oreille aux bruits de la forêt - l'écriture est vanité, vent sur les trottoirs des villes. Le silence, frère, est comme un vin doux, une fontaine gouleyante qui s’écoule sur le cœur. Il est le fond de la parole, comme la lumière blanche est le fond de la lumière.

Je ne me suis pas tu par esthétisme ou par morale cependant, mais par nécessité. Faim fait saillir le loup du bois, a dit Villon après la sagesse des peuples. Les êtres humains, de plus en plus nombreux en ce monde, qui ne comprennent pas cela, y compris pour eux- même, ont perdu une part d’humanité que la vie leur fera retrouver – tant pis pour eux ! Qu'ils mangent de la brioche ! Je ne reviens pas sur ce sujet.

Mais il est vrai que parfois, il faut se taire et ruminer lentement...tu retrouveras Nietzsche à chacun de tes pas. Se taire et ruminer...retrouver des voies d'évidence. Une voie d'évidence fut de retrouver chez Gramsci le fondement et la justification ultime du matérialisme dans la critique des idéologies : le matérialisme est le critérium de distinction entre la critique politique et le Spectacle, ou mensonge, tout comme l'expérience de la faim est un critérium du réalisme concernant le monde humain. Le Spectacle crée une seconde société, une aliénation du monde social où les rapports de classes sont complètement déconstruits et reconstruits dans un récit global de fiction. Dans le Spectacle, l'esclave peut devenir dominant, et le dominant victime ; l'oligarchie ne peut être composée que d'innocentes victimes, le monde du crime de bons citoyens, l'entreprise peut être citoyenne, la filiation peut être homosexuelle, les jeux du cirque voie d'éducation civique par nature, les journalistes vedettes grands reporters sans quitter leur studio. Bref, le lapin tue le chasseur, le lion dort avec l'agneau et partage son foin.

Le Spectacle et le narcissisme moderne sont des fonctions réciproques, puisque le rien n'est vrai du Spectacle s'accompagne du tout est permis des égos en folie. Dit autrement, Deleuze n'est jamais rien de plus qu'un théoricien du Capitalisme qui se croie extérieur au capitalisme.

Le matérialisme en tant qu'arme critique doit te faire voir ceci : l'exploitation est une réalité matérielle. Si un individu A est exploité par un individu B, ou si un groupe social A est exploité par un groupe social B, alors il est nécessaire que des flux d'argent ou de marchandises aillent de A vers B dans un échange inégal ( et pensable comme tel). Cet échange inégal doit de plus être conséquent, et visiblement recherché par B. Exemple :

Aucun flux de ce genre ne va des femmes de l'oligarchie européenne vers les travailleurs européens. L'inverse est manifestement vrai. Il s'ensuit que poser de manière générale que « les mâles » exploitent « les femelles » en dehors de toute considération de structure de production et de classe est manifestement une aliénation idéologique.

Autre exemple : au moment du commerce triangulaire, les paysans des sociétés européennes n'avaient pas accès en général aux marchandises issues de l'esclavage, beaucoup trop chères. Il s'ensuit que « les blancs » n'exploitaient pas «les noirs », mais que les bourgeois et la noblesse exploitaient selon des ordres juridiques différents des groupes blancs ou noirs, et ce fait est allé jusqu'à la conscience des boucaniers blancs qui se sont parfois alliés aux esclaves contre les maîtres. De même, les marchands d'esclaves en Afrique étaient le plus souvent noirs. L'esclavage est une illustration de l'exploitation, non du « racisme » ; et c'est une première piste pour montrer que dans le Spectacle, le « racisme » comme « l'antiracisme » sont des figures aliénées, des ombres dans la caverne, de ce qu'est l'exploitation réelle. La décolonisation ou la situation sociale de l'Afrique du Sud montrent assez que remplacer un maître blanc par un maître noir – peau blanche, masque noir – est une diversion de l'exploitation réelle, exactement comme placer des femmes issues de la bourgeoisie dans les ministères pour les caissières de supermarché.

***

Mon ami ! Ne parait-il pas étrange que je te parle de matérialisme après t'avoir parlé de silence ? Mais bien sûr cela a une fin, et une fin spirituelle. Se débarrasser de l'illusion est une des premières tâches de la sagesse ; et le matérialisme est donc une arme contre l'illusion du verbe humain si répandue dans le monde moderne. Je te dis d'être matois et silencieux comme le paysan des anciens temps : si on te parle de générosité, tend la main. Si elle revient vide, il est inutile de parler de générosité. La plupart des généreux modernes sont infiniment généreux en paroles : il veulent l'éducation gratuite pour tous, le revenu d'existence pour tous, le logement gratuit pour tous : mais ils ne produisent aucune richesse dont ils annoncent si royalement la distribution. Ils sont prêt à offrir ce qu'aucun effort de leurs mains n'a produit. Ils seraient incapables de maçonner une maison, de poser proprement une charpente, une couverture, une plomberie, une électricité aux normes, bref de faire et même de comprendre tout ce qu'ils possèdent.

Pour la plupart d'entre eux ; ils jouissent d'un logement et d'un revenu et décident que tous doivent en avoir comme eux, sans chercher à comprendre quel travail humain leur fournit tant de richesses avec si peu d'efforts – ils sont simplement des bourgeois immatures produits industriellement. C'est parce que beaucoup de fausses valeurs et de fausses générosités ne cessent de se multiplier qu'il convient plus que jamais, dans une voie spirituelle, de ne pas être dupé par son narcissisme généreux – qu'il est doux d'être le Bon, le Généreux, le Juste appelé à juger le monde et l'Histoire, n'est ce pas ? Et quelle sottise, et quelle misère se voilent sous tant de grandioses propos modernes ! Car sérieusement, à quelle générosité peut appeler celui qui ne produit aucun bien, l'éternel Étudiant, quel pain partagera-t-il, quel verre de vin, quel toit ?

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L'exploitation est une réalité matérielle et un lien entre des personnes ou des groupes. Quand ce lien est tranché, l'exploitation n'existe plus. C'est par la fonction sociale que se crée l'exploitation, non par la nature des personnes, ou par un caractère intrinsèque de cette nature, un caractère qui ne serait pas nécessairement associé à une relation d'exploitation. Pour être plus clair, ce n'est pas le sexe, la couleur de la peau, l'appartenance à une communauté qui fait de quelqu'un un exploiteur, mais l'exploitation effective d'une personne ou d'un groupe. Ce point associe la théorie du genre (exploiteur par nature selon le sexe) ou l'antisémitisme moderne ( exploiteur par nature selon l'appartenance communautaire). Cette direction de pensée – associer un caractère par nature à l'exploitation – est extrêmement faux, mais surtout pervers.

Car si l'exploitation est associée à un critère par nature (les exploiteurs sont les hommes, les blancs, les juifs ou les koulaks) alors l'élimination de ces personnes est la solution pour éliminer l'exploitation. Et qu'on ne me dise pas que cette perversion soit étrangère à la théorie du genre, puisque les idolâtres de cette théorie ont clairement formulé ce projet, soit concrètement, soit symboliquement, en essayant d'aligner tous les hommes sur le modèle féminin. Seul problème en pratique : une fois les bourgeois, les blancs ou les juifs, ou encore les hommes, privés de toute capacité matérielle d'exploitation, l'exploitation continue : simplement, les victimes ne sont plus identiques. Une fois tous les koulaks morts, il restait la nomenklatura ; dans le Reich, le capitalisme n'était pas du tout mort avec les juifs. Le capitalisme atteignit une sorte de perfection avec Speer et la guerre totale.

L'association de l'exploitation à un caractère intrinsèque d'un groupe humain est une perversion, un mal pur et simple de la pensée – et si ta main droite t'entraîne vers l'Enfer, il faut la couper. Très clairement, la théorie du Genre est une malédiction pour la gauche, comme l'antisémitisme est une malédiction récurrente de la droite.


***

Si un juif devient banquier, ou contremaître, sa tradition devient seconde et son intégration au système prioritaire. Il n'existe pas de différence fondamentale entre un banquier Indien, Pakistanais, Chinois, Qatari, Catholique, ou Juif en tant que banquier : ils parlent et servent la logique du Système, et le reste est par surcroît. Que tous s'appuient sur des réseaux communautaires n'est pas surprenant, ni même choquant, c'est inévitable. Si la logique exploitatrice ou prédatrice du capitalisme financier te rebute, tu ne dois pas diriger ton esprit vers l'aliénation de croire qu'organiser le capitalisme financier est une propriété ethnique ou culturelle, ou encore adhérer aux fictions sur les sociétés secrètes traditionnelles. Le Capitalisme est dévorant comme l'Enfer : il dévore le cœur des hommes et leurs cultures, leurs symboles. L'Enfer se paie aussi à prix d'âme. Que des sociétés secrètes aient servi de base à des opérations criminelles du Système, ou servent de pilier au pouvoir du Système, ne donne pas la vérité sur les loges et les voies traditionnelles. Le Système instrumentalise et dévore : les loges passées au service de l'oligarchie ne suivent pas la voie maçonnique, mais sont dégénérées vers le siècle. Et même les organisations criminelles traditionnelles ne sont pas naturellement capitalistes, elles sont dégénérées – et pas de mal de gens le savent, y compris en leur sein : l'honneur des hommes n'y est plus respecté.

Si tu accepte d'associer une communauté à une situation injuste sans discernement, tu diras que les enfants d'un banquier participent de l'exploitation. C'est matériellement vrai, mais c'est une perversion. Les enfants du banquier sont innocents, ils ne savent pas et ne sont pas vraiment conscients. Tu ne dois pas accepter des hypothèses qui t'amènent à faire le mal. Si un homme exploite d'autres hommes, et fait vivre des enfants, ou même des adultes dans l'ignorance de son exploitation, les enfants comme les adultes ne peuvent être légitimement victimes de vengeance. Ce n'est que lorsqu’on sait qu'ils savent, et se sont alignés sur leurs parents, qu'ils deviennent coupables, mais les héritiers sont toujours moins coupables aux yeux des hommes que les initiateurs. Pour te donner un exemple : si tu acceptes l'hypothèse d'une destruction rapide de l’État d'Israël, factuellement tu acceptes l'hypothèse d'un génocide. Et ce n'est pas bon.

***

Il convient de franchir un dernier cap. René Guénon a rappelé avec force : la tradition juive est, au regard de la Tradition primordiale, un surgeon parfaitement légitime. Celui qui écrit ces lignes est frère des kabbalistes médiévaux, et plus encore des kabbalistes chrétiens de la Renaissance. Le peuple juif est depuis l'origine, un sujet de fierté et d'enrichissement pour l'Europe, pour l'Empire, et depuis des milliers d'années. La tradition juive est un canal d'en Haut ; et il n'est d'autre malheur pour l'homme spirituel que la fermeture des canaux d'en Haut, ceux qui fournissent le monde, ce pauvre monde de plus en plus figé dans la cendre, en rosée céleste, parfums et feu.

Pour un traditionaliste, il n'y a rien à ajouter sur l'antisémitisme. Il est une maladie moderne, et la modernité commence au Moyen Âge. Je pourrais juste répéter les moqueries de Nietzsche.

A la fin de l'Empire Romain, toutes sortes de peuples ont envahi l'Europe, et la véritable question n'était pas de les chasser, mais de faire une nation avec cette multitude. L'Empire, le projet impérial, est de faire cette unité dans le respect de cette infinie diversité des deux sexes, des peuples et des hommes, des langues et des usages. La tradition Abkharienne ne dit pas autre chose quand elle dit que tout adorateur ne peut adorer que Dieu seul. L'Empire, c'est l'unité, la paix et l'harmonie de la multitude, sans exception du fou ou du mendiant. Une telle forme politique a existé, dans l'Empire Romain, Chinois, Arabe, Ottoman, Mongol : elle n'est pas utopique en tant qu’irréelle, mais universelle. En Europe, l'Empereur Frédéric II Hohenstaufen a porté cette forme politique en portant les titres de cosmocrator ou de pantocrator. Ce ne sont pas des titres illusoires ou narcissiques, chez un homme qui venait de partout, parlait toutes les langues et respectait tous les cultes ; elles signifient certes une souveraineté, mais aussi une bienveillance universelle. Que celui qui veut être le plus grand soit le serviteur de tous - telle est la parole du Maître au sujet de l'Empereur, que l'on retrouve dans les mots d'Ibn Arabi. Frédéric II est l'homme qui a obtenu le protectorat de Jérusalem sans guerre ni argent du Sultan d'Egypte, en discutant d'homme à homme – et la véritable fin de l'Empire est la paix – selon le Salâm, le Shalom, le paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté.

Le seul obstacle à l'Empire sont les oligarchies nationales, qui bloquent aussi l'Europe depuis plus de cinquante ans, et qui ont causé la fin de l'URSS. L'appropriation du sol et l'exploitation sans partage des peuples est la principale motivation du maintien des nations par les oligarchies nationales. Car elles n'y croient plus du tout en tant que projet politique ; à tel point qu'elles ne peuvent sans ridicule jouer la figure de l'Empereur, qui est le rôle véritable que jouent les chefs d’État. Ce qui maintient si solidement le morcellement infini de l'Europe n'est pas la défense des libertés, ou tout autre noble raison qui est toujours abandonnée dès que possible : ce qui maintient ce morcellement est l'intérêt concret des professionnels de la politique, tout comme le morcellement de plus en plus poussé de l'Afrique en est le résultat.

Melkitsedeq est une figure impériale traditionnelle, l'Empereur du tarot, et en même temps prêtre. Il est celui qui réunit les descendants d'Abraham dans un hommage commun – un hommage féodal, comportant une dîme : Melchisédech, roi de Salem, apporta du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu très haut. Il prononça cette bénédiction : « Béni soit Abraham par le Dieu très haut qui créa ciel et terre, et béni soit le Dieu Très Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains ». Et Abraham lui donna la dîme de tout.

L’État moderne ne trouve l'image de la paix et de l'unité impériale que dans la guerre. Il en trouve l'image, et non la réalité, car il fonde son unité sur la découverte de l'ennemi. Carl Schmitt a raison en tant que moderne, en définissant la politique dans le cadre de l’État moderne. En cherchant l'unité, la gauche ne cesse de se définir des ennemis : le Racisme, le Fascisme, le Machisme, et j'en passe – et la droite le Juif, l'Immigré, et j'en passe. Les ennemis de la gauche comme ceux de la droite sont des aliénations de l'exploitation capitaliste réelle, construits sur mesure pour un marché politique. La société moderne proclame la tolérance, mais a sans cesse besoin de force, de violence et de sacrifice, d'ennemis et d'exclusive. La production d'armes et la puissance de destruction accumulée vont au delà de tout ce que des millénaires d'âges sombres ont jamais produits. En désignant des ennemis, les ennemis de ce jour sont mutuellement complices de la mutilation, du morcellement de l'humanité, accompli pour donner des semblants d'unité à des factions. L'Empire est en tout l'idée d'inclusion – l'esprit de toutes les sectes qui se partagent les modernes est la proclamation permanente de l'inclusion ou de la réconciliation, et la réalité permanente de l'exclusion. Par exemple, la fascination pour le nazisme, issue de la fascination nazie pour l'unité du peuple dans un monde pulvérisé, est un piège – quand l'heure fut venue d'assumer un rôle impérial, le soit-disant Reich ne sut que diviser et permettre l'unité de l'ennemi. Les communautés juives, comme les peuples slaves, auraient pu servir un Empire Européen de toute leur énergie, de tout leur génie – et furent vouées à une œuvre aveugle et folle de destruction.

Le crime, mon frère, est une notion qualitative. Si un homme, une femme, un enfant, ont été déportés ou assassinés par un autre homme, je n'ai pas besoin de savoir s'il l'a fait pour tel ou tel nombre de toute manière insensée. Si des hommes, des femmes et des enfants ont été abattus nus devant des fosses, ou affamés à mort, je n'ai pas besoin de savoir comment, et combien de fois, pour savoir que les tueurs sont des assassins, et qu'un homme sage ne doit pas s'engager dans des chaînes de pensées ou d'action qui l'amènent, parfois de manière involontaire et trompeuse, sur de telles voies. Tu reconnaîtras l'arbre à ses fruits ; tu ne t'engageras pas dans une voie qui fait pleurer le cœur, et remonter la bile même des plus durs des hommes.

Devant les situations du monde, les modernes ne cessent de s'exhorter à l'action, de s’arraisonner au monde, et donc de se diviser. Il n'est pas nécessaire d'agir avant de savoir comment et pourquoi agir. Le non-agir est l'agir le plus puissant. Agir est toujours chercher l'ennemi. Et on le trouve toujours, vois-tu ?

***

J'ai eu un signe il y a peu. Les Sept Dormants d’Éphèse ont été pour moi un grand signe dans ma voie – et voilà que le livre qui m'avait montré ce signe est en fait un livre sur les sept moines assassinés à Thibirine. Ces hommes, dans la lignée aussi du Père Charles de Foucauld, lignée de témoignage qui est résolument du non-agir, travaillaient sur la compréhension de l'Islam et du monachisme chrétien, non sur la théologie, mais dans les actes. Et sans doute ces Sept Dormants agissaient-ils plus que bien des hommes. Car le nombre n'est qu'en tant que puissance et que signe. Et ainsi la prophétie rend-elle hommage aux jeunes chrétiens :

 "On dira bientôt : "Ils étaient trois, leur chien quatrième." Et on dira, tirant sur l’invisible : "Cinq, leur chien sixième." Et on dira : "Sept, leur chien huitième." - Dis : "Mon Seigneur sait mieux leur nombre. Il n’en est que peu qui le savent", Coran, 18:22.

L'alliance des hommes : du Serpent et du Papillon.



Il faudrait que je te parle...et c'est de plus en plus dur, comme si un nénuphar croissait dans mes poumons, à moi aussi, comme si l'espoir qui porte toute parole humaine devait être définitivement vaincu, entraîné dans des eaux noires et froides par je ne sais quel crocodile de l’orgueil...il faudrait que je te parle, pour te donner des choses qui sont l'essence de toute préciosité, comme la poussière de l'émeraude tombée du front de l'ange ; pour que tu les conserves comme un sceau sur ton cœur...

L'histoire du monde est l'histoire du désir et de la tristesse. Les anciens bardes avaient trois thèmes principaux à leur répertoire : le joie, l'amour, la tristesse et la nostalgie...cela fait trois, oui. Le monde réside dans l'amour, et l'histoire du monde dans l'histoire de l'amour.

Place-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras, car l'amour est fort comme la mort, la passion terrible comme l'Enfer; ses traits sont des traits de feu, une flamme divine. Des torrents d'eau ne sauraient éteindre l'amour, des fleuves ne sauraient le noyer.

Comprendra-tu, ô toi, comprendras-tu jamais ces mots : la passion terrible comme l'Enfer, la passion du Royaume de Lucibel. Et les eaux dont parle le sage Salomon sont les eaux d'en Haut les torrents d'eau lâchés sur la terre lors du Déluge, comme les eaux d'en bas, l'eau des quatre fleuves d’Éden. Comprend ces mots, et tu commencera à comprendre des choses que les hommes ont perdu, ont laissé derrière eux comme des archives pleines de poussière. Satan ne fut pas porté par l'orgueil, mais par l'amour et la nostalgie. Et cela aussi fut vain.

Tu nies parfois, mais tout montre que tu désires les ténèbres – la bouche de sang et d'émeraude, ou l'éclat vibrant de la peau en haut des cuisses. Satan fut porté par l'amour, et les sages savent un chose sur l'objet de l'amour – on ne peut prier que Dieu seul, on ne peut aimer que Dieu seul, que ce soit par l'image ou par ce qui la produit, le miroir. Quel fut l'objet de l'amour de Marie-Madeleine, dans le labyrinthe des objets d'amour, sinon Dieu seul ? Sinon, quel est le sens des mots du Maître : il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé...

Satan ne fut pas porté par l'orgueil, mais par l'amour et la nostalgie. Et cela aussi fut vain. Il lui sera beaucoup pardonné car il a beaucoup aimé.

Quand un homme donnerait toute la fortune de sa maison pour acheter l'amour, il ne recueillerait que dédain.

***

Et cette image aussi, cette image porte tout l'enseignement de la race des hommes, cette race qui est comme la race des feuilles d'automne. Elle montre le Serpent et le Papillon.

Le Serpent est le maître de la Terre, qui vit dans la poussière et se love sous les pierres. Voilà pourquoi le Serpent est celui qui poussa Adam vers la Terre. En montant sur l'Arbre de la Science, il devient l'image de Dieu au dessus de l'Homme, et en soi cette position est la première transgression, ou plutôt l'image de la première transgression. La femme a une relation spéciale avec le Serpent : puisque c'est par elle qu'il s'est élevé, en Ève, c'est par elle qu'il retourne à la poussière, Ève, car elle marche sur sa tête ; et il la mord au talon, c'est à dire à la colonne qui la relie à la terre, pour la tourner vers le Ciel. C'est pourquoi la Femme des fidèles d'Amour est Laure, l'aurore, ou encore Béatrice, la divine porte du Ciel.

La Femme des fidèles d'Amour a reçu le pouvoir des clefs à l'origine du Temps.

Le Serpent est la Terre, et l'Ouroboros, le cercle du Temps, dont nul mortel ne peut sortir. Il est un cercle de fer qu'il crée par sa morsure, par l'amour fort comme l'Enfer. C'est l'appétit au sens le plus ancien qui fait mordre, et ferme le cercle ; le Temps est le cercle du désir. Le Serviteur de la Roue peut avoir deux noms, dont le premier est Adam. Si tu comprends le deuxième, alors tu sauras ce que vois l'homme qui, au crépuscule d'hiver, regarde l'eau claire d'un lac, parmi les herbes du fond, au milieu des forêts.

Le papillon est d'abord la Liberté. Dans nombre de mondes, les prisonniers évadés, les hommes libres malgré la haine du monde, les voyageurs ont porté le papillon : tatoué, sur des bijoux, par exemple sur des bagues portant des pierres du Lune pour le ciel nocturne, ou des Lapis Lazuli veinés d'or pour le ciel étoilé, au crépuscule ; ou encore la turquoise, azur souterrain des pays de désert. Le papillon vole librement, mais aussi est éphémère, est vivant l'intervalle d'un soupir de Dieu, comme l'homme , et tout particulièrement comme l'homme libre se sait et s'accepte mortel. La vie est un jeu, le temps est un enfant qui joue, et celui qui ne sait pas, l'instant venu, nouer le Temps et l’Éternité n'est pas un homme véritablement vivant, héritier du souffle d'Adam passé dans la Terre.

Le moment crucial peut être l'instant présent ; l'instant crucial peut être le moment présent.

Il n'y a de vol de papillon que dans l'air. Il n'y a de liberté que parce que Dieu s'est retiré, comme la mer sur l'estran.

Le Papillon a aussi un deuxième sens, qui répond aux paroles du grand Origène aux habitants d'Alexandrie : transformez vous !

Le papillon est issu de métamorphoses, de l’œuf à la chenille, de la chrysalide au papillon déployé. Le cercle du Serpent est aussi le Cercle des métamorphoses. Sais-tu que l'on nomme des papillons grand paon de nuit, et un autre sphinx, et un autre encore phoenix ? Les noms des papillons étaient des noms de la science grecque des métamorphoses. Le Papillon est le symbole de la transformation de l'homme éphémère, et comme la Rose et les gemmes, de la splendeur du monde dans le Temps, de la splendeur de la Terre et des mondes souterrains. Je met des majuscules pour signaler les mots qui ne sont pas des signifiants de choses du monde, mais des concepts ; non pour être fastueux, mais pour ne pas égarer ton regard vers le monde quand je voudrais que tu le tourne vers toi.

Le papillon est dans le Cercle de fer du Temps, et pourtant il est aussi cette puissance d'en sortir, de disparaître. Disparaître est le propre du Soleil au crépuscule, et le propre de l'homme libre. Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix. Mais tu ne sais d'où il vient ni où il va.

Regarde les sous-bois : le chêne et le châtaigner vivent dans les vallées, le mélèze vigoureux sur les pentes les plus terribles, près des falaises, plus haut l'edelweiss dans la glace et le rocher, là où le souffle se fait court et l'homme peut mourir de froid en une nuit sans feu. Il en est de même pour les animaux. Le truite profite là où se noient les hommes, et la truite meurt au soleil, sur les fleurs, sur le lit des amoureux. Une autre émeraude à conserver repose dans ces mots : chaque être a sa place, et elle lui est parfaite. La splendeur de l'edelweiss naît là où l'homme meurt ; partout la vie apprivoise la mort. L'homme noble tue avec ses poings trente paysans, mais meurt de faim sur un champ fertile ; le paysan repose en paix sur sa terre quand l'homme noble et juste veille sur la tour aux brigands de passage. La princesse est incapable de produire un pain, mange de la brioche en chicanant, mais produit sur terre la poésie et la nostalgie que personne ne peut entendre sans larmes ni fidélité. Un seul de ses sourires sauve un poète.

Ne demande pas à l'homme noble de construire des vaisseaux comme le charpentier ; ne demande pas à la princesse de cultiver la terre ; ne demande pas au charpentier d'écouter le poète au rythme de ses outils de fer. Ne dis pas à tous les hommes qu'il est bon d'être roi, ou charpentier ; le malheur vient de ce que tous les hommes veulent désormais être beaux, forts, riches tous également, veulent être identiques à une place identique, et ne trouvent plus de place pour vivre. Le riche naît de la pauvreté des pauvres : et ainsi tous se haïssent et sont malheureux. Abandonne l'idée que tous les hommes doivent être mesurés à une mesure unique : c'est la cause la plus profonde de tous leurs malheurs.

Un homme ordinaire doit accepter et aimer la place que Dieu lui donne à travers l'Empereur ; c'est le secret de sa joie. Les hommes nobles combattront pour la reconnaissance : mais n'oblige pas tous les hommes à combattre pour une reconnaissance qu'ils n'auront jamais – comme si tous les arbres se mettaient à se combattre – le combat des arbres est un antique signe de malheur, vois la fin de Macbeth, l'homme noble des écossais.

L'homme noble combat et part dans l'errance, car il n'a pas de place dans le monde. L'homme noble est celui qui erre, non par joie, mais par destin – et sa joy est l'Amor fati. Le papillon est dans le Cercle de fer du Temps, et pourtant il est aussi cette puissance d'en sortir, de disparaître. Disparaître est le propre du Soleil au crépuscule, et le propre de l'homme libre. Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix. Mais tu ne sais d'où il vient ni où il va.

Le lien, la foi jurée à un autre homme, c'est la seule chose qui soit patrie pour l'homme noble, la seule chose qui le rende vivant. La foi jurée est la Terre Sainte de l'errant. C'est la dernière poussière d'émeraude : il n'est rien de plus grand sur la terre que l'amour et l'amitié. Et à ce titre je voudrais te rappeler une dernière chose liée à la disparition.

Dieu a tellement aimé l'homme et la folle liberté humaine qu'un beau jour – et il vit que cela était beau, très beau – il s'est levé et a disparu vers l'Orient. Il est mort sur la Terre. Il ne pouvait pas assurer sa promesse autrement, tu comprends ? Dieu s'est retiré pour permettre l'athéisme et l'infidélité, car l'athéisme et l'infidélité sont l'attestation de la fidélité des croyants. Voilà pourquoi l'Antéchrist est une figure du Jugement.

L'ami de Dieu aime tellement Dieu que sa foi jurée lui fait traverser une éternité de ténèbres. Tu sauras que de tout l'amour, le plus grand est aussi le plus distant. Un très grand amour – celui que très peu d'hommes connaissent, et dont ils se font une image à leur mesure et à leur ressemblance, avec leurs tout petits mondes de haies, de cases, de pavillons, de boîtes – est si difficile à vivre sans mourir... tu ne peux pas savoir. Il est un feu dévorant comme l'Enfer, dit l’Écriture. Il peut porter la mort et le malheur, comme l'amour de Juliette et de Roméo : il n'y eu pas de plus grand malheur que l'amour de Juliette et de Roméo. Dieu peut brûler, aveugler, plonger aux portes de la mort le vivant, car il n'est pas de ce monde de mort.

Dieu n'est pas miel, il est folie pour celui qui ne l'attend pas, pour Holderlin, pour Nietzsche. L'amour...on ne peut aimer que Dieu sous le Serpent et le Papillon.

Aussi le plus grand amour reste vivant éternellement dans le cœur du vivant. La foi jurée, la loyauté profonde, ne sont pas creusés par le Temps, comme la falaise de granit impavide face aux recommencements cycliques de la mer.

Il n'est pas besoin de revenir toujours - le papillon sur la fleur, l'arbre recouvert des tendres feuilles du printemps, le chant du rossignol au crépuscule sont des paroles de l'aimé, les pas foulant lentement l'herbe des cimetières sont des paroles de l'aimé. C'est pourquoi, ma chérie, si je meurs je ne t'aurais pas quittée, c'est pourquoi tu ne devras pas m'en vouloir ni t'en vouloir de ma disparition. Quand je disparaîtrai, tu penseras à Dieu, et ma disparition ne te seras pas douleur, comme n'est pas douleur l'écoulement des fleuves sous le regard du poète.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours...

Telle est la race des hommes, telle est la race des feuilles, et le printemps arrive...

Pour savoir cela il faut savoir donner sa foi ; sa foi aux instants innombrables, sa foi aux forêts et aux fleuves – la foi indéfinie n'est pas la vie toujours déjà finie...et donner sa foi, quel humain le sait dans ces sombres journées ? Donner indéfiniment, comme Marguerite au bal de Satan...N'est-tu pas au contraire comme la feuille morte d'automne qui tourne dans les tourbillons de vent, au coin des murs de la Ville ? Compte-tu ce qui n'est pas compté ? Je ne cherche pas les tourbillons, et toujours j'ai cherché la fraternité du sang et du souffle dans les labyrinthes – on ne peut aimer que Dieu seul – tout amour est issu du souffle d'Adam et du Serpent. Donner sa foi réside en ces mots que j'ai entendu d'une bouche humaine :

Demain n'existe pas – il n'y a que maintenant.

Es-tu forte comme l'étoile qui dispense sa lumière inépuisable aux abîmes, ou simple flamme de bougie qui veut se prendre pour une étoile ? Et moi, ne le suis-je pas, pauvre fou, avant l'instant crucial ? Pauvre, pauvre fol !

Je ferme mon livre...Une lueur scintille à l'horizon...l’œil de la rouge, de la morne Aldébaran.

La senteur de tes parfums surpasse tous les aromates. Tes lèvres, ô fiancée, distillent la douceur du miel; du miel et du lait coulent sous ta -langue, et le parfum de tes vêtements est comme l'odeur du Liban. C'est un jardin clos que ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée; un parc de plaisance où poussent des grenades et tous les beaux fruits, le troène et les nards; le nard, le safran, la cannelle et le cinname, avec tous les bois odorants, la myrrhe, l'aloès et toutes les essences aromatiques ; une fontaine des jardins, une source d'eaux vives, un ruisseau qui descend du Liban. Réveille-toi, rafale du Nord! Accours, brise du Midi! Balayez de votre souffle mon jardin, pour que ses parfums s'épandent. Que mon bien-aimé entre dans son jardin et en goûte les fruits exquis !

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova