Ce qui est CAPITAL. I La peine capitale.




Je voudrais exprimer des regrets et des faits.

Dans la réalité, le terme capital désigne la tête, ou encore, selon l'Ordre, ce qui est le plus important. Reste à poser la mesure de l'importance. La mesure est la réflexion la plus importante de la vie humaine ; tout le reste en découle. Ce qui est ici appelé mesure, Nietzsche l'appelle valeurs.

Une mesure de l'humanité de la vie est la mesure du poids symbolique que l'on porte. Ce poids, cette responsabilité, dépend de notre liberté ; et là où abonde la liberté, doit abonder le châtiment. A la toute puissance de l'Un répond son supplice.

Je regrette de ne pas pouvoir mourir debout. Celui qui est privé du droit de défendre sa liberté avec son sang, au grand péril de Mort, est déjà esclave.

Je regrette de craindre par impuissance pour ma vie, et pour celle de mes proches. Celui qui ne peut défendre son sang avec son sang subit une disgrâce.

Dans l'Âge de fer, de tels droits de l'homme sont niés par le Droit, et c'est à tort. Si quelqu'un tuait ma femme, ou l'un de mes enfants, je regrette qu'il ne puisse être tué, mis à mort. Je ne pourrais revivre avec vous, les hommes, respecter la Loi en mon cœur, croire en la justice, qu'après avoir vu celui là mort.

Je le dis sans hésiter, après y avoir beaucoup pensé, et je suis un homme cultivé. Autant que toi lecteur égaré, qui n'a pas écouté mes conseils et n'a pas tourné tes pas en arrière avant de me lire. Pour toi, je connais ton point de vue, les Lumières ont éloigné la cruauté des châtiments des âges sombres. Grâce à la science, le châtiment donne lieu à la fantaisie préalable des "experts de l'âme" qui savent peser le degré de responsabilité du coupable, d'après ses "mouvements intérieurs". Mais la mort de l'homme est bien réelle, sans aucun degré, sans mouvement intérieur. Le fait est incontestable et définitif, et le châtiment juste doit l'être autant.

La sauvagerie, lecteur éclairé, c'est de laisser en vie des dizaines d'années dans des cubes de béton ; la sauvagerie, c'est de laisser l'homme impuissant face au meurtre de ses proches.
Car c'est alors sa liberté intime qu'on lui retire. C'est le serpent de la haine qu'on lui demande d'avaler avec le sourire. L'esclave pardonne par impuissance. Que vaut ton pardon, s'il t'est imposé? La vérité, c'est qu'on te retire la puissance de pardonner, car la liberté, c'est aussi de pouvoir tuer ce qui te tue et te dévore.

Je le dit sans hésiter, et je suis un homme cultivé. Pour tout homme qui a subi cette mort qui te laisse vivant sur les rives du Léthé, je reconnais le droit à la vengeance de mort. Je crois qu'une Cité doit reconnaître ce droit pour préserver la liberté des hommes. A celui qui t'a arraché l'œil, tu arracheras l'œil. Et le guerrier vaincu accepte la mort.

Mais en ces siècles corrompus, il n'existe aucun pouvoir légitime pour exercer ce grand, obscur et atroce pouvoir de condamner à mort le meurtrier de son frère.

Tout procès de mort tourne à l'horreur de la comédie humaine, trop humaine. Toute mise à mort est sordide, boucherie, équarrissage, ou technologie ignoble. Aussi la mise à mort doit être cachée. Aussi je le dis sans hésiter, la vengeance de mort doit être interdite à l'Âge de fer, pour ne pas la profaner.

Mais la honte n'est pas la mise à mort, c'est la nullité des pouvoirs qui l'a prononcé. Qui échoue à la porter. Qui trop souvent condamne à tort.

Ce qui est principiellement juste n'est pas juste à exercer sans pouvoir juste d'exercice. Même la fin principiellement juste ne justifie pas les moyens pour l'atteindre.

La peine de mort est trop noble pour l'Âge de fer. Voilà pourquoi elle est interdite, et pourquoi elle doit être interdite.

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Zinaida Serebriakova