Le rire de glace.




Il est des choses qui ne peuvent être écrites, et des choses qui ne peuvent même être dites.

Plus une parole est vraie, plus elle est dangeureuse, et pour celui qui la reconnait telle en son coeur, et pour celui qui la profère, et pour celui qui l'écoute. Le plus grand scandale naît de l'énonciation de la vérité.

La vérité la plus dure : qu'une apparence de vie réussie puisse être bâtie autour de buts faux, creux et menteurs. La fausseté de ces buts doit alors rester cachée jusqu'au dénouement. Si à la fin leur fausseté se dévoile, alors la vie n'est plus réussie dans la perspective même du mort. Elle peut l'être encore d'un point de vue extérieur ; mais cela est vain. C'était l'opinion de Nietzsche, consolateur des hommes.
Celui qui construit sa vie sur des mensonges n'est pas entièrement dupe. Quand il pourrait les dévoiler, il a d'autant plus de pudeur qu'il est plus vieux et a plus construit. Il est complice de ses propres illusions, s'est habitué à leur ornement pour sa persona. Il peut tuer pour les préserver.

Le séducteur de la vérité veut et le voilement et le dévoilement. Le Saint ne veut que le dévoilement et est amer au goût ; l'homme ordinaire ne veut que le voilement, l'illusion qui lui donne un être également illusoire, mais pas absolument.

Car l'être du masque est. Pourtant il est largement vide d'être, à l'image de la vie ordinaire, qui est un abîme ontologique, une exténuation maximale. Ainsi les hommes ordinaires sont-ils pris de vertige et volontiers complices de leur exploitation et de leur humiliation. il s'accrochent à ses formes, à leur dignité factice, de manière vitale, car les horreurs tuent, si on les regarde en face. L'homme ordinaire baisse la tête face à la vérité.

C'est les pieds dans l'abîme qu'on se remémore la plénitude, nostalgie essentielle. Dans la vie ordinaire le savoir est un croc d'acier plongé dans les tripes. Il est souffrance, abîmes de la mort, et solitude.

Ce monde gris, dur et forcé est issu de l'hiver essentiel, il est l'essence analogue de l'hiver dans les cycles des mondes, fait de froid, de brumes, de recherche d'abri et de foyer dans les tempêtes.

Etant image analogue il se présente comme réchauffement, aridité. Il est la chaleur dont l'essence de glace reste cachée. Il est l'Empire solaire qui extermine les hommes dans la nuit et le brouillard.

Ainsi est Disneyworld : lieu d'exploitation du travail humain et lieu d'exploitation du désir ordinaire, si ordinaire de bonheur. Ce lieu de glace veut se présenter comme un paradis unidimensionnel, refusant toute profondeur et tout questionnement douloureux.

Le monde moderne est un Disneyworld du dégoût qui veut faire rire et faire connaître le bonheur. Comme un politicien, plus il sourit, plus il menace de vous dévorer, plus il est mort.

Le porteur de feu montre les déserts de glace. Il doit être impitoyable avec lui même en tant qu'homme ordinaire. Ceci n'est pas une condamnation de l'héroïsme mais de l'illusion. Don Quichotte n'est comique et triste que parce que l'héroïsme n'a pas toujours été une illusion, comme les romans le sont.

Le séducteur de la pensée emmène dans les voiles pourpres des crépuscules qui se mélancolisent voir les sommets de glace. Une séduction atroce est le déchirant désir du mal. Par tout ce qui le fonde, l'homme est ambivalence. La vérité qui scandalise est celle même qui dévoile le goût du mal, celle qui montre l'essence commune de soi et de l'adversaire, qui assume la part des ténèbres. Ce déchirant désir du mal dévoile la vérité.

La facade morale de l'homme dévoile sa cruauté et sa lâcheté anscestrales, elle fait sentir le souffle du Dragon. Dans les replis du regard moral des pères et des mères, des bons citoyens(nes), se trouve le regard du serpent et du vampire, le goût du sang et du meurtre, et de la trahison.

La vérité la plus dure est celle de l'identité de soi et de l'ennemi. Ce critère de lucidite est lié à ce fait que l'affrontement est symétrique, et donc construction d'une image. L'ennemi que j'affronte triomphe quand commence le combat, car c'est sur son terrain qu'il m'a amené. Mon ego se construit comme le positif d'un négatif, et triomphe de vanité. Moi, moi, moi! Je suis bon! J'ai le droit d'écraser et d'humilier! C'est la structure intime de toutes les idéologies.

Je porte l'ennemi en moi.

La psychanalyse permet de se leurrer tout en le disant, en le proclamant inconscient. Car comment pourrait-on affirmer ce qu'on prétend en même temps ignorer?

"Je meurs de soif auprès de la fontaine"

Le combat moderne est là : où l'être, ou rien. Pas d'ennemi pour toi, homme noble. Et viva la muerte!

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Zinaida Serebriakova