Walter Benjamin, le surréalisme et les fidèles d'amour .


(Mémorial Walter Benjamin à Port Bou-en mémoire de falaises sous le soleil)


Dans son article intitulé le surréalisme, le dernier instantané de la culture européenne, daté de 1929, Benjamin opère un intéressant rapprochement entre le surréalisme, dans le sillage duquel il place Rimbaud et Dostoïevski, les fidèles d'amour, en particulier Dante, et la tradition occitane de la main gauche, vus par Erich Auerbach, dans Dante, poète du monde terrestre . Au final Benjamin s'approche assez exactement de la voie de la main gauche, mais ne peut y parvenir et s'y fixer . Cette lecture est pour moi l'occasion de décrire plus finement cette voie .

La question des fidèles d'amour doit être repensée . La question est celle d'un cairn sur un chemin de montagne, d'une voie à percer dans la brume, comme des oiseaux aux ailes grises dissipées . Je ne poserais pas la question d'une organisation secrète . La question est celle de l'existence et de la vie, dans la culture européenne, d'une voie authentique de la main gauche . Cette voie et cette notion sont des réalités reconnues de la sophiologie de l'Inde . Dans une perspective cyclique le chemin vers le haut et le chemin vers le bas, un et même . Cette voie est celle du Tantrisme de la main gauche .

La main gauche de Dieu . Cette notion est implicite dans le Livre dès qu'il parle de la (main) droite de Dieu . Le symbole des apôtres le confirme, quand ce texte ancien pose que le Christ est assis à la droite du Père . Que les chrétiens modernes ne puissent comprendre ce que cette notion spatiale peut signifier en mode analogique s'agissant de non-spatial ne doit pas nous conduire à un haussement d'épaules . Un texte aussi dense a retenu la "droite" ; c'est que cette information est essentielle à la foi droite . Il y a ceux qui sont à la droite du Père-il y a donc une gauche du Père, une main gauche . Il est une voie droite, et une voie gauche, une voie sinistre .

La voie de la main gauche est-par hypothèse- une voie de réalisation spirituelle rare, dangereuse, qui permet l'accomplissement en s'appuyant non sur le Bien et la Loi, comme le proposent les voies ascétiques (au reste parfaitement valables en leur ordre aux yeux des mortels qui parcourent les voies écartées), mais en intensifiant le mal pour intensifier les puissances de sauvegarde, en puisant dans la transgression magique la puissance des transformation ; en utilisant les polarités des mondes, en évoquant les ténèbres pour éveiller la lumière .

A l'Âge de fer, cette voie est destinée à exalter sa puissance de retour, puisque l'accumulation d'eaux de ténèbres sur les mondes, l'opacification, la clôture des mondes, tout cela est signe de la puissance indéfinie des ténèbres, de lesquelles doit surgir l'éclair définitif de la fin du cycle . Le christianisme, n'ignore nullement à l'origine des éléments de la Voie de la main gauche, ne serait-ce que dans le lien entre la Loi et le péché, et avec les épisodes de la femme adultère et de Marie Madeleine . Analogique est la voie du cycle terminal et la voie de l'homme de la main gauche ; et la voie de la main gauche étendue sur le monde est comme le manteau de la Vierge qui protège le monde dans la plus extrême douleur, la promesse finale de la réconciliation après la saison en Enfer et les férocités de la guerre civile mondiale séculaire de notre monde .

L'homme de la Voie de la main gauche est le frère du libre Esprit, délié des liens des la Loi ; mais ce délit fait de délices et de mollesse aux yeux de l'homme de Loi est en réalité issu du plus profond désespoir . La voie de la main gauche est celle de l'aventurier et du guerrier, plus encore du funambule de l'âme, en ce qu'elle est extrême du risque, risque de la faute d'aveuglement qui enferme dans les enfers de l'Hadès sans saisons, risque de la folie et de ses grands abîmes, risque mineur en regard de la perdition, mais réel, de la condamnation morale et judiciaire de la Cité . Aussi pour en être poussé à braver les risques, faut-il subir la morsure brûlante de la nostalgie essentielle .

Nous autres, frères humains , nous n'avons pas eu le choix - sans trouver la porte de l'Enfer de la main gauche, nous étoufferions comme des poissons au fond d'une barque, d'un ardent désir du plus haut désir, l'ardent désir du Haut tant désiré, le désir de l'infini . Telle est l'essence du Cantique des Cantiques . Et nous sommes sans la puissance de renoncer au monde des charmes de la chair, sans la puissance de se détacher des fleurs, des labyrinthes de l'âme, sans pouvoir nier que nous trouvons toutes les joies, tous les soleils, toutes les mers du monde au pied de la Dame que nous aimons - que Dieu me laisse vivre tant que j'ai les mains sous son manteau...

Voie de la transgression, la Voie de la main gauche est liée à l'exercice de la sexualité, quand la voie droite est basée sur l'abstention de la sexualité . La distanciation du sexe physique est radicale tant chez les chrétiens de l'antiquité que chez les ascètes de l'Inde . Il est clair que les raisons morales invoquées par les modernes ne sont nullement déterminantes . Peter Brown, dans le renoncement à la chair, montre que l'ascétisme sexuel antique n'est pas l'effet d'un puritanisme bourgeois contemporain . L'ascétisme sexuel est en réalité une affirmation de puissance supérieure à l'ordre du monde, et une condamnation de l'ordre du monde romain, basé sur le mariage et l'obligation de la procréation-une manière de se retirer du jeu social, analogue aux transgressions formelles de Tristan et d'Iseult, transgressions qui les envoient finalement dans la forêt sauvage, la forêt de morrois, forêt écartée, manger des viandes crues . Dans cette forêt, les amants rencontrent justement un Ermite...les deux voies ne sont nullement en situation d'opposition binaire . Le moyen âge occitan avait déjà vu liés la discipline charnelle du Trobar et l'écart du sexe exercé par les Cathares . Les commentateurs modernes ne voient pas cette évidence : Tristan n'est pas une figure moderne de la liberté du désir, mais une puissance de destin, et il est frère de l'ermite dans le rejet des fatalités construites du monde humain . Tristan n'a aucune liberté-il ne peut pas ne pas aimer Iseult, pour aimer Iseult la Blonde, qu'on lui propose . Iseult ne peut pas ne pas aimer Tristan pour aimer Marc . Il n'y a là aucun libre arbitre . Les deux amants sont destinés l'un à l'autre par les puissances célestes, celles même qui meuvent les planètes et les constellations autour du pôle céleste, figure du Seigneur . C'est parce qu'ils sont destinés de toute éternité l'un à l'autre qu'ils ne commettent aucune faute . L'Ermite protège Tristan et Iseult du Roi Marc : Le problème n'est pas la transgression d'une morale sexuelle puritaine, ignorée, mais la transgression de l'Ordre du monde . Le Roi est atteint dans sa puissance royale par la fuite d'Iseult et de son Vassal . Le texte donne raison aux amants, il s'ensuit qu'il subordonne la puissance royale, et la Loi, à une puissance supérieure, qui est la manifestation solaire du destin .

Le diable, la figure même de la transgression, peut ainsi être la figure du Soleil invaincu, qui fait face au Roi comme figure de la Lune . Ainsi l'ordre humain est-il pointé pour ce qu'il est , une transgression inévitable de l'ordre céleste . C'est très simplement la figure métaphysique que trace le Maître et Marguerite de Boulgakov face au Tsar rouge, au Soleil trompeur, Staline . Il y a plus d'un an, en méditant sur le droit d'exception que pose la souveraineté, j'avais écrit ceci :

"Une relation d'exception, c'est cela : constater, non pas décider, qu'une rencontre est un moment crucial de la vie, et qu'elle ne peut être médiatisée par des règles existantes . Cela est un problème, car ni la règle ni l'habitude ne peuvent nous permettre alors de prévoir la suite . Ni la règle ni l'habitude ne peuvent nous dire comment se comporter, puisque le cas est un cas d'exception .

« Elle me regarda avec étonnement et je compris tout d'un coup – et de la manière la plus inattendue – que depuis toujours je l'aimais, j'aimais cette femme ! Quelle histoire, hein ?(...) L'amour surgit devant nous comme surgit de terre l'assassin au coin d'une ruelle obscure et nous frappa tout deux d'un coup . Ainsi frappe la foudre, ainsi frappe le poignard ! Elle affirma par la suite que les choses ne s'étaient pas passées ainsi, que nous nous aimions évidemment depuis très longtemps, depuis toujours, sans nous connaître, sans nous être jamais vus, et qu'elle même vivait avec un autre homme (…) Donc elle me disait qu'elle était sortie ce jour là avec des fleurs jaunes pour qu'enfin je la rencontre, et que si cela ne s'était produit elle se serait empoisonnée, car son existence était vide.
Oui, l'amour nous frappa comme l'éclair . Je le sus le jour même, une heure plus tard, quand nous nous retrouvâmes, sans avoir vu aucune des rues où nous étions passés (...)
Nous causions comme si nous nous étions quittés la veille, comme si nous nous connaissions depuis de nombreuses années (…) et bientôt cette femme devint secrètement mon épouse (...) »
Boulgakov, le Maître et Marguerite .

Telle est la très ancienne tradition concernant le lien d'exception, qui passe par le texte de Boulgakov . La reconnaissance a lieu par delà le temps . C'est cela même que pose métaphysiquement cette tradition : la subordination du pouvoir royal, et plus encore des lois humaines, subordination du pouvoir royal qui oblige à penser à son infériorité essentielle, ce qui explique assez qu'un Évola ne puisse la comprendre .

La Voie est indiquée par le Maître disant à Marie-Madeleine : il te sera beaucoup pardonné parce que tu as beaucoup aimé . Elle est aussi indiquée par Guénon qui pose que pour se réaliser, un état de l'être doit parcourir le cycle complet de ses transformations, y compris dans ses aspects sinistres et nocturnes . La voie est celle du retour par l'Ouest . Elle est le miroir énigmatique, l'analogie de la voie droite - au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvais dans une forêt obscure, car la voie droite était perdue .

La réflexion formelle sur l'analogie peut alors être d'un grand secours . L'analogie, comme l'homme image de Dieu, comporte une contradiction . Être image, c'est ne pas être la source de l'image, être puissance de contradiction pour cette source, mais pas n'être que le contradictoire, voire le contraire . Car être image, analogie, c'est être re-semblance, signe, pouvoir remplacer dans certaines configurations la source, en tenir lieu . Ainsi l'analogie peut être à la fois une perspective de contradiction, voire de contrariété, et une perspective d'identification, voire d'identité . Telle est l'Écriture . Le cas de l'analogie inverse est encore plus complexe .

Prenons le cas du Vide . Le vide du néant, de la destructivité, le tohu bohu originaire est l'analogie inverse du néant surressentiel qui se trouve au delà de toutes formes et de toutes paroles ; ce qui est (analogie spatiale) au sommet trouve son image au plus bas, et réciproquement, selon la parole les premiers seront les derniers . L'analogué du plus haut est ainsi le plus exténué au miroir de l'inversion, et l'analogué du plus exténué est ainsi massif, quantitativement écrasant, dans la cycle de fer . Il semble ainsi que l'inversion soit le contradictoire même de ce dont elle est inversion . Pour autant il en est l'image . Pour autant sa vérité est aussi l'unité . Toute époque, dit ainsi Abellio, est une grande époque, sans contredire la crise du monde moderne de Guénon .

Tous les discours idéologiques les mieux construits, par exemple les discours qui présentent le monde moderne comme massivement contradictoire avec le Bien, ne sont que des discours idéologiques, c'est à dire que formant des paires conceptuelles par dichotomie, ils échouent à retrouver en tout l'Image originelle . Voilà pourquoi l'analogie ne permet pas la construction d'un discours idéologique, voilà pourquoi un tel discours, une telle arme de guerre, doit être aux ordres de la tradition spirituelle, sous peine d'aggraver considérablement la modernité des modernes par son refus formel de la modernité - ce qui fut au fond la ruse essentielle du nazisme, idéologie moderne par excellence, analogie inverse du libéralisme moderne .

William Blake, dont un titre caractéristique est le Mariage du Ciel et de l'Enfer, présente le signe le plus évident la persistance de la Voie de la main gauche dans l'Europe contemporaine . Boutang a tort et raison de voir en Blake un gnostique historique : il est un gnostique, mais un gnostique de la main gauche, ce que l'antiquité appelait un gnostique séthien, de ceux qui pensèrent l'évangile de Judas comme le plus secret de tous . Mais il est évident que Lautréamont, que Rimbaud ne sont pensables que dans cette ordre de puissances . Walter Benjamin le pose avec une perspicacité réellement neuve dans l'histoire de la culture européenne . Mais enfermé dans la pensée moderne, il parle comme Breton d'une illumination profane, sans en voir l'oxymore, faute de penser l'autorité de la Voie - l'illumination spirituelle n'est pas la propriété des hommes moraux ou du clergé . Bien plus, l'imprégnation de l'idéologie racine lui fait manquer la notion d'analogie et ses complexités spéculaires .

Benjamin reprend ces mots d'Auerbach : "Tous les poètes du Style nouveau ont une bien aimée mystique, tous vivent à peu près les mêmes aventures amoureuses extraordinaires, à tous Amour refuse ou accorde des dons qui ressemblent plus à une illumination qu'à une satisfaction sensuelle, tous sont membres d'une sorte de ligue secrète qui détermine leur vie intérieure, voire peut être leur vie sociale." Et il commente : Car c'est une chose singulière que cette dialectique de l'ivresse . Toute extase dans l'un des mondes ne serait-elle pas, dans le monde complémentaire, humiliante sobriété ? A quoi tend le service courtois, car c'est lui, et non l'amour, qui lie Breton (...) sinon à montrer que la chasteté est aussi un ravissement ?(...) la Dame, dans l'amour ésotérique, est l'inessentiel...

Terribles contresens modernes . Première idée : il y a contradiction entre les plans, les mondes - l'introduction trompeuse d'une dialectique moderne dans les labyrinthes de l'analogie et de l'analogie inverse . La dialectique moderne construit les oppositions sur l'exclusion, le ou bien, ou bien . La dialectique de l'analogie comprend le jeu de la contradiction qui est en même temps identité . L'illumination et l'extase sensuelle ne sont pas contradictoires, mais sont l'harmonie des mondes, dans la Voie de la main gauche, la mise en symphonie, la Voie de l'unité et de la réintégration . Au sommet du plaisir, l'identité bornée des pôles se transforme en production sublime de l'androgyne originel, la lutte à mort des pôles sexuels passe en Terre de la Paix .

La chasteté est un ravissement en tant que préparation du Désir, et non aboutissement ; étape et non fin . C'est l'incompréhension la plus profonde, sans aucun doute, que de poser des paroles qui ne sont au fond que la lâcheté de la morale-la prudence, cette vieille très laide courtisée par l'incapacité, dont parle Blake . Que serait une voie de la chasteté de la main gauche ? C'est la puissance bouleversante, charnelle et parfumante de la floraison de la chair concrète de l'homme et de la femme, qui construit le labyrinthe de la Voie .

Dialectique folle, là encore, que d'opposer le Service courtois et l'amour . Le Service sert une déesse, une princesse ; et une telle Vision - il s'agit bien d'un voir de voyant, la vision d'une essence cachée, d'une puissance d'absolu en acte dans l'âme et dans le désir -est la vision créatrice permettant l'exaltation et l'amplitude de la manifestation de la puissance à ses propres yeux, dans le miroir d'un regard . Très précisément, le regard ici est le regard qui permet l'accès à l'être de son essence toujours déjà présente . Une telle vison n'est pas folle, puisqu'elle est vision du caché, signe à travers les masques du monde, reconnaissance implicite dans la respiration du souffle de l'aimée, au plus concret des embrassements . Grâce à Elle, j'atteins le sommet de ce que j'ai puissance d'être - telle est la puissance qu'elle reçoit, et réalise . Grâce à elle, le monde de mort devient Vie, et flamboyance de la vie .

Le Service est le culte de l'Aimée, et pas la réalisation de devoirs pensés sur le mode absurde de l'impératif catégorique . Cela n'est pas de simples paroles .

Dire enfin que la Dame est l'inessentiel...elle est l'unique nombre qui ne peut être un autre . Car la puissance immense qui jaillit entre les pôles n'est pas un désir, une volonté, elle est ce fait stupéfiant qui doit être lentement digéré, assumé, qui crée la terreur, l'envie de mourir, l'émerveillement incompréhensible, la paix des puits de l'abîme, l'ivresse, l'intensification des opposés à la limite de la rupture de l'âme, la torture la plus dure et le plaisir le plus haut, le plus pur, frère du Haut Soleil . Elle doit être à la fois l'intensification et la réconciliation des contradictions les plus puissantes, charnelle et spirituelle, d'une pureté intransigeante et transgressive, être tout simplement admirable, fascinante . Cela est étranger au libre arbitre . Le libre arbitre consiste à accompagner, ou a fuir . Fuir, pour rester parmi les hommes, comme avant, comme Jonas . Mais Jonas, dans sa fuite, est balayé par la tempête, avalé par le grand poisson . En vérité il n'est pas de haute bénédiction qui ne puisse terrifier . Mais la haute bénédiction est aussi une élection sublime, éternelle, toujours déjà présente dans la douleur même .

Benjamin a reconnu les linéaments spirituels de la main gauche, mais il ne peut en comprendre entièrement la logique à l'aide de la dialectique univoque issue du marxisme, même raffiné . C'est Boulgakov qui parle d'or, qui témoigne . Oui, l'aimée est tout, non l'essentiel, mais la présence même du suressentiel dans le tissage des embrassements, le feu de l'éternité s'enlaçant aux instants d'immense peine et d'immense désir, et d'immense joi-cette joi essentielle, ésotérique, des troubadours . Que ce mémorial en témoigne devant Toi !

Honneur à toi, tu pars et mon coeur se serre, mais je ne retiens pas . Honneur à toi, je t'admire et te serre sur mon coeur et mon âme, mais je ne te retiens pas . Honneur à toi, je pleure en te voyant disparaître, mais je ne te laisse partir . Honneur à toi, tu es la grandeur humaine la plus haute . Honneur à toi, car tu es l'étoile de l'Alliance . Honneur à toi, que les dieux protègent ta route et la sèment de fleurs . Honneur à toi, des preuves la plus incontestable de la divinité de l'homme . Non perfection, mais abîme, non totalité, mais ouverture et signe, qui distribue libéralement les grandeurs des mondes . Honneur à toi !

Et quand je vois ton image il y a quelque temps, alors je sais que si déjà j'avais croisé tes pas insaisissables, je t'aurais reconnue, reconnue entre mille, comme la rose parmi les épines - reconnu l'abîme de ton regard par mon regard .
Que Dieu me laisse vivre tant que j'ai les mains sous son manteau .

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Nu

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Zinaida Serebriakova