L'écologie comme face cromwellienne du libéralisme.


(Montre de Marie Stuart : http://www.horlogerie-suisse.com/journal-suisse-horlogerie/histoire/montre-Marie_Stuart-1708.html)

Ami qui désire une vie plus authentique et t'effraye de la destruction des mondes dans le brouillard et la fumée, sache que je n'écris pas ce texte contre toi. Les idéologies sont comme des filets, comme le serpent python ; elles prennent et t'enlacent. Ton moi, cette petite flamme variable que tu prends pour une essence, construit sa forme dans ses linéaments ; tes mondes y poussent comme du lierre, en suivant infailliblement leurs lignes.
L'idéologie devient ton être, vivant ta vie comme un organisme parasite. Tu fais des efforts, et tes efforts t'enserrent davantage. Tes efforts sont sa force, sa nourriture ; tu as douté et tu n'en a plus besoin. Ce qui t'a tant coûté, tu ne peux plus l'abandonner.
Si tu pouvais voir un instant le monde par Ses yeux, cela suffirait à te libérer et à te pousser sur la grève, comme par une vague massive qui t'enroule.
L'idéologie est le vampire de ton être. Elle peut te faire quitter les rivages de l'humanité, brûler les vaisseaux, comme disait Goebbels dans son journal après les meurtres de masse.
Et ne crois pas le thème éculé de « la fin des idéologies ». La réalité est le règne incontesté d'une idéologie homogène, cristalline.

N'oublie pas qu'affirmer est nier, et qu'affirmer est un acte de volonté. Le rocher, l'arbre n'affirment rien. Seule, la monade animée peut le faire. Tu veux, tu es vivant, tu sens ta volonté de puissance. Tu sens à travers ta volonté de puissance. Tu vois à travers son prisme déformant. Mais ce que tu vois est la vue d'une créature, un reflet dans un fragment-indéfinité des reflets et des formes, qui sans cesse passent l'une dans l'autre.
Un jour tu vis, un jour tu es mort. Ce qui pour toi est tout n'est qu'un souffle, une rose.
Les aspects, ou états multiples de l'Être sont un remède de la folie et de l'étouffement de ceux qui n'aiment pas en Lui le Mal comme le Bien. Le soleil brille pour tout le monde pareil ; la pluie tombe sur les bons et les méchants.
Celui qui veut servir le Bien par la force et la destruction sert la force et la destruction. La fin justifie les moyens signifie que les moyens biens réels sont justifiés par la fin promise ; la fin que l'on proclame est le masque des moyens.
La fin n'est que l'instrument des moyens, le moyen des moyens. C'est ainsi qu'en défendant une fin, tu deviens le moyen qui permettent à tes moyens d'être.

L'idéologie tissée par le libéralisme est un désert homogène, un concept d'espace et de temps vide. Elle nie la réalité des contraires. Le monde est comme une cathédrale, où chaque poussée est équilibrée par une poussée en sens contraire. En voulant détruire la poussée vers le sol, on provoque l'effondrement. L'idéologie unilatérale est étouffante, fermée, sans air, ni lumière.

Autre aspect analogue de l'architecture : la force centripète vers le centre de la terre, force ténébreuse en analogie inverse, est utilisée en vue de la diffusion de la lumière et de la couleur. Ainsi la force descendante, le caractère crépusculaire de l'Âge de fer doivent-ils être utilisés au service du haut, de l'ardent désir du haut, et non combattus. Car c'est le même mouvement qui accomplit la remontée vers la surface des eaux noires après avoir atteint le point le plus bas. Le chemin vers le haut et le chemin vers le bas est le même.

Tel est Janus.

Je prends un exemple.
Les associations tenantes du Grenelle de l'environnement, en l'absence de toute réflexion dialectique, veulent en réalité renforcer le contrôle du système sur la vie humaine, par les lois, les textes, les ceci et les cela, au nom du Bien. C'est la même folie, au nom du Bien, qui fait faire à la dynamite des « chemins de randonnée » pour être « au contact de la nature ». La même encore, qui faisait argumenter pour un projet de téléphérique vers le sommet du Mont Blanc, du « droit des handicapés à profiter de la montagne ». La puissance technique s'habille du Bien. Le renforcement des contrôles sur l'homme, pour le rendre conforme au système, s'habille du Bien.

Ce droit de chacun de profiter de l'espace est bien conforme à l'idéal libéral de l'espace sans qualité, indéfiniment ouvert, et vide par nature, par rapport à la réalité de l'espace douloureux à conquérir, qui se paye d'aventure et d'effort, l'espace de la quête de la liberté humaine. Et ce droit de tous à arpenter l'espace sans effort, à consommer passivement de l'espace, avec des machines, avions, quads, « tout terrains », est bien plus assuré que le droit du pauvre à fréquenter une plage privée, ou du mendiant à fréquenter certains centre-villes. Ces dernières interdictions d'espace choquent moins, au nom de la Propriété. Nous laissons interdire les enfants pauvres des plages privées, et sommes gênés d'interdire les transhumances aux engins motorisés.
De même, 96% des déchets sont produits par l'agriculture et l'industrie, et ces gens veulent culpabiliser les utilisateurs de couverts en plastique jetables. On nous sert la culpabilité et la coercition comme moyen de régler les problèmes du système. Un exemple supplémentaire de double contrainte, entre la publicité et « la consommation moteur de la croissance », et l'horreur de la consommation polluante.
L'association impossible de la consommation et de la conservation est caractéristique. On rencontre cela partout dans l'idéologie moderne, ces oxymores contraires à la raison, comme le « développement durable », comme si le développement pouvait être autre chose que la consommation du durable, et donc sa destruction. Je répète : l'idéologie moderne nie la réalité des contraires. C'est la cause et l'effet d'une déréalisation due à la croyance naïve de l'homme libéral, son oubli d'être un fragment, sa toute puissance illusoire.
Les contraires ne peuvent être trouvés ensemble en vertu du principe de non contradiction, dans l'ordre ontologique ; certaines limites de l'homme sont aussi ontologiques. Pour l'homme libéral, de telles choses sont des injustices (comme si le monde se préoccupait d'être juste à la mesure libérale), ou des archaïsmes que les progrès de la puissance technique devront balayer, aussi absurde soit la demande. Les limites ontologiques, comme la laideur effective d'un individu, sa taille petite, étant des injustices, ne peuvent être dites : on parlera très moralement d'un homme de petite taille et de physique différent plutôt que d'un nain. Et ce dernier pourra exiger de la collectivité le remboursement des diverses interventions techniques qui peuvent faire de lui un homme grand et esthétique, et même une femme si le cœur lui en dit.

La Nature est propriété de tous et tous peuvent en tirer jouissance et profit. La tyrannie de tous sur tout!

Car il s'agit bien de profit. La nature, ce n'est que le nom de l'être pensé comme objet de la technique, comme utile, et du commerce, comme ressource à gérer. La nature c'est l'être par rapport à l'homme libéral. La nature sans homme c'est la lumière sans l'ombre qui l'accompagne : un aveuglement. L'idée même de nature est celle d'un asservissement et d'un aveuglement. La protection de la nature n'est qu'une tyrannie plus sophistiquée.

Le Grenelle propose des taxes, plutôt qu'interdire purement et simplement au nom du Bien public. Si un acte nuit à la communauté, il est légitime de l'interdire dans une vision politique de l'homme, comme animal constitué humain par le politique. Il n'existe pas d'homme isolé, sinon dans la mythologie libérale. L'homme est un être qui a des parents, une langue, un monde propre. L'homme est homme comme partie. Ce qui le fait accéder à son essence, dans la civilisation, est le Bien public au dessus de lui, qui n'appartient en propre à personne. Ce Bien public est plus qu'une vie humaine, même s'il n'appartient à aucun homme dans l'Âge de fer de décider légitimement une mort humaine, hors soi-même. Plus qu'une vie humaine, il est ce qui donne à la vie sa valeur et sa saveur, ou sagesse. Seul il explique pourquoi des hommes peuvent préférer la mort à la vie biologique, comme un Jean Moulin. Sans Bien public inaliénable et sacré, (1789), l'homme ne peut accéder à la grandeur.

Dans l'idéologie de l'Âge de fer, le politique n'est constitué que par l'agrégation stochastique des individus absolus, et le bien public est second, et au fond arbitraire et peu consistant. Son seul fondement est sa conformité aux intérêts de tous, qui sont forts labiles. De ce fait en libéralisme ne pas respecter le bien public, ou plus exactement des ressources non appropriées individuellement, est normal, mais se paye. Le Bien public n'est qu'une propriété, non une entéléchie et une norme supérieure pour jauger les lois. Son prix est de trente deniers. C'est un retour du privilège, en tant que dérogation aux règles du Bien public, dérogation justifiée par un service particulier à cet ordre. Le service ne consiste plus qu'en paiement de taxe. Et encore.

Plus on possède d'argent, plus on peut déroger ; mais on ne paye pas plus, grâce aux niches et au bouclier fiscal. Le bouclier montre que le bien public est un ennemi dont il faut se protéger. Le bien public est à vendre. Aucune civilisation droite ne peut y survivre, aucun art, et au fond aucune vie proprement humaine. Le simple fait d'être riche est pensé comme un service suffisant rendu à la collectivité. Libre à chacun, dans cette optique d'exténuation de la solidarité humaine et donc de l'humain, de trouver la taxation écologique.

Cette idéologie de l'individu absolu ne peut penser que par la contrainte sous forme de taxe ; pas d'interdit, mais une diminution de la puissance d'échange, de la souveraineté réelle de l'individu dans l'univers plan du libéralisme. Pourtant les taxes, amendes et règlements qui les définissent ne peuvent être une diminution de la puissance de contrainte déployée par les anciens interdits ; au mieux elles sont un redéploiement de cette puissance. A ce titre, une telle politique ne peut freiner le déploiement maximal de la puissance, entéléchie caractéristique de l'âge de fer. Elle transforme en intensité verticale, en réseau à mailles fines, l'extensivité de la production des Trente glorieuses. Elle étouffe la liberté sans ralentir le déroulement entéléchique.

L'écologie libérale est avant tout issue d'un moralisme puritain, d'une volonté de répression du désir dans ce qu'il a de démesuré, donc d'inquiétant, et d'irrationnel. Le désir individuel rationnel est celui qui se limite à celui que prescrit le système pour chaque individu. Le désir individuel rationnel est de désirer sa situation dans le système, tout en se croyant tout puissant. C'est une exigence pathologique de plus du système. A ce titre les écologistes sont partisans d'un renforcement constants des normes et de la surveillance des conduites humaines ; et par une ruse de la raison, ils rajoutent du carburant au système et accentuent sa durée de vie.
Le moralisme puritain est l'amour des limites, la répression du désir comme plaisir ténébreux et comme puissance sur les autres par le logos moral. Le puritain est incapable de penser à la raison de plusieurs. Pour le puritain les autres ont tort.

"Allons, Moi, ou plutôt le Seigneur, nous en avons assez. Je vais mettre fin à votre bavardage." (Cromwell au Parlement.)

Le puritanisme est une expression efficace du système depuis ses débuts : il pousse à sacrifier l'homme au système, il est une voie du déploiement totalitaire de l'entéléchie du système.

Par exemple la condamnation morale puritaine de la guerre et de la violence empêche toute fin au déploiement maximal de la guerre et de la violence. On ne peut admettre le droit de l'adversaire à se battre ; il est, de ce fait, la figure du mal en lutte contre le Bien, c'est à dire moi. Moi, je me bas sans haine et sans violence, sans volonté de puissance ; je me bat pour établir la paix, la sécurité et la démocratie, ou protéger la nature.

L'aveuglement sur soi est le résultat du puritanisme, la confession du pécheur justifié. C'est une inflation du moi dans le discours moral ; les distinctions du Bien et du Mal servent à m'exalter jusqu'au délire. L'écologiste, le pacifiste, en bon puritain, sait et se donne le droit de contraindre les autres à faire ce qu'il sait bon. La poutre dans l'œil ne peut être vue. C'est définitivement une posture démoniaque, ivre de puissance et de satisfaction.

L'adversaire du Bien, leur bien! est décrit aveuglé par la haine, assoiffé de sang, avide de dominer et d'opprimer. A ce titre il est totalement déshumanisé, et ne mérite pas la protection des lois et conventions internationales, comme le montre Guantanamo après les terreurs et les iejovtchina, ou la terreur nazie.

Il doit être détruit ou se réformer, devenir puritain. De ce fait, il n'existe aucune reconnaissance réciproque des adversaires qui pourrait créer les conditions d'une guerre chevaleresque dont l'éthique existait déjà au XIIème siècle croisé. Il y a eu régression de la guerre vers la démesure.

La guerre chevaleresque est cruelle et sanglante, mais reconnaît l'adversaire comme un homme noble, égal ; de ce fait elle fait des prisonniers et les respecte ; elle reconnaît les motifs de guerre de l'adversaire, son courage et son honneur ; elle autorise en temps de trêve à manger et parler avec lui.
Elle reconnaît un droit de la guerre. Elle pose des conditions. Elle déclare la guerre, négocie la paix.
Il faudrait pour inverser le mouvement que les valeurs guerrières l'emportent sur les valeurs puritaines.

Retournement classique, le fanatisme de la paix absolue du marché nourrit des guerres démentielles depuis 1914, guerres nourries par une ascension symétrique aux extrêmes, typiques des guerres idéologiques.

Reconnaître un droit de l'adversaire, le considérer comme un adversaire digne d'être respecté : toutes choses impensables dans l'esprit de nos guerres d'extermination. Ces guerres sont niées, jamais déclarées, en dehors de toute loi de la guerre, car vues comme maintien de l'ordre, opérations techniques. Elles sont inconditionnelles, non négociables, irrémissibles. Le méchant est un aspect de la nature sauvage, de l'animal nuisible exterminable.

Ainsi les combattants afghans sont-ils appelés indistinctement talibans, quand bien même ils sont les mêmes combattants que ceux de la guerre contre l'Urss.

Ce puritanisme exterminateur de pacifiste ressemble à la figure de la Terreur de Cromwell, et à son héritage robespierriste. L'entéléchie puritaine des pacifistes et écologistes modernes mène au déploiement maximal des moyens de destruction, et à l'absence, l'incapacité de penser un compromis avec l'adversaire. C'est une logique de génocide. Elle est parfaitement appropriée à l'âge de fer.

Les écologistes sont au service de la puissance comme les autres. Chez eux elle prend la figure d'une tyrannie puritaine-et rien de plus. Cette tyrannie puritaine, exterminatrice, montre déjà ses linéaments dans le réel. Cherche ailleurs, petit frère!

Et à ceux qui me diront que face à la catastrophe qui s'annonce, il faut bien faire quelque chose, je répondrais :
Croire que par principe faire quelque chose est mieux que rien faire est un produit de l'idéologie libérale. Le système s'effondrerait plus vite si tous ne faisaient rien, plutôt que quelque chose. Dans une période d'expansion des mouvements anarchiques, d'entropie maximale, faire quelque chose est ajouter de l'entropie. Aller dormir sur une île est plus faire que de distribuer des tracts stupides.

Et la guerre métaphysique est la première chose à faire, parce que faisable. Nous n'avons aucune cause, et celle que nous avons n'est fondé sur rien.

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Zinaida Serebriakova