La nostalgie, teinture essentielle de la fraternité des peuples celtes.

(Carl Gustav Carus, Monument à la mémoire de Goethe, 1832, Kunsthalle Hambourg)

"There are states in witch all visionnary Men are accounted."

La fraternité authentique s'enracine dans l'habitation des mondes .

La nostalgie, la douleur liée au désir du retour, retour à l'origine, au commencement des mondes, et retour à la maison, aux embrassements des pères et des mères, à la danse rassurante des flammes, au pain et au sel, pour ceux qui jamais n'ont eu de sol et de maison, ceux que la guerre a isolé d'eux même, ceux qui ont perdu l'or de la langue maternelle . Nous, Bretons, et tant d'autres .

La nostalgie, douleur nocturne, douleur du ressouvenir comme ressac des eaux marines, est plus qu'un sentiment, c'est un être au monde de certains peuples, et ceux qui le partagent sont frères, ainsi les peuples celtes . Dans les styles musicaux antiques, les styles poétiques, figurait le style nostalgique .

« Où est la belle Hélois
Pour qui fut châtré puis moine
Pierre Abélard à St Denys... »

La nostalgie est aussi un concept central de la Gnose, un concept racine, comme l'Arbre antédiluvien de la connaissance du Bien et du Mal , du bonheur et du malheur . La nostalgie indique que la connaissance du Bien entraîne celle du Mal, que le bonheur vécu se perd de ce vécu même...la nostalgie dit à l'homme qu'il est étranger, habitant d'autres mondes et d'autres demeures, d'autres fraternités .

La nostalgie est d'être, non d'existence ; l'homme peut changer son existence et non son essence . Amer savoir, que l'on tire du voyage...la douleur essentielle de la nostalgie se perpétue en tous temps, en tous lieux, en tout amour...

La nostalgie, c'est ce musicien breton que je n'ai vu que quelques minutes, et m'a offert de clarinette et d'accordéon d'une femme un air de style nostalgique de mon peuple . Un air sublime, qui fait venir des larmes de mer et d'algues au fond de la gorge, comme le souvenir tendre d'anciennes noyades, parmi les eaux salées du Nord . Nous sommes restés silencieux quelque temps, et il m'a invité chez lui . Le partage de cette nostalgie, de ce monde intime, faisait qu'en période de guerre, j'aurais remis ma vie entre ses mains . A tort peut être, mais probablement pas : nous étions, au delà d'immenses différences, frères de sang, du sang spirituel de la nostalgie .

Une amie mienne intensément proche, à qui je confiais mon regret et ma douleur d'une époque interminable, violente et ténébreuse de ma vie -l'habitation d'un sépulcre de rêves, l'effondrement du monde intime, la guerre, la haine et la tristesse jusqu'à la mort comme compagnons de la nuit- époque revenue sur les ailes d'un air nostalgique, empreint des reflets de l'Autre Monde, typique de cette terre où un homme disparaissait dans les grincements de la nuit, me répondit : « C'est utile de ne pas oublier mais c'est douloureux, le prix à payer je crois. »

Sans réflexion philosophique ressort le fond de notre âme dans cette phrase . Le souvenir nous fait vivre, et la douleur et la mort sont des trésors de la vie humaine . Le bonheur a son prix de souffrance : c'est le sort de l'homme . Qui fuit la souffrance rencontre le désert blanc immaculé du monde moderne .

La nostalgie est cette souffrance délicieuse comme les guerres de l'amour, des instruments de musique, et des joutes du Verbe . L'amour est combat des âmes et des corps . L'homme combat Dieu comme Jacob l'Ange . La totalité de l'Archange comprend le Dragon et l'épée, le coup porté, le feu de la bouche et le sang écoulé .

Aussi sommes nous frères du Gitan d'Andalousie au chant déchirant la nuit, porteur du couteau ; frères des femmes Kabyles qui se racontent des apparitions angéliques, ou du marabout africain qui visitait ses frères exilés avec l'âcre arôme mystique de sa terre de soleil et de sang .

On nous a laissé notre corps, et on a tant essayé de voler nôtre âme . C'est le sort des esclaves qui nous a été promis . Aussi sommes nous frères des juifs, qui priaient « si je t'oublie, Jérusalem" , et de ceux portaient l'espoir de Sion, comme des palestiniens chassés de leur terre . Eux aussi sont frères, frères de la race des hommes, du sang de Caïn et d'Abel . Nous ne pouvons sortir de nos contradictions . D'eux tous je suis frère, de leur douleur et de leur folie, et pas des ingénieurs d'Europe, pas des boîtes, des cercueils qui se déplacent que sont les hommes dépourvus de mondes .

Marc, III.

"31Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font demander.
32 Beaucoup de gens étaient assis autour de lui ; et on lui dit : « Ta mère et tes frères sont là dehors, qui te cherchent. »
33 Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? »
34 Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères.
35 Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. »

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Zinaida Serebriakova