Le couple : et merci Augustine!


(Tokyo, 1947 . Du tatouage comme rapport sexuel hors de la forme du couple)


Écrire sur le couple sans être édifiant ni amer peut paraître difficile, non en soi, mais parce que celui qui ne peut craindre aucune lecture de ses pensés n'est pas en couple, et que celui qui est en couple peut difficilement diffuser une sincérité totale . Commencer ainsi est déjà faire un pas de côté pour la plupart des hommes, ceux qui achètent des cartes postales roses en forme de coeur pour les X ans de mariage de...car je pose implicitement que dans le cadre du couple, une sincérité totale n'est pas souhaitable . "Le couple", en vérité, couvre plusieurs espèces . Il n'importe, je dois suivre ma destinée .

Le couple doit être pensé d'abord non comme vie subjective, comme espace de vie subjective, mais comme fonction objective de l'ordre social . C'est à dire que la signification et la vie même du couple comme habitus dépend du cycle historique parcouru par la société . Le couple de César et Cléopâtre, le couple de Tristan et d'Iseult, mon couple, ton couple, ami, ne peuvent être appelés "le couple" que par analogie, si ce n'est par homonymie . Le couple moderne porte en lui le reflet du Système de vie moderne . Là encore, n'importe quel lecteur qui m'a lu ne serait-ce qu'une fois trouvera ce dévoilement éventé ; mais l'œuvre de dévoilement de la vie humaine comme système de dispositifs de domination n'en est pourtant qu'a ses débuts .

Car une forme de vie humaine, que ce soit un être humain pourvu d'une réelle pensée personnelle de sa vie, ou encore justement un couple, peut aussi être une position négative par rapport à une domination cyclique . Cela signifie qu'il est un port, un havre d'un monde dur et égoïste, voire monstrueux . Il sera d'autant plus négatif du monde qu'il en aura une connaissance approfondie . Tel le conjoint non juif d'un juif resté fidèle et loyal sous le IIIème Reich, telle la femme loyale à un exilé dans notre pays, tels les couples romanesques du Dr Jivago ou du Maître et Marguerite . En passant, sur l'étranger, ami . Si une femme de valeur de mon peuple se porte garante d'un homme, alors cet homme fait partie de mon peuple . Si ma fille un jour choisit cette voie, cet homme sera de mon sang . Le sang est Esprit . Le refus de la dissolution des peuples n'est pas l'administration de l'exclusion arbitraire : il n'y a aucune contradiction . Être accueillant n'est possible que si les bases de mon monde ne sont pas menacées, et si l'accueil n'est pas une expropriation . On peut être exproprié de soi sans changer de population, comme ce fut le cas de la Bretagne . L'étranger qui dans mon pays commet des crimes doit être chassé sans aucune pitié ; il n'y a pas là double peine . Mais celui qui commet des crimes ne doit pas être identifié à celui qui sert le bien public . L'ancien droit des peuples reconnaissait à la femme cette puissance de donner le droit du sang, et je ne vois aucune raison de le rejeter aujourd'hui . On doit, pour résister, penser avec les tripes . J'ai connu des hommes nobles, amants spirituels de mon pays, nés très loin de moi, au delà de la route de la baleine . Aucun code barre préfectoral n'attestera jamais leur noblesse . Voilà l'effet du couple, de l'amour qui crée des liens entre étrangers et entre ennemis, qui abolit l'étranger et l'ennemi et les passe en frères et en amis .

Pour penser sereinement le couple, comme pour penser toute situation humaine, faite de chair et de sang, de cruauté et de grandeur, de bêtise et de raffinement, il est indispensable de distinguer les personnes des causes jugées . Objectivement, pour prendre un exemple, la volonté de restaurer par la force des chars et des bulldozer Caterpillar-le char d'assaut dans sa version tournée vers l'Inanimé-la Terre Promise, par la simple volonté humaine, est en soi un paradoxe qui mène des hommes pleins d'espoirs balayés par le vent des déserts, à commettre des actes d'une noirceur ténébreuse, à prendre la place des assassins qui terrifient leurs cauchemars, est en un mot un piège . Les fils de déportés qui se retrouvent à trier des familles, à retrouver des enfants tués par une armée dont il font partie . Une horreur insoutenable . Mais pourtant les espoirs qui soulèvent leurs poitrines sont ceux de tout homme qui veut vivre dans le monde, avoir des enfants et les protéger de la mort, quand on a vu l'atroce mort des parents . Ainsi les soldats qui autrefois dans l'Est entendaient les hurlements des hommes transférés, des hommes impitoyables qui ne voyaient rien et vomissaient, des chefs qu'il fallait opérer d'horribles ulcères . Tout cela est vrai, et ne peut être éclairci, le bien d'un côté, la mal de l'autre : ils sont étroitement entrelacés, dans une danse amoureuse, et l'un passe en l'autre sans cesse . Il n'y a pas, pour toi, homme noble, à prendre parti, à répondre à cet appel asservissant à donner un avis, à participer à des débats . Tous y ont raison dans leur perspective, et donc tous y ont tort . Le plus urgent à apprendre pour l'homme moderne est à faire silence de ses perspectives étroites, non à s'en assourdir . Bien plus grand est de discerner ce qui est la question véritable de ce cycle . La question qui implique en un point toute l'explication déroulée qui est le monde, étendu comme du sable . Une de ces questions est l'amour .

Le couple est une question humaine, et met en jeu la totalité de l'humain . L'humain met en jeu la puissance même . Il met en jeu l'affrontement, le drame dans le Ciel . Le couple d'un tueur peut être le havre qui lui permet de tuer, tuer et encore tuer . Il peut aussi être le lieu où l'atroce anormalité du monde des adultes, après les conseils des parents, quand elle ne peut être intégrée par l'idéologie, est déniée, mise de côté . Ainsi pendant la guerre civile, le Dr Jivago et sa maîtresse pansent les blessés, les veillent, puise se retirent au fond d'une petite ville, dans la chaleur d'une bibliothèque encore ouverte, un lieu calme et silencieux envahi de mondes anciens, se retirent dans une terre isolée, dans un petit appartement, toujours plus retirés . Quand le déni explose, quand les apparences de tranquillité s'effondrent, le monde vécu prend fin : la femme du chef nazi, vaincue par la curiosité et l'inquiétude, est allé voir le camp, a vu les petits enfants menés à la mort et se pend ; l'adversaire démasqué dans son monde de spectacle, spectacle de prospérité et de respectabilité sociale tue sa famille, brûle sa maison .

Cette illusion de l'authenticité que vit le couple est démasquée à mes yeux par ces cas extrêmes . Non que ce qui est occulté soit aussi envahissant qu'un brouillard de ténèbres quand le barrage brutalement lâche ; mais le couple est un spectacle, un lieu de monstrance et d'occultation . Et pas seulement pour les visiteurs, avec lesquels on n'aborde pas certain choses intimes, avec lesquels on sourit juste après une dispute terrible et qui n'est pas oubliée, qui reprend dès leur départ . Le couple est un spectacle d'abord pour les vivants, spectacle rassurant ou terrifiant pour les enfants, et pour les adultes, spectacle de leur être, de leur existence, de reconnaissance mutuelle, spectacle de leur séduction, spectacle de l'amour ou spectacle de la haine . En tant que dispositif d'ordre, le couple est un contenant ; le Spectacle n'est rien d'autre que la re-définition permanente de rôles définis . Le Spectacle ne peut rien inventer au-delà de la puissance des rôles, à la fois indéfiniment et unidimensionnellement, comme l'évolution d'une courbe dans un plan . Le couple joue alors le rôle fonctionnel de dispositif de domination .

Les défenseurs de la créativité sociale moderne auront toujours une indéfinité d'exemples, tous unidimensionnels de cette créativité de chewing gum ; et ceux qui veulent en montrer les bornes auront toujours une indéfinité d'exemples de ce qui ne peut être fait, et qui pourtant est indispensable à la vie humaine . L'enjeu véritable est dans la connaissance de ce qui est essentiel là la vie humaine, non pour se perpétuer biologiquement à la manière d'une matière vivante, mais pour être humain . Une vie humaine peut être inhumaine ; un couple humain peut être inhumain . Vivre n'est pas assez . Avoir le coeur qui bat, comme Tarik, peut être le fait d'un mort . Un homme peut respirer, parler, marcher, travailler, et être tout à fait mort . Sur plusieurs plans . Il peut être mort au monde, avoir connu l'extinction ; il peut être mort à lui même, et désirer tous les jours se tuer dans le secret de ses pensées ; il peut être devenu tellement fonctionnel, tellement simple, qu'il n'est plus qu'une machine sans vie . Il peut être allé si loin dans la voie des ténèbres qu'il ne peut revenir, qu'il porte la marque physique de la condamnation . Le président Reagan ne se reconnaissait plus lui même, était moins qu'un enfant, comme le Roi Méhaigné de la geste d'Arthur . Il était l'image morte de la puissance vide qui l'avait porté, qui avait fait de lui le spectacle de la puissance . Un corps vivant d'homme peut aussi être le masque souriant d'une avidité démoniaque de sang et de mort, comme fut Ted Bundy, comme le jeune Bateman qui erre dans les dédales d'American Psycho de Breat Eaton Ellis . Le tueur en série fascine le monde moderne par son spectacle de normalité . Là encore, la fascination et l'horreur qu'inspire l'extrême dans le monde moderne sont liés à sa puissance de dévoilement ; car la fascination pour l'horreur révèle le serpent lové au fond de soi . En vérité, ce qui m'est étranger m'indiffère par essence . Le monstre humain dévoile une puissance en mon intime le plus profond . Et mes propres forces ne peuvent terrasser le Dragon .

Le rôle est un contenant, un système de règles dont la conscience morale est évanouie . Notre société est société du Spectacle, vue comme chatoiement ; et une société tyrannique, analysée comme matrice de possibles . Et le couple, en tant que spectacle, cache des aspects de la personnalité qui ne demandent parfois qu'a rejaillir . Mais cacher n'est pas intégrer, c'est mettre de côté pour préserver les fonctions correctes de la personne, c'est à dire de maintenir la personne fonctionnelle à la société humaine, en soi bonne, mais négative dans la perspective de l'ascèse illuminative .

Dans cette dernière perspective l'accomplissement d'un homme est de devenir ce qu'il est en puissance, dépassement de l'homme, et donc de la société humaine concrète du présent cycle . Pour cela il doit abandonner ce qui ne lui est rien, et aller vers son Orient, dans une œuvre de déterminations et d'indétermination entrelacées, une œuvre d'amplitude et d'exaltation . Ce qui est détermination, et indétermination, élévation et abaissement, est nommé d'ailleurs d'après une perspective, et l'une passe en l'autre par le passage de perspectives . L'Orient de l'homme est en puissance dans la totalité de son être, comme la statue dans la pierre ; et si des aspects essentiels de son être sont occultés par le rôle, comme son aspect féminin par son rôle masculin, ou réciproquement, et sa puissance de soumission par son rôle de dominant, comme cela est fréquemment manifesté dans des perversions, alors il ne peut commencer aucune œuvre .
Connais toi-toi-même, disait l'antique sagesse . Le service de l'Orient, que Marc-Aurèle appelle, en traduction, le principe directeur, est l'enquête en direction du plus profond . C'est à ce principe directeur que doivent aller nos soins . Or, le fait d'être contenu par un rôle ne peut diriger vers l'accomplissement .

L'accomplissement passe par la reconnaissance intime de ce fait : en voyant St Michel terrasser le Dragon, je ne suis pas St Michel, je ne suis pas le Dragon . Je suis leur combat et leur déchirement . Je ne suis pas étranger au pire bourreau, qui me permet de me valoriser et de porter haut MA moralité ; le pire bourreau est mon frère . Je ne suis pas étranger à la victime, à ce garçon terrorisé du Ghetto, qui pourrait me faire apprécier MA supériorité et MON courage, comme le montre l'abject sourire infime de bien nourri du soldat qui tient son fusil ; je suis aussi porteur de la terreur, de sa terreur . Terreur et cruauté se lovent en moi, et se tordent en moi comme la murène parmi mes tripes . Terreur et cruauté sont des reflets du regards des ténèbres sur le lac d'où s'élève le château de l'âme . Reflets, mais aussi puissance, ce que désigne l'image de la Dame du lac, occultée sous les eaux, et gardienne de l'Épée, c'est à dire des puissances du Règne qui vient . Terreur et cruauté peuvent passer en puissance d'élévation, si je m'abaisse devant Toi en les reconnaissant en moi, en devenant ainsi réceptacle des eaux célestes, celles qui abreuvent l'homme noble .

C'est en creusant vers le nu de mon fond, vers les racines des ténèbres, que je trouve la force de m'élever, comme l'arbre, ou plutôt comme lierre sur le tronc des âmes du passé . Mais pour cela je dois voir le spectacle pour ce qu'il est : un spectacle . Voyant le spectacle pour ce qu'il est, je peux en jouïr . Et partager, et pleurer sur la tragédie . Mais avec la distance infime qui fait que l'on sait que le rideau va tomber, qu'il faudra dire comme Auguste : la pièce est jouée ! Cette étrangeté est le sentiment d'étrangeté du Gnostique . Tel est le savoir du spectacle comme spectacle . Ce que les hommes, ce que nous jugeons le plus important, notre vie, nos biens, notre respectabilité, ce que Don Diego dans le Cid juge vital, son pauvre honneur, cela est vanité et poursuite du vent . Nous avons du mal aujourd'hui à le comprendre . Cela, de la noblesse, de l'héroïsme ? Que pèsera son honneur une fois son corps reposant dans la poussière ? Et qui en aura cure ? Ignace de Loyola, dans son autobiographie, montre justement que le renoncement à ces envies de tuer furent déterminants pour découvrir un héroïsme plus grand .

Le couple, en tant que spectacle, est ce qui permet à l'homme de vivre, et comme dit l'Ecclésiaste, à vivre ce qui lui est donné de joie sous le Soleil . Le couple, en tant que lieu d'ordre, est lieu d'accordement des opposés par le spectacle, c'est à dire par l'occultation des différences . Mais ces différences rejaillissent . L'occultation est difficile à tenir . Un homme voit une femme, une femme étrange ou brillante, superbe ; ils discutent, se découvrent des mondes communs . Se regardent . Se désirent, sans doute possible . Mais ils sont en couple . La mari est un homme de prestige . Ils ne veulent pas tout jouer, leur vie, sur une "passade" . Ils la jouent cependant, échangent des messages . Aucun rendez vous, aucun contact charnel n'a lieu . Une amitié est explicitement posée, avec ses limites . Rien n'est explicitement dit . La femme laisse deviner, plus délivre une insatisfaction de son mari, de sa vie, qu'elle découvre subir . Le mari, lui, devine quelque chose, fouille les messages, lit ce cruel miroir de lui-même . C'est le drame conjugal, mais les liens, les investissements sont trop forts, et les mots, la réflexion, le recul manquent . La femme s'excuse, le mari oublie, tout revient dans l'ordre . Ce moment de la systémique du couple est si puissant dans notre monde qu'il n' a rien de personnel et peut être connu dans un grand nombre de variantes . Même l'amitié privilégiée ne peut être admise entre adultes dans la plupart des couples, alors le sexe...Pourtant, cet interdit est l'annihilation d'une voie essentielle de réalisation .

Ce qui s'est produit, c'est que l'homme et la femme ont besoin pour la société et pour la descendance d'un lien inamovible, mais que le caractère inamovible de ce lien exclut la grande passion amoureuse et ses grandes eaux, sa fascination pour les ténèbres et la mort, comme pour le Soleil invaincu, au moins dans la durée, car la grande passion n'est pas la paix, mais la guerre, la conjuration des opposés par le conflit, l'intégration par l'exaltation des sexes . Une histoire d'amour, un roman d'amour, comme ils naissent dans la matière de Bretagne, naissent analogiquement à la chanson de geste, au roman de quête et de combat . Dans le rituel de la passion se joue une exaltation verticale, une hiérarchisation, une violence simulée qui ne peut aboutir, en ce qui concerne une famille, qu'au chaos et à la mort . Tristan et Iseult, comme le fin'amor médiéval en reconnaissait la règle, ne peuvent être des couples mariés . Bien sûr, dans la "haute" société du Spectacle qui sert de modèle à tant d'hommes d'occident, la passion peut passer par le mariage, mais cela n'est possible que parce que la fortune met en état d'apesanteur le couple quelque temps, d'apesanteur par rapport à la vie ordinaire qui est le milieu ordinaire du couple .

Notre pensée occidentale, depuis la fin du moyen âge, vogue dans cette confusion très incommode, entre la pensée de la passion amoureuse, et celle des obligations bien connues et des limites du couple ordinaire . Depuis en vérité l'oubli des règles du fin'amor, alors que ces notions restaient vivantes dans les civilisations chinoises, indiennes, et même persane . Il n'y a pas déshonneur, ni volonté de briser un mariage, dans l'éclair qui parcours les esprits et les corps dans des rencontres d'étoiles . La fragilité extrême du couple est largement liée à cette illusion et à cette désillusion quasi mécanique qui accompagne la "mise en ménage" moderne . Cette illusion ne permet pas de chercher et de trouver la bonne distance, l'aération qui fait vivre le couple, comme l'air permet le feu du foyer . Cette illusion est une cause certaine de malheurs individuels et collectifs, quand le choix se situe entre le sacrifice de sa vie humaine et l'acceptation de liens vécus comme une étroite prison et l'accumulation de haine . Le couple posé en harmonie avec ce que le Yi-King est fondamentalement une institution vitale, bonne, noble, et peu d'homme sont destinés à n'y pas vivre . C'est un lieu de tendresse et d'amour, et même de réalisation . Mais c'est un lieu, en ce que tout lieu implique une totalité qui le comprend, et qu'il ne comprend pas . La puissance qui passe à travers moi, cela qui veut le vouloir ou volonté de puissance veut tous les lieux, veut la totalité .

« Je me dois à beaucoup et beaucoup se doivent à moi. Combien de mes vies passées parlent par ma bouche (…) je souffre de ne pouvoir vivre en même temps toutes les vies, toutes les réalités . La vie de l'oiseau, du serpent, de la pierre, de l'étoile (...) Ce n'est pas la mort qui me fait peur, mais mon incapacité à vivre la vie de tous . Sur mon lit de mort, je ne regretterais pas tant de n'avoir pas possédé toutes les femmes actuellement vivantes que de n'avoir pas eu celle qui ont vécu autrefois et celles qui ne sont pas encore nées . Ce qui me tourmente, ce sont les limites du temps et de l'espace... (...) le possible est la source de toute souffrance(...) »
Bulatovic, Gullo Gullo.

L'amour moderne délié par la pensée peut rejoindre l'antique fin'amor adapté à un cycle moins lumineux . J'ai demandé à une talentueuse et piquante jeune fille de m'écrire un texte à ce sujet, et elle ne m'a pas déçu . J'ai cru, quand j'ai commencé quelques dialogues drolatiques avec elle-un être bizarre, à la fois tout à fait capable de l'insensibilité la plus sévère, et capable d'être émue par le discours d'un monarchiste marginal, capable aussi d'une crudité et d'une obscénité à toute épreuve, et aussi de délicatesse romanesque- qu'elle avait alors 28 ans, ce qui me rendait ce badinage acceptable . Puis j'ai compris qu'elle en avait 18, et donc 19 aujourd'hui . Mais la valeur n'attend pas le nombre des années, et les questions les plus importantes de la vie, comme l'amour sexuel, doivent êtres traitées comme est l'amitié, légère à la manière du papillon . Et puis, immense avantage, je ne suis pas responsable de l'horrible vulgarité de la jeunesse, ce qui me réjouit fort . Je suis obligé, par souci d'authenticité, de reprendre textuellement son essai que la morale réprouve à l'évidence, et dont je suis choqué, et que je condamne avec la dernière vigueur, et que malgré ma réprobation je reproduit pour que chacun puisse ressentir un dégout similaire : et merci Augustine !

Il s'agit d'une lettre :

Monsieur X...

Vous m'aviez demandé (il y à quelque temps déjà) d'écrire mes arguments les plus "méchants" contre les maris jaloux (ai-je bien compris ?). Je vous ai écrit ce que je pense sur ce sujet : voilà donc pour vous !

"Maris Jaloux, Époux fidèles, Méticuleux curés : je vous vois tel que vous êtes : en vérité bien bêtes.
On voit beaucoup de ces souffreteux compagnons qui ragent de voir leurs épouses dans d'autre bras que les leurs : quelle égoïsme en somme. Pour l'épouse tout d'abord : figurons nous : le même corps pour une vie (c'est vrai quoi, il faudrait manger de la même chose pendant 10, 20 , 30 ans ?! Pour moi on ne ferait pas pire en me contraignant à l'escalope pour le restant de mes jours) comment alors ne pas finir en hystérique, en vielle rapiat, en stressé du balai ?
Il est même sain d'aller «voire ailleurs», ne pas se contraindre ni regretter : les regrets : voilà le poison du couple : Pendant que lui pense à la blonde de se matin , elle est sûr que le grand brun d'hier sait mieux gamahucher que lui : l'ennui en cadeau, la belle sincérité que voilà ! Mari trompé , vieux cocu , ton orgueil en à pris un coup ? Va voir ailleurs, prend d'autres culs et reviens joyeux dans ton lit , voilà mon conseil.
Je me demande même , sincèrement , biologiquement parlant, au bout de 30 ans de rapport chaque mardi soir : comment ne pas enfiler sa femme comme on enfilerai ses pantoufles ? Et puis il faut l'avouer : quelle bonheur de revenir à sa «bite d'amarrage», de retrouver son «nid d'amour» après avoir vu d'autre gars . Les bonshommes c'est comme les pays : on revient toujours sur le siens." En espérant que vous y trouverez se que vous cherchiez.
Augustine.

Oui, voilà ce que j'attendais de vous . Et merci encore!

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Nu

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Zinaida Serebriakova