Yi King 60 . La limite . Le monde comme prison .






Hexagramme 60. Tsie , le lien, la limite . Le précepte de droit . Le monde moderne apparaît comme un prison . Le Yi-King apporte des élements de réponse sur cette apparence qui révèle une forme de réalité . Extraits de la version téléchargeable sur le site de l'AFPC . Merci à Pierre Palpant .


1045. Tsie ; liberté, les préceptes cruels ne peuvent pas conduire à la perfection.


1051. Premier trait nonaire : ne pas sortir de la cour de la porte intérieure ; pas de culpabilité.

1053. Deuxième trait nonaire : ne pas sortir de la cour de la porte extérieure ; présage malheureux.

1055. Troisième trait hexaire : comme sans principes ; comme devant se lamenter ; pas de culpabilité.

1057. Quatrième trait hexaire : jouir en paix des préceptes, liberté.

1059. Cinquième trait nonaire : préceptes agréables ; présage heureux ; en entreprenant il y aura des félicitations.

1061. Trait supérieur hexaire : préceptes cruels ; présage malheureux de la perfection ; dissipation des regrets.

TSHENG TSE. — Tsie. « L’Ordre des koua » dit : « Hoan, séparation ; les êtres ne peuvent pas résulter d’une séparation indéfinie, aussi le koua hoan est suivi du koua tsie. » Quand les êtres sont séparés et dispersés, il convient de les contenir et de les arrêter et c’est là ce qui fait que le koua tsie suit immédiatement le koua hoan. Comme koua, il est constitué par le marais sur lequel s’étend l’eau. La capacité du marais est limitée ; si l’on y verse de l’eau, lorsqu’il sera plein, il débordera, ce qui constitue l’image symbolique de limitation et ce qui fait que le koua est appelé tsie 1.

1045. Tsie ; liberté, les préceptes cruels ne peuvent pas conduire à la perfection.

TSHENG TSE. — Du moment où les choses sont réglées par des préceptes, elles peuvent parvenir à se développer librement et c’est pour cela que le koua tsie comporte le sens de liberté. La noblesse des principes réside dans leur conformité à la justice, et si cette justice est dépassée, ils deviennent cruels et abusifs. Lorsque les préceptes arrivent à être cruels, comment pourraient‑ils constituer des règles permanentes ? Ils ne peuvent pas être obser­vés et maintenus avec fermeté pour devenir permanents, de sorte qu’ils ne peuvent atteindre à la perfection.
TSHOU HI. — Tsie ; avoir des limites et être arrêté. Ce koua est composé du koua simple touei au‑dessous et du koua simple khan en dessus. Il y a de l’eau au‑dessus du marais ; sa contenance est limitée, de sorte qu’il constitue une limitation ou réglementa­tion. Les principes comportent certainement une voie de liberté. De plus, dans la sub­stance de ce koua, les traits positifs et négatifs sont en nombre égal et, d’ailleurs, le cin­quième et le second traits sont tous les deux positifs, de sorte que le sens divinatoire com­porte la liberté de développement. Toutefois poussés à l’excès, les préceptes de toute réglementation deviennent gênants et cruels, de sorte que la formule avertit encore qu’il ne faut pas les observer comme s’ils constituaient la perfection.


1046. Le commentaire de la formule déterminative dit : Tsie, liberté ; participation de la dureté énergique et de la douceur malléable, la dureté énergique possédant la justice.

TSHENG TSE. — La voie rationnelle du koua tsie comporte essentiellement le sens de liberté d’expansion et de pénétration ; lorsque les choses sont réglées par des principes fixes (tsie) elles peuvent se développer librement. De plus, dans les aptitudes du koua, la dureté énergique et la douceur malléable se partagent les positions ; la dureté énergique possède la justice et n’est pas excessive et c’est encore la raison pour laquelle le koua est considéré comme exprimant la réglementation et pour laquelle il est susceptible de liberté.
TSHOU HI. — Explication de la formule du koua au moyen de la substance même de ce koua.


1047. Les préceptes cruels ne peuvent pas conduire à la perfection ; la voie rationnelle est limitée.

TSHENG TSE. — Les préceptes poussés à l’extrême limite et devenant cruels et pénibles à supporter, il devient impossible de les maintenir avec une fermeté persistante et de les observer d’une façon permanente ; la voie rationnelle est alors parvenue à son extrême limite.
TSHOU HI. — Il en est encore parlé au point de vue de la raison d’être du fait.


1048. Se plaire à s’exposer au danger ; mériter sa situation d’après les préceptes ; justice et droiture par la liberté.

TSHENG TSE. — En en parlant d’après les aptitudes indiquées par les koua simples, au-dedans satisfaction, au‑dehors danger : se plaire à marcher dans le danger. Dans ce qui lui plaît, l’homme ne sait pas se borner ; s’il rencontre inopinément le danger, il pense seulement à s’arrêter. Or, s’arrêter au moment où il est satisfait constitue le sens du précepte et l’idée de principe qui limite et retient ; il mérite sa situation à cause des préceptes. Le cinquième trait occupe le rang prééminent et mérite sa situation ; il est au-dessus du marais, il a des principes ; il mérite sa situation et c’est par ses principes, c’est lui de qui dépendent les préceptes et les principes. En se plaçant, il se conforme à la justice et à la droiture, c’est avoir des principes et pouvoir les communiquer librement. La justice et la droiture constituent la liberté, l’excès les rendrait odieux et cruels.
TSHOU HI. — Il en est encore question au point de vue de la substance et des vertus des koua simples ; K mériter la situation, justice et droiture », se rapporte au cinquième trait. De plus le koua simple khan est considéré comme indiquant la libre transmission.


1049. Le ciel et la terre marquent les règles (tsie) et les quatre saisons s’achèvent ; les préceptes (tsie) servent à déterminer et à régler ; ils ne détruisent pas la richesse, ils ne nuisent pas au peuple.

TSHENG TSE. — Il est question de déduire la voie rationnelle des préceptes et de toute réglementation. Le ciel et la terre sont soumis à des règles (tsie), aussi, ils peuvent engen­drer les quatre saisons ; sans ces règles, ou préceptes (tsie), l’ordre de ces saisons serait troublé et interverti. L’homme saint institue des règles et des principes qui constituent des préceptes et il peut le faire sans nuire à la richesse publique et sans nuire au peuple. Sans les préceptes qui les réglementent, les passions de l’homme n’auraient pas dé limi­te ; elles le conduiraient aux déportements de la licence effrénée et jusqu’à la destruction de sa richesse, au détriment du peuple.
TSHOU HI. — Dernière analyse de la voie rationnelle de la réglementation par les préceptes.


1050. Le commentaire traditionnel de la formule symbolique dit : Au‑dessus du marais il y a de l’eau ; retour par des préceptes (tsie). L’homme doué emploie les règlements et les prescriptions sur les mesures et sur les nombres ; il délibère sur la vertu et l’action.

TSHENG TSE. — L’aptitude du marais à contenir de l’eau, ou sa capacité, a des limites ; s’il y en a trop il sera rempli et débordera. C’est là un exemple de limitation (tsie), aussi le koua est considéré comme exprimant la réglementation restrictive. L’homme doué considère l’image symbolique présentée par le koua tsie : et il l’applique à l’institution et à l’établissement de règles sur les nombres. Toute chose, importante ou futile, légère ou grave, élevée ou minime, virtuelle ou réelle, correspond toujours à un nombre et à une mesure déterminée, et qui est considéré comme un principe (tsie). Le nombre exprime la multiplicité plus ou moins grande ; la mesure exprime la règle instituée qui limite et défi­nit. Délibérer sur la vertu et les actions c’est‑à‑dire maintenir intactes les vertus intérieures et innées, tandis que leur manifestation extérieure constitue leur action. Les vertus et les actions de l’homme doivent être pondérées, après délibération, et alors elles sont conformes aux préceptes. Délibérer veut dire discuter et apprécier, afin de chercher à atteindre au degré (tsie) juste et convenable.


Commentaire :

La première erreur concernant le droit ou la morale pointée par le Yi-King est de confondre le droit positif, ou son application avec la perfection du Droit .
Le droit positif, le droit écrit concret des hommes, est en soi à distance de la perfection, dévoré de vide et d'abîme comme un corps mort. L'essence du droit est la puissance de légiférer, le règne.


L'homme moderne se reconnaît dans le spectacle comme il se reconnaît dans le miroir, comme vide . Il est par le regard . L'artiste veut être regardé, mais ne peut le désirer car il se méprise lui même comme objet d'attention . Aussi veut-il diriger le regard vers son œuvre pour dire « c'est moi » . Et il veut poser ses jugements de valeur comme des « valeurs », légiférer à travers son oeuvre, qui pose une beauté, une esthétique .


De même qu'il dit « je suis aussi cela »l'artiste traditionnel s'identifie au plus haut, à la puissance, et aime au delà de l'acte ; là où le moderne regarde son œuvre et dit « je suis ». L'homme moderne vérifie son existence en créant, et n'est que par l'acte . L'homme ancien exalte son au-delà, sa puissance . Ainsi le droit traditionnel est-il inhumain à bon droit .


Faute d'être, l'homme moderne se divertit du vide en aimant le vide . Savoir qu'un spectacle est vide ne l'arrache pas à son divertissement . Croire de même, de manière strictement analogue, que le spectacle est le plein, l'Être, est croire que le Droit est le droit positif . Plus exactement , selon la réduction typique, que le Droit n'est QUE le droit positif .

La deuxième erreur est celle du marais de la moraline . L'eau stagnante est celle qu'enserre des limites de préceptes gênants et cruels . Ces limites ne peuvent conduire à la perfection . L'eau stagnante est toujours putride ; la pensée fermée est celle d'une charogne .
Le caractère apparemment exigeant des principes, leur cruauté, leur caractère d'expression du sadisme et de la soif de domination ne sont pas une garantie de perfection .


La troisième erreur est celle du lien de la limite au danger . Par le principe de précaution, l'homme moderne veut poser la limite avant le danger . Or la limite qui conduit à la perfection est celle qui est librement posée par l'arrêt face au danger concret .


Sans affronter le Dragon intérieur et extérieur, l'homme est réduit à un pantin, un Don Quichotte qui ne combat que des moulins, et reste immature, ou sombre dans la folie de la dissociation entre un réel vide, et des romans de chevalerie, c'est à dire des mondes virtuels complètement vides d'être, comme Avatar, où il va chercher ce qu'il ne peut trouver en réalité. Le vide impitoyable tisse le monde moderne .


Le danger est la voie de l'apprentissage des limites qui conduit à la perfection . C'est pourquoi le Dragon est emblème de perfection .
Le danger et l'affrontement de la mort sont un droit plus grand que des libertés octroyées présentées comme des droits, ainsi la « liberté » moderne .

Viva la muerte!

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Zinaida Serebriakova