Hamlet comme figure cyclique du Rebelle .

(Hawkins)
Paroles sans pensées ne vont jamais au Ciel . Acte III, scène 3 .

Les cycles du temps sont aussi clos l'un envers l'autre que des mondes étrangers ; et plus même, car s'il est permis au voyageur de s'égarer dans les plus étranges archipels, il n'est pas permis à l'homme de chair de retrouver les mondes perdus des antans .

L'homme s'étrange à lui même à chaque instant, autant qu'un homme étranger qui le regarde ; hier m'est plus inaccessible que la plus lointaine cité . Ce pli est aussi le miroir où je me contemple et l'action des mes récits qui me constituent dans le théâtre du monde . L'abîme se creuse sans cesse dans l'unité du lieu .


Le lieu immobile est un fleuve puissant, et tout n'est que déroulement majestueux des spires des eaux à qui sait voir, et parfois torrent, et parfois crue brutale qui emporte comme le vent, comme la mort .


Ce jardin rempli de roses, sera un autre monde passé les frontières de l'hiver ; et plus encore, la clairière couverte d'une neige épaisse au cœur de la forêt, ce lieu à la fois hostile par le froid et d'une aspiration calme au vide, peut être cette prairie envahie d'insectes et de fleurs où nous nous enlacions, nus et odorants .


Le fleuve qui s'écoule, qui se déroule comme le serpent, est l'image visible du temps – las le temps, et l'onde si lasse – car se mêle, aux cycles de catastrophes, la lassitude des hommes et la lassitude intime des temps . L'entrelacement de Saturne et de la Mélancolie n'est pas seulement une métaphore, mais est une correspondance ; les cycles du macrocosme et les cycles du microcosme se répondent .


Les cycles du temps se répliquent indéfiniment à toutes les échelles ; il est l'aube du matin, l'aube d'été, l'aube d'un monde, l'aube des mondes, et autant de crépuscules . De même, il est des aubes à chaque instant, et des crépuscules à chaque instant . L'Aube du jour contient, impliquée, enroulée comme le serpent sous la pierre, toutes les puissances d'Aube ; et aussi toutes les puissances de crépuscules .


Ainsi dans le Yi-King l'apogée est à la fois la grandeur et l'avertissement du déclin . La splendeur des temps porte impliquée en elle une infinie tristesse, qui la creuse et lui donne son intensité et sa profondeur ; et l'infinie tristesse des temps porte la Splendeur invaincue, la lumière de la puissance des mondes – qui permet aux hommes nobles la survie morale parmi les pires époques de déchainement et de destruction .


La mémoire des hommes est vie, quand elle avertit des crépuscules à venir, comme l'Ecclésiaste :


Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux: un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté; un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir; un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser; un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres; un temps pour embrasser, et un temps pour s'éloigner des embrassements; un temps pour chercher, et un temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour jeter; un temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et un temps pour parler; un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix .


La mémoire des hommes est vie, encore, quand elle conserve, émerveillée, le souvenir des Aubes, ainsi dans l'épopée, l'aurore aux doigts de rose – comme les vagues de la mer, qui repartent sans cesse à l'assaut des rochers noirs, pour en modeler des formes étranges, en faire des baies d'émeraude, des havres pour les vaisseaux aventureux .


Les mondes humains ont leurs Aubes sublimes, leurs printemps ; et il ne fut guère, permettez moi de le chanter, de plus grande Aube que la Renaissance . L'été, figure de l'apogée et de la puissance solaire, fut atteint vers 1600, quand la puissante Angleterre conquis le monde, à la faveur d'une guerre mondiale, les guerres de religion et la guerre de Trente Ans ; alors les fruits passèrent la promesse des fleurs dans la lumière des incendies et des amas de corps morts . Bientôt le bel automne classique, et des Lumières, vint voiler de teintes mélancolique la puissance excessive pour la plupart des hommes qui se manifestait, à travers Fludd, à travers Jacob Boehme, à travers John Dee – et à travers le soleil invaincu de Shakespeare . Lautréamont a écrit avec raison : à chaque fois que je lis Shakespeare, j'ai l'impression de déchiqueter la cervelle d'un jaguar .


Hamlet est par excellence la figure, pensée à l'apogée, quand l'implication des ténèbres apparaît dans la lumière pour ceux qui voient, de l'homme de l'hiver des mondes . Il est en quelque sorte le miroir que nous tends un cycle supérieur de l'humanité .


Oh Dieu ! Dieu ! Qu'il est fastidieux, insipide, ennuyeux et vain tout le train de ce monde . Pouah, ah pouah ! C'est un jardin à l'abandon, où des mauvaises herbes montent en graine ; tout ce qui est répugnant et grossier dans la nature le possède entièrement . Qu'on en soit venu là ! Mort depuis deux mois seulement (…) Acte I, scène 2 .


Sur la dégénérescence du pouvoir :


Le Roi veille en cette nuit et fait ripaille ; et invitant à la beuverie, il mène la danse déchaînée du parvenu (…) les timbales et les trompettes proclament qu'il a tenu triomphalement sa gageure . Acte I, scène 4 .


Et l'ordre ancien du monde, l'ordre du Verger, où le Roi sommeillait, n'a pas été détruit par la morsure d'un serpent, mais par le poison, ennemi du sang de l'homme, par un assassinat fomenté par des hommes vils, un misérable dont les dons naturels sont inférieurs aux miens .

La figure de la décadence des âges, analoguée de la perte de l'Éden, est évidente . Oh horrible, horrible, trop horrible !


Hamlet est chargé de la vengeance, chargé de la mémoire des âges d'Or : souviens toi de moi . Alors Hamlet renonce à sa vie et à sa culture pour devenir vengeur du monde perdu : oui, des tablettes de ma mémoire j'effacerai toutes mes notes futiles et stupides, tous les adages, toutes formes et empreintes, toutes impressions du passé que la jeunesse et l'observation y ont inscrites . Acte I scène 5 .


Hamlet est l'analogué, la figure même du révolté moderne : Homme coupable et qui a renoncé à l'innocence, il sait qu'il vit dans un monde empoisonné, par un noir venin ennemi du sang même de l'homme, et qu'il porte en lui la condamnation radicale du cycle entier – et donc de sa propre existence . Voyez ce passage sur Tiqqun :


Aussi le dissident doit refuser l'innocence de la différence que lui promet le Système, vouloir une différence coupable : Coupat déclare au Monde : « Nous ne protesterons pas de notre innocence... la race des innocents est éteinte depuis longtemps » . Dans le Système, la dissidence doit être radicale, absolue donc existentielle « en rupture d'abord intérieure avec le monde » THBL, p 134 ; elle est du domaine métaphysique, et du mal et de la culpabilité, morale, et juridique ; hier, demain, judiciaire . Comme dans la théologie politique de Paul où J. Taubes oppose Paul à Nietzsche . Pour ce dernier le nomos de la terre, du Système, définit le dissident comme être mauvais, et c'est la haine du vaincu, de l'esclave, qui condamne la loi terrestre, la loi de l'Empire . Mais ce nomos est par Paul, par le dissident, retourné en condamnation du Système, en accusation de crime contre lui . ( « l'homme du nihilisme accompli », celui qui ) «a consenti, au moins négativement, (…) fait objectivement partie de la domination, et son innocence est-elle même la plus parfaite culpabilité (...) Que les hommes de ce temps participent également au crime qu'il constitue sans retour (…) il(le Système) refuse de le reconnaître comme un fait métaphysique (...) »THBL, l'époque de la parfaite culpabilité, p 126 .


Je n'exagère pas mais prononce les mots même de la vérité : les crimes de nos pères, et Tchernobyl, et Fukushima, sont le déversement du venin dans le Jardin, dans les canaux vitaux du Roi – sont le signe de ce qui fait du Système un crime – pendant que le Roi fait ripaille au son des trompettes et des canons . Ce n'est pas une fantaisie individuelle qui fait de Hamlet un drame cosmique : l'histoire de Hamlet chez Saxo Grammaticus, Gesta Danorum, la source historique de Shakespeare, est l'analogie d'un drame cosmique, lui même symbole d'une analogie plus haute . Un des livres les plus curieux du dernier siècle traite de cette vérité : Hamlet's Mill, de Giorgio de Santillana et Herta von Dechend, dont l'histoire est en elle-même un roman . Hamlet's Mill, ou Hamlet comme Serviteur de la Roue .


Ce livre est hautement non-conventionnel, et souvent le flot du récit sera interrompu pour placer des commentaires de guidage (…) Pour commencer ces commentaires, il n'y a pas de système qui puisse être présenté en termes analytiques . Il n' y a pas de clefs, et pas de principes desquels un déroulement puisse être déduit . La structure vient d'une époque où il n'existait rien de tel qu'un système au sens moderne, et il serait incorrect d'en chercher . (p 56)


Ainsi il est juste d'interpréter au sens cosmologique, comme l'Apocalypse, ces derniers mots de l'Acte I :


Ce temps est sorti de ses gonds ( de sa juste rotation) . Rancœur maudite de la vie que je sois né pour le remettre d'aplomb !


Ainsi né sous des astres défavorables, Hamlet change d'intérieur et d'extérieur, passe pour fou, est désigné pour la guérison par le divertissement par ceux-là même qui constituent le crime . Votre noble fils est fou . Je dis bien fou, car pour définir la vraie folie, qu'est ce que d'autre que d'être fou ?


De la même manière, on nous proposerais volontiers Dream-a Dream land et l'immaturité indéfiniment prolongée comme remède à un monde insupportable . Ridicule dans ses prétentions à être la fin de l'histoire et le sommet actuel des progrès de l'humanité démocratique et féministe – du moins quand le divertissement ordurier, les bombes et les catastrophes technologiques laissent du temps à la parole de réflexion des philosophes de service - tout va très bien et de mieux en mieux, pourvu que nous gorgions plus encore de moraline .


Hamlet de son côté pense le monde comme une totalité carcérale : Qu'avez vous fait à la fortune, mes bons amis, pour qu'elle vous envoie en prison ici ? (…) Le Danemark est une prison . (…) Alors le monde est une prison – une fameuse, où il y a beaucoup de cellules, de quartiers et de cachots (...) . Acte II, scène 2 .


Et là se fait jour le sens authentique du monologue de l'acte III, scène 1, dont on ne retient trop souvent que les premiers mots, opérant une mutilation du sens effectif : être ou ne pas être, au sens d'être au présent cycle, et de ne pas être au présent cycle .


Être ou ne pas être, c'est la question . Est-il plus noble de souffrir dans l'âme les frondes et les flèches d'une Fortune enragée, ou de prendre les armes contre une mer de détresse, et de finir en s'y opposant ?


La fortune désigne le cycle, la Roue . La question est de savoir ce qui est noble – et ce qui est noble, est-ce de s'enfermer dans les souffrances de l'intériorité face à la détresse des temps, ou d'engager la guerre contre une force qui semble invincible ? Ne pas être et vivre - s'enfermer dans les souffrances intérieures, le labyrinthe de l'âme, c'est aller vers la déréalisation, l'annihilation, la déréliction mélancolique ; être, prendre les armes et mourir – telle est le dilemme d'Hamlet, le dilemme du Bloom . Être au risque de mourir, ou ne pas être et vivre .


Ce qui nous fait accepter ce non-être, la vie organique que nous laisse l'esclavage, la prison du monde, c'est la peur de l'Enfer, du rêve maléfique qui peut nous enfermer après la mort . C'est ainsi que la conscience fait de nous des lâches, et que la couleur native de la résolution s'étiole sous le teint pâle de la contemplation, et des entreprises importantes et de haute volée, à la suite de ces considérations, se détournent de leur cours, et perdent le nom même de l'action .


Le monologue d'Hamlet n'est pas une pure méditation métaphysique d'un être comme effacé du monde, flou et inconsistant ; c'est au contraire la forge de la détermination de fer de l'homme que la justice appelle à l'action au péril de sa vie – la verge de fer qui fait paître les nations . Le monologue d'Hamlet est la figure même de la résistance, de son caractère absolu, fondé dans l'être, et faisant face à la mer de détresse du non-être triomphant des cycles de fer . Le processus d'annihilation place l'homme noble devant cette alternative – lui interdit le repos de l'Éden, sinon comme nostalgie . Hamlet est la figure même de la résistance et de la guerre métaphysique .


Et ce qui est extraordinaire, ce n'est pas que je l'interprète ainsi, car le sens est obvie, mais que tant de mises en scènes fasse passer cette rage froide et concentrée du Prince comme un monologue métaphysique larmoyant – parce que son appel est trop rude – que celui qui a des oreilles, entende !


Hamlet passe à l'action, choisit l'être .


Pour autant Hamlet est une figure, et donc une ignorance et une illusion liée à la perspective .


Son monde, sa croyance dans la bonté du monde s'est effondrée non seulement par la mort de son père et le remariage hâtif de sa mère – les viandes du repas de funérailles ont été servies froides pour le mariage – mais bien plus encore par la découverte de la méchanceté et de la cruauté des hommes et de lui-même, à travers le meurtre . Hamlet est mélancolique – il ne s'agit pas d'une maladie liée à sa nature individuelle, mais de la teinture astrale que prend l'homme noble dans un cycle de fer . Mal astral personnel, mais lié à une époque du monde ; ou encore, qu'il est fourbe de vouloir guérir sans en guérir la source .


Il n'est pas un signe d'intelligence, d'âme ou de santé d'être sain dans un monde malade, mais un symptôme d'un complet abrutissement . Les maladies de l'âme se manifestent dans un être humain, mais un être humain est un ego et un monde indissolublement liés, et la racine du mal est parfois hors de l'individu, de même qu'un homme qui étouffe donne des symptômes d'étouffement, mais peut révéler un empoisonnement de l'air .


Le mal d'Hamlet est lié à l'illusion et à l'ignorance . J'ai depuis peu – et pourquoi je n'en sais rien – perdu toute ma gaité, renoncé à tous mes exercices coutumiers, et en vérité, mon humeur est si lourdement accablée que cet édifice admirablement agencé, la Terre, me semble un promontoire stérile ; ce dais, le plus parfait, l'air voyez vous, ce beau firmament suspendu, ce toit majestueux constellé de feu d'or sculptés, eh bien, tout n'est à mes yeux qu'un amas de vapeurs fétides et pestilentielles . Quel chef d'œuvre que l'homme ! Qu'il est noble en sa raison ! Qu'il est infini dans ses facultés ! Ses formes et ses mouvements, qu'ils sont expressifs et admirables ! Qu'il ressemble à un ange par son activité ! A un dieu pour son intelligence ! La merveille du monde, le parangon des animaux ! Et pourtant qu'est-ce à mes yeux que cette quintessence de poussière ? L'homme ne m'enchante point, la femme non plus (...)


Il est aveuglé par la vision du mal et du crime si proches, et ne peut voir l'indéfinie courbure des cycles . Ce mal, tous les psychiatres s'empresseront de le reconnaître, de le placer dans leur nosologie . Mais cet aveuglement sur les cycles est-lui même cyclique ; et le sage ne peut nier ce qu'Hamlet lui même reconnaît : la grandeur des mondes, leurs abîmes, comment peut-il ne les juger que de sa perspective ?

Et cet aveuglement provoque un mal encore plus grave, une déloyauté à soi-même, et à l'aimée, Ophélie, qu'il précipite dans la mort . Les actes d'Hamlet, qui doute de la Splendeur et de la Vérité dans son emportement par la fureur, la colère concentrée figurée par la bile noire mélancolique, sont eux-même imprégnés des ténèbres du mal qui le déchire, et qu'il dénonce .


Doute que les étoiles soient du feu,

Doute que le Soleil se meuve,

Doute de la vérité, n'est-elle pas mensongère ?

Mais ne doute pas que je t'aime .


L'aveuglement d'Hamlet est lié au rôle de Vengeur moral qu'il adopte face aux horribles crimes qu'il a du découvrir . La vengeance, l'étroitesse des perspectives morales et de la mélancolie précipitent Hamlet dans la destruction même qu'il prétend combattre . Dans quelle mesure en est-il coupable, Shakespeare ne le dit pas, mais sans doute très peu – car il inspire la pitié, et arrache des larmes .


Le livre de Job apporte la réponse (Job, 40 ) :


9 As-tu donc un bras comme celui de Dieu? Fais-tu retentir comme lui la voix du tonnerre? 10 Alors pare-toi de majesté et de grandeur, revêts-toi de splendeur et de magnificence. 11 Lance de toutes parts les éclats de ta colère et, d'un regard, abaisse tout orgueilleux. 12 D'un regard, humilie tout orgueilleux, et écrase les méchants sur place. 13 Enfouis-les tous ensemble dans la poussière, confine leur face dans la nuit du tombeau. 14 Alors moi-même je te louerai de ce que ta droite t'aura donné la victoire. 15 Vois donc le Béhémoth que j'ai créé comme toi: il se nourrit d'herbe comme le bœuf. 16 Admire la force qui est dans ses reins, la vigueur qui réside dans les muscles de son ventre. 17 Sa queue se dresse comme un cèdre, les nerfs de ses cuisses sont entrelacés. 18 Ses os sont des tuyaux d'airain, ses vertèbres des barres de fer. 19 Il est une des œuvres capitales de Dieu: Celui qui l'a fait l'a gratifié d'un glaive.


Les larmes ne doivent pas voiler la splendeur du monde, et la splendeur du glaive, qui se dévoilent plus que jamais dans l'âge de fer .


C'est celà même, la sagesse du Maître, sa capacité a regarder l'horreur en face sans s'y aveugler, en conservant le sens de la Splendeur des mondes et de l'aimée .


Vive la mort, et vive la Splendeur !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Hamlet… Comment nous autres, hommes différenciés (comme nous a baptisés Evola), ne pas nous reconnaître dans la Figure et le Verbe d’Hamlet ?
“a fellow of infinite jest, of most excellent fancy;
he hath borne me on his back a thousand times;
and now, how abhorred in my imagination it is!
my gorge rises at it.
Here hung those lips that I have kissed I know not how oft.
Where be your gibes now?”
Le crâne de Yoric est de ces Vanités initiatrices que l’on peignait à l’époque où l’on aimait encore la Mort.
Où on L’aimait pour ce qu’Elle est : une puissance de Vie qui déchire l’Abîme.
« Tu es ce que j’ai été.
Je suis ce que tu seras. »
http://a7.idata.over-blog.com/421x500/3/95/10/57/vanites-1.jpg

Maldoror le "Vaniteux".

Anonyme a dit…

Concernant la Tragique d'Hamlet, les Autres Mondes réduit à néant par l'entéléchie de l'idéologie-racine, le Courage, l'Ordre et bien d'autres choses encore...

"L'«autre monde» attaqué par le nihilisme européen, présenté par lui comme une pure illusion ou condamné en tant qu'évasion, n'est pas une autre réalité; c'est une autre dimension de la réalité, celle où le réel, sans être nié, acquiert une signification absolue, dans la nudité inconcevable de l'être pur.

C'est donc là le fond essentiel d'une vision de la vie convenant à l'homme qui, dans une époque de dissolution, est laissé à lui-même et doit faire la preuve de sa force. Il faut, en contrepartie, être à soi-même son centre ou faire en sorte de le devenir, constater ou découvrir la suprême identité avec soi-même. Percevoir en soi la dimension de la transcendance et s'y ancrer, en faire le gond qui reste immobile alors même que bat la porte (c'est une image de Maître Eckhart). A partir de ce moment, toute « invocation » et toute prière deviennent existentiellement impossibles. L'héritage de «Dieu» qu'on n'ose s'approprier n'est pas celui du délire lucide de Kirillov; c'est le calme sentiment d'une présence et d'une possession intangible, de quelque chose de supérieur à la vie au sein même de la vie. Identique est le sens le plus profond du mot sur la «nouvelle noblesse» : « En cela précisément consiste la divinité, qu'il existe des dieux et n'existe aucun dieu». Pour employer une image : comme le rayon qui porte en lui, dans sa course, sans avoir besoin de revenir en arrière, la force lumineuse et l'impulsion du centre dont il tire origine. C'est aussi assumer sa position de façon absolue, en des termes qui excluent le thème des crises religieuses, c'est-à-dire le sentiment « d'être abandonné de Dieu ». A ce stade, cela équivaudrait à un Dieu qui se serait abandonné lui-même, et, de même, il n'y a pas ici de négation possible de Dieu : nier Dieu ou le mettre en doute, serait se nier ou se mettre en doute soi-même. Une fois disparue ainsi l'idée d'un dieu personnel, Dieu cesse d'être un «problème», un objet de «croyance» ou un besoin de l'âme; le terme de «croyant» comme celui d' «athée» ou de «libre penseur» apparaissent dénués de sens. L'une et l'autre attitude sont dépassées.
Ce point étant bien précisé, il convient d'indiquer tout d'abord comment il faut assumer le défi existentiel, assumer tout ce que la vie peut présenter de négatif, de tragique, de douloureux, de problématique et d'absurde. Sénèque disait déjà qu'aucun spectacle n'est plus agréable aux dieux que celui de l'homme supérieur aux prises avec l'adversité; elle seule lui permet de connaître sa force - et Sénèque ajoute : «Ce sont les hommes de valeur qu'il faut envoyer sur les positions les plus dangereuses ou charger des missions les plus difficiles, tandis que les lâches et les faibles sont laissés à l'arrière. » On connaît la maxime : «Ce qui ne nous brise pas nous rend plus forts.» Mais, dans notre cas, cette intrépidité doit se fonder sur la dimension de la transcendance en nous : il faut attester celle-ci et la confirmer dans toutes les situations où règnent le chaos et la dissolution et tourner ainsi ces situations à son avantage. C'est l'opposé d'un endurcissement arrogant de l'individualité physique, sous toutes ses formes, unilatéralement stoïques ou nietzschéennes. Il s'agit, au contraire, de l'activation consciente, en soi-même, de l'autre principe et de sa force, à l'occasion d'expériences qui ne sont pas simplement subies mais sont même recherchées. Ceci ne doit jamais être perdu de vue.[…]"

Maldoror, qui cite Evola.

Anonyme a dit…

(Evola - suite et fin)
"Le problème d'être soi-même peut trouver dans l'unification une solution particulière et surbordonnée à la première; lorsqu'on est parvenu à reconnaître expérimentalement, parmi ses multiples tendances, celle qui est centrale, il faut l'identifier à sa propre volonté, la stabiliser en organisant autour d'elle toutes les tendances secondaires ou divergentes. Voilà ce que signifie c se donner une loi , sa propre loi. Comme nous l'avons déjà vu, l'incapacité d'y parvenir, et «la multiplicité hétérogène des âmes réunies en son sein», sont les raisons de l'effondrement auquel peut aboutir la voie d'un être qui s'est avancé jusqu'aux situations-limites d'un monde sans Dieu.[…]
Une référence au monde de la Tradition pourra peut-être, dans ce contexte, présenter quelque intérêt. Bien avant d'être celle du nihilisme, la formule «Rien n'existe, tout est permis» a été, dans l'Islam, celle de l'Ordre initiatique des Ismaëliens. Cet aperçu nous amène à étudier le second degré de l'épreuve-connaissance de soi, degré qui se rapporte à la dimension de la transcendance et qui conditionne la solution ultime du problème existentiel. En effet, le premier degré, qui consiste à reconnaître «sa nature propre» et à en faire sa loi, ne résout le problème que sur le plan de la forme, de la détermination ou, si l'on préfère, de l'individuation, ce qui donne une base suffisante pour se diriger, quelles que soient les contingences. Mais pour qui veut aller jusqu'au fond, ce plan n'a pas de transparence, on ne peut encore y trouver un sens absolu. En s'arrêtant à ce stade, on est actif en tant que l'on veut être soi-même, mais non en tant que l'on est tel qu'on est et pas autrement. Ceci peut être ressenti comme quelque chose d'irrationnel et d'obscur au point de provoquer, chez un certain type d'homme, le début d'une crise et la remise en question de tout ce que l'on avait atteint dans la direction indiquée. C'est alors que s'impose le second degré de l'épreuve de soi, qui consiste à éprouver, à vérifier expérimenralement, la présence en soi, plus ou moins active, de la dimension supérieure de la transcendance, du noyau non conditionné qui, dans la vie, n'appartient pas au domaine de celle-ci, mais au domaine de l'être.
Dans une ambiance qui n'offre aucun appui ni aucun « igne », la solution du problème du sens dernier de l'existence dépend de cette ultime épreuve. Lorsque, une fois toutes les superstructures repoussées ou détruites, on a pour seule base son être propre, l'ultime signification de l'existence, de la vie, ne peut jaillir que d'une relation directe et absolue entre cet être (ce qu'on est en vertu de sa propre détermination) et la transcendance (la transcendance en soi-même). Cette signification n'est donc pas donnée par quelque chose d'extrinsèque et d'externe, par quelque chose qui s'ajoure à l'être quand celui-ci se réfère à quelque autre principe. Ceci pouvait être valable dans un monde différent, dans un monde traditionnellement ordonné. Dans le domaine existentiel que nous examinons ici, cette signification ne peut être donnée au contraire que par la dimension de la transcendance perçue directement par l'homme comme la racine de son être, de sa «nature propre». Et ceci comporte une justification absolue, une marque indéfectible et irrévocable, la destruction définitive de l'état de négativité et de la problématique existentielle. C'est exclusivement sur cette base que l' «être que l'on est» cesse de constituer une limite. Autrement, toute voie sera une limite, y compris celle des « surhommes » et tout autre mode d'être qui, par ses particularités extérieures, aboutit à distraire l'homme du problème de la signification ultime et à dissimuler une vulnérabilité essentielle. […]"
Maldoror, qui chevauche le Tigre.

Anonyme a dit…

« Il ne fut guère, permettez moi de le chanter, de plus grande Aube que la Renaissance ».
Voilà peut-être le seul point qui n’a pas mon entière adhésion.
La Renaissance prétend être la fille métaphysique de l’Antiquité, et fait tout pour retrouver, voire même dépasser, cet Age d’Or.
Pourtant, lorsque la Renaissance se retrouve REELLEMENT face à l’incarnation de l’Antiquité, que fait-elle ? Elle la DETRUIT. Aveugle, elle la foule au pied, pour des raisons aussi bien religieuses qu’économiques.
Je parle bien sûr du monde pré-colombien. N’était-ce pas un monde qui vivait dans une éternelle Antiquité ?
Ainsi, la Renaissance est comme l’Imperium Romain : la première a rayé de la carte les Incas, comme l’autre a exterminé la Tradition Druidique.
Ces deux époques sont deux vrais-faux Printemps. Deux Avant-garde de l’Age de Fer.
Si belles… et si vénéneuses !

A la Renaissance, L’Homme est au centre du monde. Mais être au centre ne signifie pas pour autant être LE centre. Et rares sont ceux qui ont su s’en souvenir durant cette période… Je crois d’ailleurs que Shakespeare tient plus du Moyen-Age que de la Renaissance.
Dans La Tempête, Prospero n’est-il pas l’antique Régent Théurge (le « Wang ») qui n’a dorénavant plus sa place dans la Cité-Etat italienne ?
De plus, malgré l’ancienne sagesse qu’il symbolise, comment se conduit-il dans son exil ? Dans ce Nouveau Monde (ce Paradis Perdu !) qu’est son île ? Il ASSERVIT.
Je pense que Shakespeare n’était pas dupe de son époque…
Le Maitre annonce la Danse Macabre.

J’ai visité la Toscane – et je suis encore ivre du charme de cette très belle Femme… Gardienne du Jardin des Hespérides, ou Sirène des Délices de l’Age de Fer ?

Firenze... Bella Ragazza... Memento Mori.

Maldoror, Amant et Contempteur de Florence.

lancelot a dit…

Mon ami,

L'Aube est figure du crépuscule...mille recherches de l'époque sont imprégnées de lumière. Sirène des des délices de l'âge de fer...c'est exactement cela.

Vous lire est un de ces délices.

Je dois revenir sur Evola, et sur la figure du Roi de Némi.

Voyez aussi le nihilisme comme éléphant (ref sur l'Encyclopédie) : je suis surpris de voir l'homologie entre mes propos et ceux d'Evola...C'est pourquoi j'y reviens. Je suis en train d'écrire un livre sur Evola...

L'Ordre - quelle question dois-je vous poser?

A bientôt, ami.

Anonyme a dit…

« L'Aube est figure du Crépuscule »
Tandis que pour moi, Elle est le sentier étroit qui mène à l’Aurore.
Elle est annonciatrice du Jour Nouveau.
Mais si nous considérons qu’Elle est avant tout empreinte de la Ténèbre, dans ce cas… nous avons évidemment la même vision de la Renaissance.

« Je suis surpris de voir l'homologie entre mes propos et ceux d'Evola. »
Je suis beaucoup moins surpris que vous, mon ami… néanmoins, on ne saurait vous accuser de plagiat ou de suivisme : bien qu’arrivant souvent aux mêmes conclusions que le Tantrika Italien, vous arpentez un rayon de la Roue quelque peu différent.
C’est là un sentiment plus qu’une analyse. Je dirais pour l’instant : Si Evola est Jules César, alors Lancelot-Vlad est Alexandre. Sol Invictus a de nombreux visages…

« Je dois revenir […] sur la figure du Roi de Némi. »
Un symbole – ou plutôt un labyrinthe de symboles - extrêmement dense et tortueux… Là aussi, de nombreux visages. Et je ne doute pas que vous évoquerez des chemins que je n’ai pas même aperçus !

« Je suis en train d'écrire un livre sur Evola... »
La plupart du temps, Evola n’a pour critiques que des hoplites de salon ou de « savants » Traditionalistes à la grandeur d’âme inversement proportionnelle à la taille de leur bibliothèque.
Votre vision à la fois synthétique et poétique du monde ne pourra qu’enrichir les voies ouvertes par le Patricien.
Vraiment.
Et c’est donc avec un enthousiasme non feint que j’accueillerai votre ouvrage !

« L'Ordre - quelle question dois-je vous poser? »
Demandez-moi où siège l’Hésychaste Adepte du Wu-Wei lors d’un Thing.

Maldoror, 489+1.

Anonyme a dit…

Mon Ami,

Puis-je vous contacter à cette adresse?
princevladv@yahoo.fr

J'aurai certains textes et certaines réflexions (fulgurances, mêmes!) à partager, concernant Evola, le Roi de Numi et... les Ordres Esotériques (Triades Taoïstes, Mithra, Ninpô,Ismaéliens et d'autres éléments, TOUS liés.)
J'ai de nombreux textes à (re)lire et certaines personnes à consulter.
Il me faudra sans doute du temps.

A bientôt, mon ami!

Maldoror, Fils de l'Homme Vert.

lancelot a dit…

Contactez moi par là, aucune difficulté. Moi aussi j'ai pensé à la proclamation d'Alamut, mon ami. Vous êtes la seule personne à qui je laisse un temps sans bornes. Tenez moi si possible au courant de vos recherches. J'ai pensé à vous dans Rex Nemorensis...peut être me direz vous.

Ce qui sera, sera.

Nu

Nu
Zinaida Serebriakova