Nostalgie 1 : L'enfant métaphysique et la grève gelée dans la brume


Evola dit que le désir d'éternité, la nostalgie, ne peut être satisfait par l' enfantement, qui est retour après l'extase dans le cercle du temps. Cela est vrai et faux; le lignage est l'accès à l'image de la durée inhumaine des mondes, qui est image de l'éternité. Le lignage est plus que la personne.

La grève gelée dans la brume est immense et ses contours indéfinis se perdent, ainsi que l'horizon. Le gel la rend comme immobile et rallonge les distances comme l'altitude, qui rend âpre tout déplacement. La grève est aussi une image des temps, puisque battue par le flux et le reflux qui sont comme la respiration de la mer.

La grève cristallisée dans la glace pousse à la mélancolie comme la plage moderne pousse au sexe. Les pas s'effacent comme les vies humaines et leurs désirs. Ainsi un facteur changeant dans la manifestation change-t-il totalement mon monde vécu.

Le monde est eau, et onde; la mer est image du monde. Ainsi les anciens ermites irlandais méditaient-ils sur les îles et les vaisseaux poussés à la grâce de Dieu. Méditer sur la mer n'est pas méditer sur le roc, sur le feu ou sur la brume épaisse et froide qui rend l'air présent à tous les sens. L'air et l'eau montrent le côté destructeur des mondes comme un flux passif , l'écoulement comme un jeu. Le jeu sexuel est lié à l'eau.

Le désir se projette et se reflète sur les éléments. Autant les désirs sont -ils fumée, autant la Nostalgie reste-t-elle éternellement inscrite dans la créature, en tant que marque visible et ineffable de l'absence.

La nostalgie est ce qui nous rend humain et nous fait désirer l'inhumain. Il est du destin du héros de boire l'amertume dans les forêts obscures de ses quêtes. Les broderies des fleurs en tapis sur la mousse lui font signe et l'égarent. Les sources et les puits sont empierrés. Son épée est impuissante à établir la Justice, et les hommes profanes accomplissent les dernières profanations. Il n'est aucun lieu pour abriter le Calice avec sureté.

Il n'est aucun temple où s'abriter en Dieu. Le chant des oiseaux a changé de sens.

Il n'est aucun ermite connu du peuple pour indiquer la Voie ; aucune étoile pour abriter le pôle.

Nous vivons dans un monde où la vie est enserrée dans le roc- c'est le mythe de Merlin- et où la folie fait tourner à vive allure la roue des mondes. Dans la dernière guerre la folie a touché le monde matériel convoqué pour la destruction ; notre guerre est pire, car c'est le monde spirituel qui est convoqué pour la destruction. Et la résistance spirituelle risque toujours de servir la destruction. Peut-être est-ce souhaitable.

Il faudra alors invoquer le feu et l'éternel Printemps.

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Zinaida Serebriakova