Soi même et l'Autre.

"Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison" Lautréamont.


Chacun a la puissance de devenir un autre. Selon Platon, l'âme qui aime s'aliène en l'autre en aimant. La personnalité, persona, est au sens propre un masque qui ne tient pas que par une cohésion intérieure, mais aussi par l'ensemble des liens qui la maintiennent de l'extérieur. La personnalité fonctionne par dissolution et assimilation de ce qui ressemble, et élimination et condamnation de ce qui ne se laisse pas comprendre et échappe, l'irréductible qui pointe l' Abîme. La morale commune (qui assimile et condamne par une mécanique binaire) est l'alliée de la personnalité; le pashù aime et vénère le joug. Elle peut certes s'effondrer en un abîme, imploser; et certes le transexualisme montre que des facteurs internes jouent dans l'identité. Mais je peux dénouer le joug et porter des masques. J'avance masqué.

Le masque est un symbole de liberté, et celle ci repose sur l'opacité. L'obscurité est l'alliée du jeu des flammes. Les liens sont les haubans de la personne, et la personne est Maya. Se chercher soi même est chercher le vide, et s'enfoncer dans l'illusion. Car qui cherche? Et qui est cherché?
L'univers, en tant que principe d'identité d'espèce des visions, et la personnalité ou identité, en tant que principe d'unité des flux intérieurs, sont des répercussions réciproques. La substance du moi individuel est la substance du monde. Si je me transforme le monde se transforme, et si le monde se transforme je me transforme. Ainsi, si je vois un monde livré à la guerre et à la mort, je suis un organisme livré à la guerre et à la mort. Si le langage des oiseaux devient audible, alors l'évidence du Caché se manifeste dans l'abîme.
La philosophie moderne veut faire des systèmes consistants; elle a voulu prouver ou déprouver Dieu par des grimoires logiques. Mais la nécessité logique est postérieure et consécutive à la nécessité de l'être qu'elle prétend prouver. Elle veut donner des réponses là où le silence est la réponse. Elle veut clore l'être et le phénomène, ou le dicible, alors qu'il faut pointer l'abîme.

Le paradoxe de cette pensée est inévitable. Parole du silence et tableau du mouvant éternel se mêlent. L'étoile d'or exalte la Ténèbre mais ne peut l'éclairer.
La nostalgie est une puissance du plus haut désir, et une puissance ne se dit, ni ne se défini, ni ne se lie. Elle parait folie et elle est sagesse en l'âge de fer. Elle paraît souillure mais est Grâce en l'âge de Kali, car elle oblige à échapper au piège de l'homme bon et de la recherche de soi même.

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Zinaida Serebriakova