Le soleil noir philosophal, serpent souterrain.



Devant la femme piquée par un serpent de Clesinger, à Orsay.

Un corps offert, sublime, dans un orgasme cathartique de mort.

Trois personnages entrelacés par l'Eros des mondes dans une hiérogamie crépusculaire : la mort, la chair, le diable sous la forme du Serpent.

Cette forme est solaire, magnétique. J'ai croisé le regard des hommes et des femmes qui le contemplaient. J'ai médité sur l'eau de ces fontaines de regards, de désirs. J'ai pensé aussi sur le dandy Lee Miller.

Dans la Logique de Hegel, le vrai est totalité, cercle de cercles, Stonehenge conceptuel. Quiconque observe pourtant la pensée depuis bien longtemps contemple un désert du verbe. Ce désert est la marque d'un soleil noir de la pensée, celui de la puissance d'Eros. Où est ce cercle noir dans le cercle de cercles?

Il est deux figures d'Eros : le tisseur de liens, tissu du monde, et celui qui brise les liens tissés, comparable à Dionysos. Comme Diane, accompagné de ménades nues et du dieu. Sa place est de n'en pas avoir, comme le Voyageur de l'âme.
Ô dieux qui errent parmi la voute céleste et les forêts obscures de la vie, objet du culte nocturne du Tantrika sans liens. Sauvages, qui portent leur propre sol et leurs propres chemins. Sauvages, car les Maîtres se dissimulent dans l'ombre, là où seul l'éclairé perce.

Au milieu du chemin de la vie vous vous dressez aux carrefours, priapes moqueurs, menteurs, gardiens des fontaines enchantées parmi les hurlements des insectes en lutte, qui emportent la raison du voyageur de l'âme.

Votre place est de perdre les places et les pas du Voyageur. D'emmêler les voies, comme des entrelacs, et d'être l'épée qui tranche les nœuds des mondes ; d'être la vague mystique qui entraîne bien au delà de l'estran, au delà des varechs d'échouages globuleux comme la peau du serpent. Vous fendez le rocher, et la source s'insinue sous le sol.

Mes amis, jouons de la flûte autour du bûcher de la philosophie.

Le serpent de flammes qui s'élance verticalement dans la percée de l'os, et le serpent de ténèbres qui s'enroule vers les souterrains de l'âme, vers le chaos, un et même. Qui voudra sauver sa vie la perdra, et qui perdra sa vie la sauvera. Tel est de la bouche du Maître l'éloge du labyrinthe des ténèbres. Et nous autres modernes, vivons véritablement dans un monde qui ne veut que cela, sauver sa vie, et qui l'a perdue. A l'aide de braises, nous ne cherchons plus un homme, mais un homme vivant.

Le misérable est notre frère, en ce que le misérable est celui qui ne veut plus que cela, sauver sa vie. Et c'est en cela qu'il est notre frère, non dans l'humanité.

Ténèbres, ténèbres, infinies spirales des goémons de ténèbres. Eaux nocturnes, creusant dans les cavités des yeux morts, comme le torrent dans les profondeurs du karst. Et les grands corps blancs des amoureuses demeurent dans les volutes voluptueux des courants, et tournoient dans la luminosité pâle des abîmes de la mer. L'amour est enroulé par les courants. Il s'en va, et demeure, jamais le même, et jamais autre, comme les eaux.

L'amour, amor et mort, Thot et Todt, l'amer de la vie dégustée dans la volupté, mort parmi les tourbillons des mers des mondes, la volupté comme instant crucial allié à l'éternité, eau que les mains ne peuvent saisir, joie et douleur mêlées dans le principe.

Ô frères de ma pensée, ils sont partis nombreux, las de ces mondes anciens, au fond de l'inconnu. Verront il le passage des grandes ténèbres,
Boiront-il l'eau et le sang du Suprême
Respireront-ils la Rose mystique au creux du ventre de l'aîmée,
Parcoureront-ils de leurs visage les charmes de ses paysages,
Caressant les champs en fleurs sans se déchirer sur les ossements enfouis
Tant et tant et tant de morts pour naître de rien.

Pas de cercle de cercle mais labyrinthe, chant et leçons de ténèbres. Nous, hommes nobles, nous n'avons rien à perdre, à sauver et à défendre qui appartiennent à l'Âge de fer.

A celui qui attends méditatif, dans le silence du sang et des tripes, sur la jetée des mondes, la tempête, l'ouragan est bénédiction. L'embrun est fontaine pour la soif. Le hurlement du vent est l'ombre portée des hurlements égarés des hommes.

A nous, colère des dieux, vin capiteux et ivresse sublime, à nous ménades, dans le déchirement et la consommation de la chair des mondes!

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Zinaida Serebriakova