Autoportraits en fragments- gothic dandies .

(Dürer, autoportrait)


Et du vin furieux de la débauche ils s'étaient déjà enivrés jusqu'à la fin. Par désir de Vérité ils voulaient ignorer les vérités-lâchetés -repentirs des hommes. Par orgueil ils voulaient tirer leur rédemption de leur désir aiguisé comme une lame, prête à trancher la chair avec délices . Leur voie n'était pas celle des hommes ni celle du désert, leur voie était celle du tigre. Aucun être n'est plus solitaire que le tigre...solitaires infiniment ils étaient, et dandies moqueurs, ivres du Haut désir tant désiré, et frères du sang, de la volupté et de la mort.

Et dévorés d'angoisse, hantés par la mort, écrasés par le poids indéfini du Serpent, blessés par un mot de la tribu prononcé à tort, tristes jusqu'à la mort de la perte des anciennes prairies, ou de l'écrasement d'une fleur . Ivres du soleil invaincu, des mots de la splendeur, et des guerres du Seigneur .

Envers l'étoile, dans le secret, ils ne reconnaissaient que le délice des larmes et la tendresse, le désir infini de sa peau, l'attention portée, la rigueur vassalique la plus absolue . Ils chantaient le Cantique le coeur en larmes et en délices . Avides comme le loup, avides de leur puissances et ivresses de sexe, et jaloux par le spasme des tripes, ils savaient aussi que le pôle n'est pas la négation de la multiplicité, que l'institution n'est pas la fleur d'or de l'âme, ou amour . Le pôle est la fleur d'abîme, le négatif qui passionne l'être .

Le pôle de mon être triple est le tien, princesse . Le mal en est l'analogie en miroir . Le pôle est la restauration originelle de l'Archange révolté, acte qui ne le nie pas comme déchirement essentiel, mais le respecte comme Archange dans le vertige de son haut rang . La nuit ne nie pas la lumière,mais la rend plus visible,et la charge des formes de la splendeur.

La multiplicité est la conséquence fatale de la puissance . Elle est l'ivresse de la puissance et, en même temps, aspiration indéfinie du vide . Ils voulaient des peaux, des parfums, des ventres, des orages, des sexes détempés après l'ondée, des roses noires, des bouches entrouvertes, des langues-serpent...

« Ta tendance rouge est tout aussi redoutable, c'est le maître de Baal. Le printemps. L'érecteur. Une force souterraine capable de brandir tous les monstres de nos peurs pour pousser l'autre vers le haut, installer dans son esprit l'urgence de vivre. Tu peux faire jouir et bander n'importe qui. La difficulté avec une telle bombe d'attraction, c'est que les autres tombent comme des mouches et que tu ne sais plus au fond si ils t'aiment vraiment toi ou s'ils sont simplement drogués, fascinés par tes pouvoirs de sorcier. Tu peux en arriver, par dépit, par tristesse, à retourner les forces pour qu'elles deviennent repoussantes et générer une angoisse, voir une panique chez tes interlocuteurs espérant que ceux qui te cherchent vraiment soient assez solides pour dépasser toutes les barrières. Je connais bien le processus . »

Ils se sentaient faibles, si faibles parfois et vis à vis de la violence des déchirements, et vis à vis de l'exigence la plus haute . Brûlés, en cendres rendues à la stérilité des roches nues . Et ils brûlaient de devenir puissants de la puissance du serpent qui tordaient leurs ventres et leurs âmes . Et ils devenaient puissants, et tordaient des couteaux dans des âmes enivrées par les corolles ingénues, et carnivores, de leur désir .

Toujours morts, toujours âpres et rudes douleurs, soleils blancs atroces et grinçants, et toujours invincibles, ainsi ils étaient . L'errant des astres ne peut être écrasé par un exil ou une bataille perdue, sachant l'infinité des espaces, reflet du ciel au dessus de nous - l'infinité des états de l'être . Et de savoir que rien n'est plus solide que le lien né de la puissance absolue, étincelle du verbe et de la chair, peaux et âmes mêlés dans les algues des cheveux, que rien n'est plus solide que le poême qui s'élève au crépuscule des mondes - plus que les royaumes aux frontières mouvantes, que les arbres et les montagnes, que les vagues de la mer .

Ils aspiraient à la force et à l'intensité, aux brasiers du réel, quitte à brûler, quitte à mourir . Que les vapeurs de leur souffle dans l'air glacé soient rouges, et que les lettres de leurs mots soient de sang . Que les lettres soient des flèches, des dagues, des styles du chasseur des ténèbres . Tues moi, brûles moi, déchires moi de désirs et de folies, plutôt que de me laisser me vivre de cendres . L'être est . Le non -être n'est pas . Vive la mort !

Faits de sang, ils voulaient être chêne, pierre et fer . Et quand ils se sentaient de fer, ils leur fallait voir couler leur sang avec délices . Pour demeurer humain, pour se sentir éponge emplie de sang et de douleurs, de rages et d'ivresses, de hurlements et de larmes . Et de cela, ils savaient en rire pour le public .

Étaient-ils ainsi...Il me prouvait, d’une manière péremptoire, irréfutable, que l’ivresse de l’Art est plus apte que toute autre à voiler les terreurs du gouffre ; que le génie peut jouer la comédie au bord de la tombe avec une joie qui l’empêche de voir la tombe, perdu, comme il est, dans un paradis excluant toute idée de tombe et de destruction ...ou ainsi : L'attitude mentale juste ne peut affranchir de la sueur, du sang et du doute - mais elle comporte l'idée de ne pas être infléchi par le doute . Ignorer le doute est le fait d'un idiot, ou d'un fanatique inhumain ; fléchir est une faiblesse . Il reste l'inflexibilité déchirée...d'un déchirement essentiel.

Déchirés entre la terreur des gouffres et l'ivresse des ciels versicolores, entre la spirale du serpent et l'élévation du feu, entre la vie et la mort, le jour ultrasolaire et la nuit obscure et vide de toute main amie . Déchirés entre la sincérité la plus haute et les masques innombrables sur les blessures et le sang occultés et innommables, le destin, frère de la douleur, et les feux d'artifices de l'analogie des gestes créateurs...entre...tant et tant de vies et tant et tant de morts...entre le déchirement vital de la liberté sanglante, et les délices du retour vers l'Un et la paix...

Ils invoquaient le Dragon pour retrouver leur unité perdue, pour voir à nouveau ce qu'ils avaient vu au prix de leur hurlements sans âme, et perdu dans la banalité sordide du monde . Ils invoquaient le mâle et la femelle, première commune transgression,première semence de Dieu, et du Dragon .

Ils cherchaient l'essence de l'hiver et du sexe dans le sang du corbeau tué d'une flèche, mêlé aux forêts-Ô sorcier, apporte nous la paix par le fléau des démons hurlant dans les cimes . Comme le sang dans la neige est sa bouche, comme les ténèbres en miroir des plumes ensanglantées sont ses cheveux, comme le tronc du bouleau est sa peau .

Ô dragon, archange de la révolte, fait mon âme blanche et glacée comme la neige, noire comme les plumes du corbeau, brûlante comme le sang de l'oiseau sauvage . Charge mon âme d'une puissance comme celle d'Iseult .

Permet que la vie à nouveau s'élève comme le feu vers les splendeurs du ciel . Permet que les mots à nouveau évoquent les coeurs gorgés de sang, les puissances de l'amour, les larmes dans tes cheveux, le souffle immortel des lèvres de la déesse du Soleil .

Fait la vie grande comme elle doit l'être, par l'épée . Comme elle doit l'être, grande de ses déchirements, fille de la guerre . C'est alors que l'amour jaillit en éclair entre les pôles les plus éloignés, et dévore le regard pour le rendre plus transparent, comme l'eau des sources vers le Nord .

Fait nous voyants . Car l'âme est toutes choses qu'elle peut voir, et qu'ainsi le voyant est l'homme le plus grand . Une vie humaine sans grandeur est une mort .

Et je ne veux pas mourir .

Vive la mort!

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Nu

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Zinaida Serebriakova